Chapitre 9

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La pièce est minuscule, humide, une fenêtre qui ne semble pas s'ouvrir dans le coin supérieur. Il y a une toilette et un robinet, un plateau vide au sol, avec ce qui ressemble à un morceau de pain sec à côté. C'est humide et ça sent la mort.

Une prison.
Non, pire...
Et elle est habité.

Dans un coin, recoquiller de peur, un homme me dévisage. Un grand homme trop mince, vêtu d'un t-shirt sale et d'un training, pieds nus. Il me regarde, horrifié, se cache de moi, tente de se fondre dans les briques ravagées pas le moisis, mais il n'a nulle part où aller. Je ne suis même pas sûre qu'il puisse se lever et tenir debout, là-dedans...

Nous ?

C'est lui « nous » ?

C'est un homme, merde, un homme qui semble avoir vécu ici toute sa vie. Un homme effrayé, brisé par la vie, par le père Anton. Comment est-ce possible ? Depuis combien de temps est-il là ? Pourquoi est-il effrayé par moi, je n'ai pourtant rien de menaçant. Le père n'a pas pu enlever un adulte... Il préfère clairement les enfants et...

« Si vous osez descendre dans la cave pendant que je ne suis pas là, je vous y enfermerais à jamais. Ça sera votre tombe, tu entends ?! »

La voix grasse et pleine de promesse du monstre qui nous maltraitait résonne dans ma tête. Cet homme y était déjà ? La voilà la raison des menaces. Je n'ai jamais vraiment songé y descendre un jour, j'avais d'autre soucis. Lui. Maya. Sa vaine protection. J'avais tellement peur de ma propre chambre, alors la cave... Je ressens la peur d'autrefois, tellement présente, étouffante, douloureuse... elle ne cesse de se manifester. Le père va pourtant mourir. Je devrais me sentir libérée !

La respiration saccadée du détenu me faire revenir au présent. La fumée qui pénètre les lieux l'effraye. Ou alors, c'est simplement moi... Oui, moi... Je fais quoi maintenant ? Je ne peux pas le laisser ici. Cette ordure le gardait enfermé sous clé, combien de temps pensait-il le maintenir là ? Et après sa mort... A-t-il pensé à le libérer ? Le tuer ? L'emmener avec lui en enfer. Le laisser mourir de faim, lentement, cruellement.

Il tremble, et se met à pleurer discrètement. Cela me fait mal au cœur. Un si grand homme, dans une si petite pièce, agissant comme un enfant, paniqué comme s'il était prit en faute. J'avance et il sursaute pour se coller contre le mur froid. Je l'effraie, c'est bien moi, avec mon mètre cinquante. C'est pitoyable... il l'est et je suis également après toutes ces années.

- N'ai pas peur... Je ne te ferais rien.

Je tente de l'amadouer, gagner sa confiance pour partir de cet enfer, surtout que le feu se propage rapidement, la température monte, et la fumée débine, ébène, puante, les cris du père augmentent... Nous n'avons pas beaucoup de temps.

Il me regarde sans me voir, je me demande s'il m'entend vraiment, ou alors, les hurlements du Père Anton le terrifie, pense-t-il que je suis venu lui octroyer les mêmes sévices... Et je comprends qu'il fixe derrière moi et ça me devient plus claire : Il n'a pas peur de moi, il a peur de l'autre cinglé qui grille sur son siège. Ce fauteuil ou il prenait place, m'ordonnant de me mettre à genou devant lui pour...

Qu'il crève.

J'avance encore un peu, lentement, les mains levées, je retiens difficilement ce chagrin qui me broie l'estomac, et alors que je veux le rassurer encore, c'est lui qui parle. Confirme ainsi ce que je pensais.

- Va-t'en ! Pars avant qu'il ne te voie... Il te fera du mal !

Cela prend une seconde, une boule d'angoisse me remonte dans l'œsophage, je n'arrive pas à la ravaler et j'éclate en sanglot. Je redeviens l'enfant effrayée d'autrefois parce que j'en ai un devant moi. Je chiale de toute mon âme, libérant lentement toutes ses frustrations accumulées. Je tremble, secouée par des tas d'émotions. Celle hier. Celle de mon enfance. Celle d'une fausse naissance, car l'apparition de Lyse n'a pas fait disparaître Marie. Elle est toujours là, elle pleure, elle m'en veut...

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now