51. Le conflit des amoureux

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Quatre fromages, reine, savoyarde, royale, bolognaise, j'ai toujours adoré les pizzas. Quoi ? Moi, être une goinfre ? Mais non voyons. Je mange juste jusqu'à ce que mon estomac n'ait plus de place pour stocker. C'est ça où bien il crie famine au bout de deux heures ! Et croyez-moi, personne n'a envie de l'entendre.

C'est simple, la dernière fois que c'est arrivé, c'était à la ferme. Émile a cru qu'il faisait orage et m'a crié d'aller débrancher la Livebox (il stresse un peu car elle s'est grillée un jour à cause des caprices du temps) tandis qu'il allait prévenir papa qui était sous la douche. Ce n'est pas une blague. C'est vrai. Alors ne rigolez pas !

Bref, aujourd'hui c'est vendredi et c'est pizza.

— J'peux goûter la tienne ? demande Mélissa en plantant sa fourchette dans mon repas.

Je ne sais pas pourquoi elle pose la question alors qu'elle agit avant même que je ne lui ai répondu. Sûrement pour faire bien et rassurer sa conscience... Elle est marrante parfois ma meilleure amie.

— Hum, elle est bonne ! s'exclame-t-elle.

Cela ne l'empêche pas de revenir à la sienne et vu son air ravi, je comprends qu'elle préfère sa pizza à la mienne. Elle a dû comprendre mon raisonnement et ne voulait sûrement pas me faire râler en disant ce que je sais déjà : je n'ai pas bien choisi mon assiette.

Mel a pris la quatre fromages et j'aurais pu faire de même, s'il n'y avait pas eu Gontran avec nous. Bah ouais, ça se fait pas de prendre une pizza comme ça, à côté de son mec. Après, je vais puer de la gueule, et ça sera un putain de cauchemar. Vous imaginez un peu, s'il me dit qu'il ne veut plus m'embrasser à cause de ça ?

Être en couple, c'est cool, mais il y a quand même quelques inconvénients. Ça commence sur le plan de la gastronomie : fini le tartare, l'ail, l'oignon et tout ce qui est bon mais schlingue...

Un petit coup d'œil vers mon copain et je réalise qu'il ne mange pas vraiment. Il trie seulement avec sa fourchette le contenu de son assiette (qu'il a déchiqueté comme un gosse).

— T'as pas faim ?

J'ai conscience que ce n'est pas la question que j'aurais dû poser. Je n'aurais pas dû faire celle qui ne sait pas, tout simplement. J'aurais dû affronter la réalité.

— Je suis désolée. Je te jure que j'ai fait tout mon possible, soupiré-je.

Mélissa, qui n'est pas vraiment au courant de l'histoire, nous regarde en haussant un sourcil. Et non, avant que vous ne demandiez, elle ne semble pas gênée de tenir la chandelle. Elle est restée avec nous mercredi aussi. Le jeudi, elle a déjeuné avec Maxime même si selon elle ce n'est pas bon pour lui car il va sûrement continuer à l'aimer si elle reste à ses côtés.

Enfin bon, ce n'est pas le sujet...

— Je t'assure que c'est vrai, j'ai vraiment fait tout mon possible Gontran.

Le mardi, en rentrant chez moi, je n'ai pas osé demander à mon père si je pourrais aller passer quelques jours chez Gontran. Le mercredi, non plus. Mais hier soir, j'ai enfin osé poser la question. Ouais, je me suis jetée à l'eau. Et tout ce que l'on peut dire, c'est que je me suis ramassée en beauté.

Pour être plus exacte, je me suis pris une vague meurtrière en pleine tronche. Parce qu'apparemment, je suis folle de souhaiter vouloir aller chez mon copain. Que je suis trop jeune. Que mon paternel ne connaît pas les parents (même s'il les a vus la semaine dernière à l'hôpital). Que nous les ados, nous ne savons pas nous contrôler avec nos hormones en ébullition. Qu'il ne veut pas que je devienne mère à quinze ans (Il se fait des idées là, nous n'en sommes pas encore là avec Gontran. Nous en sommes carrément méga loin). Et que ce n'est pas comparable la fois où je suis allée répéter pour la pièce de théâtre chez lui, car j'étais juste une amie à ce moment-là et pas seule.

Enfin bon, il a sorti tous les arguments de base. Ceux contre quoi on ne peut pas gagner, même si on argumente durant des heures.

Et j'ai beau l'avoir dit à Gontran (ce matin, dès qu'il m'a rejoint sur le parking. Enfin, après notre bisou quotidien quand même. Je ne voulais pas rater ma douceur de la journée), je crois qu'il me fait la gueule. C'est complètement débile, non ? Je veux dire, ce n'est pas de ma faute quoi !

— Allez, mon chieur préféré ne va pas me faire la tête quand même ! Puis c'est juste une semaine. Ça passera vite.

Je tente un sourire.

— Deux semaines, me corrige-t-il en m'envoyant un regard noir.

Super Madeleine, maintenant il va croire que ça t'importe si peu que tu ne comptes même pas les jours durant lesquels vous serez séparés.

Puis c'est vrai que ça craint comme situation.

— Vous pourrez quand même vous parler par portable, lâche Mel qui essaie de nous remonter le moral.

Mais ça ne marche pas. Du moins pour Gontran.

— Allez, soupiré-je, fais pas ton relou !

Apparemment, ce n'était pas à dire puisqu'après m'avoir envoyé un nouveau regard noir, il met sa capuche sur la tête, attrape son plateau et quitte la table.

Plusieurs élèves l'observent en silence, d'autres me fixent. C'est la scène du moment.... Comprenez-les, ils doivent se demander si le « nouveau couple » du lycée est en train de se séparer ou pas.

Vite vite les gens, prenez vos phones et postez sur votre mur. Gossip Girl, ce n'est pas fini ! C'est encore tendance. Cracher sur le dos des autres, c'est tellement plus cool que s'occuper de ses affaires.

— Tu ne lui cours pas après ? me demande Mélissa tandis que monsieur ronchon vient de débarrasser ses couverts et se dirige désormais vers la sortie du réfectoire.

Alors... déjà, je ne cours pas, après qui que ce soit. Je ne suis pas soumise et je ne joue pas au toutou, tout simplement. Et de deux, il est hors de question que je cède à son petit caprice de mec déçu d'avoir reçu un refus de la part de sa copine. Ce qui en plus, n'est même pas le cas. J'ai essayé de faire céder mon père, mais il s'est opposé à ma demande. Qu'est-ce que je pouvais faire de plus ?

— Il va se calmer.

Moi aussi ça m'embête de m'imaginer devoir passer quinze jours sans le voir, mais de là à faire une crise de nerf... Il ne faut pas exagérer quand même. Merde quoi ! Il a quinze ans ou cinq ans ?

Je crois que nous venons de connaître notre première « dispute » de couple. Enfin notre premier conflit.

Quelques secondes plus tard, le souvenir de sa syncope de la semaine dernière en tête, j'annonce à mon amie que finalement, je n'ai plus très faim.

Fichu Gontran, il vient de me faire rater mon repas favori. Du moins un de mes repas favoris. Si je fais chier mes camarades de cours avec mes gargouillis insupportables, ce sera de sa faute.

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NDA : C'est un petit chapitre (le plus petit depuis le début de l'histoire), je sais 😌 En vérité, le chapitre était plus long, mais justement, il était trop long alors j'ai dû le couper en deux.

Bon, Gontran qui fait la tête à Madeleine ? C'est un cas celui-là hein 😅

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Onde histórias criam vida. Descubra agora