Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)

1. Le lycée et tout le tralala

C'est dingue comment rester dans une pièce qui pue peut vous donner l'impression de puer vous aussi.

Alors que Mélissa tient mon sac de cours, je me penche pour boire au robinet. Comme d'habitude, nous passons une éternité aux toilettes et discutons de toute et de rien. Nous avons conscience qu'il y a pleins d'autres endroits plus propices à ce genre de choses mais je crois que nous aimons bien ce lieu, malgré de drôles odeurs parfois, comme en ce moment.

— Au fait, tu fais quoi pour Noël ?

À l'entente de la question de mon amie, je relève la tête. Le mois de décembre est déjà bien entamé puisque nous sommes le 14. Les vacances approchent à grand pas, pourtant je ne suis pas du tout emballée à l'idée de rester chez moi. Je reconnais que le fait de ne plus avoir cours pendant deux semaines est tout de même non négligeable mais me dire que je ne verrais plus Mel tous les jours me chagrine. Sans oublier qu'à la place, je vais devoir me coltiner ma moche-mère ! Le summum de l'enfer.

Mélissa et moi avons fait connaissance le jour de la rentrée. Alors que j'étais quelque peu perdue au milieu des groupes de lycéens formés dès le premier cours, je me suis assise à côté d'une grande brune aux longs rajouts rouges. Forte, le visage plutôt fermé, Mel ne paraissait pas très sympathique à première vue.

Mais à force d'être sa binôme de table, j'ai fini par réaliser que le côté un peu brute et froid de Mélissa n'était qu'une façade. Nous n'étions même pas arrivées aux vacances de la Toussaint que nous nous considérions déjà comme les meilleures amies du monde. Il n'était pas rare que l'on se voit le week-end. Elle a déjà dormi chez moi et inversement, notamment durant la première nuit d'Angelina la voleuse à la ferme. À part moi, Mel n'a pas vraiment d'ami et moi non plus mais nous sommes probablement le duo le plus solide du lycée.

J'offre un merci silencieux à mon amie, récupère mes affaires puis d'une démarche traînante, nous sortons de la pièce.

— Sais pas. C'est pas certain qu'Émile soit avec nous cette année. Depuis qu'il a rencontré sa Sacha, il découche de plus en plus. Papa pense qu'ils vont se mettre en ménage dans peu de temps. Si ça arrive, je me suicide. Il est hors de question que je vive seule avec Angelina la voleuse !

Bon, je ne déteste pas Sacha autant que le dragon. Mais je lui en veux tout de même de nous voler Émile. Ils ne se connaissent que depuis cet été, pourtant on dirait parfois qu'ils sont en couple depuis des années. Ils ont déjà des habitudes de vieux, ça craint un max.

— Oh ne dis pas de bêtises. Puis si tu déprimes, songe à ma famille et au cauchemar qu'ils vont me faire vivre, soupire Mel.

J'apprécie les parents de mon amie, mais je les trouve quelque fois un peu bizarres. Très festifs, on dirait parfois que c'est portes ouvertes chez eux. Je les soupçonne d'être une sorte d'hippies drogués qui se trimballent complètement nus dans leur jardin en été.

— Ils ont décidé d'inviter tous les oncles et tantes ainsi que les enfants et petits enfants. Puis il y a aussi les voisins et les collègues de boulot. C'est limite si tout le monde pourra rentrer dans la salle des fêtes qu'ils ont louée. Et le pire dans tout ça, c'est que mon père a dit que je me chargerai de l'animation parce qu'il veut que je me remette à la guitare et que je chante devant un peu de public. T'imagines le truc un peu ?

Parce que je suis occupée à écouter mon amie et à rigoler des nombreux malheurs qui l'attendent, je ne remarque pas la personne à deux mètres de moi et cogne de plein fouet dedans.

Quelque peu sonnée, je recule de deux pas avant de me frotter le front. Je m'apprête à m'excuser lorsque je croise un regard noir à moitié caché par une épaisse mèche de cheveux sombres et indisciplinés. Automatiquement, je m'éloigne un peu plus. Les mains dans les poches de son jean, le visage impassible bien qu'il me semble y déceler un léger air blasé, le mec face à moi ne décroche pas un mot. Deux secondes plus tard, il a déjà remis la capuche sur sa tête, m'a contournée et a repris sa route.