37. American party

860 133 64
                                    

Il fut un temps où je me suis posée des questions à propos de ma génitrice.

En fait, pour être tout à fait honnête, j'ai espéré qu'elle soit malade. Je m'étais renseignée sur les maladies mentales et j'avais fini par trouver du réconfort dans l'idée qu'elle puisse être la victime dans l'histoire. Victime de telle ou telle pathologie. Victime qui n'aurait pas été maître de ses actes. Du manque d'intérêt qu'elle me portait, de ses répliques dégradantes, de son immaturité, de sa méchanceté gratuite et tout le reste.

Mais il n'y a jamais eu de moments étranges, du moins qui pourraient être considérés comme étranges aux yeux d'un professionnel je pense. Elle n'a pas eu d'épisode maniaque ou dépressif, pas d'alcoolisme, pas de voix dans la tête, rien. Ma génitrice est seine d'esprit, du moins elle est elle-même : un de mes plus grands cauchemars, elle est celle que je ne veux jamais devenir.

Alors avec le temps (et grâce à mon arrivée à la ferme), j'ai fini par accepter le fait que je ne pourrais pas la changer et qu'elle ne me verrait jamais plus que comme sa deuxième fille, celle qui était cool avant l'arrivée de Kyle. Ceci dit, même avant la naissance de mon demi-frère, elle s'était détachée de moi. Je suppose que j'étais trop âgée pour elle. Vous savez, comme ces chiots qui sont moins craquants, prennent plus de place et demandent plus d'implication...

Tout en soufflant un bon coup, je me redresse. Nous sommes vendredi soir et comme il a été décidé avec mon père samedi dernier que je pouvais dormir chez Mélissa ce week-end, je ne vais pas rentrer à Bignoux avant dimanche. Je me suis donc préparée pour la fête, chez mon amie. Amie qui se trouve à côté de moi en ce moment et semble aussi stressée que moi.

C'est notre première soirée au lycée. C'est étrange de venir ici à cette heure-ci d'ailleurs.

— On fait une photo ?

La proposition de Mélissa me fait penser à celle d'Angelina, jeudi. Parce que oui, lorsque je suis montée sur scène, j'ai failli éclater en sanglot en voyant ma famille sur les fauteuils. Apparemment, c'est Émile qui est arrivé le premier dans l'amphithéâtre et il a été tel un ouragan. Il a fait tellement de bruit qu'il a même récolté plusieurs regard noirs et des « chut » agacés. C'est Sacha qui a dû calmer les choses en offrant des sourires désolés à l'ensemble des spectateurs.

Bref, pour en revenir à ma belle-mère... Après ma prestation, elle m'a avoué qu'elle m'avait filmée et a dit que l'on pourrait envoyer la vidéo à ma génitrice. Est donc arrivé le moment douloureux où j'ai dû lui apprendre que celle-ci s'en foutait royalement. En plus de quarante représentations, elle n'en a pas vu une seule. Soit elle bossait, soit c'était son jour de repos et elle avait mieux à faire que d'aller « à un spectacle de merde ».

Le peu de fois où j'ai osé lui dire que sa présence était importante pour moi, elle a dit que j'étais capricieuse et que son mec me payait des cours qui coutaient la peau du cul donc que je pouvais au moins me la fermer. Et généralement, elle finissait par me dire d'aller faire chier quelqu'un d'autre. Alors une fois je l'ai écoutée. J'ai fugué. Je ne suis pas rentrée de la nuit. J'ai dormi chez une connaissance qui squattait elle-même chez un mec chelou, un drogué qui me regardait toujours bizarrement.

Je crois que la plupart des parents se seraient inquiétés d'apprendre que leur fille d'à peine treize ans a décampé. Mais ça n'a pas été le cas de l'autre. Avec mon père, ça n'aurait pas été la même histoire par contre...

— Oh quelle horreur ! Je suis affreuse, s'exclame Mélissa en découvrant la photo qu'elle vient de prendre de nous deux.

— N'importe quoi, t'es sublime.

Mon amie roule des yeux. Ce soir, elle les a maquillés à la Cléopâtre.

— Je n'aurais pas dû mettre cette robe rouge, on dirait une vache tellement je suis grosse.

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Where stories live. Discover now