69. Accident de travail

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J'ai souvent critiqué le syndrome de la guimauve de Mélissa, mais je crois qu'au final, je l'ai choppé moi aussi...

Parce que honnêtement, durant toute la séance, je n'ai pas été fichu de suivre ne serait-ce que cinq minutes du film ! Entre les doigts de Gontran qui caressaient ma main, son parfum qui enivrait mes narines, sa voix qui chuchotait des « bébé » complètement divins, mon cœur qui s'est pris pour un sprinteur couplé de sauteur à la perche, et la peau douce de sa joue contre la mienne, j'étais au Paradis.

Du coup, j'en ai oublié que je n'étais toujours pas inscrite dans une agence artistique. J'en ai oublié qu'Angelina et mon père ne sont toujours pas retournés ensemble. J'en ai oublié que je suis toujours exclue trois jours du lycée. Bref, j'ai tout oublié.

— Madeleine ?

Sauf que le souci, c'est que même quatre jours après notre rendez-vous (qui s'est terminé par du flânage en ville comme prévu), je suis encore sur mon petit nuage. Résultat, ça fait deux nuits que je dors avec son sweat-shirt. Malheureusement, le vêtement a perdu son odeur.

— Madeleine, est-ce que tu m'entends ?

Je fais des efforts monumentaux pour revenir sur terre. Quel jour sommes-nous déjà ? Ah oui, mardi ! Dans un sourire gêné, je regarde mon père. Son pantalon est rempli de boue, et je préfère ne pas parler de ses chaussures ! Pas plus tard que ce matin, il s'est occupé de l'enclos des cochons.

— Tu m'aides un peu ?

Eh ouais... Après le rendez-vous amoureux parfait et mes deux heures inoubliables passées dans les bras de Gontran sur ce vieux banc dans le parc, c'est le retour du travail épuisant de la ferme !

Émile est au boulot évidemment. Donc je suis la seule qui puisse seconder papa. Autant dire que deux heures de travail ici, équivalent à une semaine de lycée. C'est dingue quand même !

— J'fais quoi ? demandé-je, encore un peu paumée.

Papa coupe désormais des planches de bois. Il a dit qu'il allait faire ube pause avec la ferme pour me fabriquer un meuble à chaussures, puisque je me suis plaint dimanche soir comme quoi je n'avais pas de place pour ranger mes affaires.

Mon père a toujours aimé construire des bricoles. Alors je suppose que ça ne le dérange pas de jouer à l'ébéniste.

— Il faut faire la distribution du foin ! crie-t-il par-dessus le boucan que fait sa scie circulaire.

— O.K., j'y vais alors ! m'exclamé-je.

Sans plus attendre, je fonce vers notre réserve pour aller me mettre en tenue. Salopette, bottes et fourche : me voilà !

Cinq minutes plus tard, c'est tout en tournant sur moi-même au rythme de la musique de La La Land (lancée sur mon portable) que je fais voler le foin avec ma fourche, lequel dégringole sur ma tête. Mais vous savez quoi ? Et bien, je m'en fous complètement.

Le cœur léger, je fais quelques pas sur le côté. La tête droite, je m'imagine en train de valser. La danse d'Emma Stone est certainement bien plus élégante que la mienne, mais au pire hein... je suis à la ferme. Alors je fais ce que je veux !

Durant quelques secondes, je me vois sur scène. Les lumières tapissent le sol. Vêtue d'une jolie claire, les cheveux attachés, je danse sur mes talons hauts avant de tourner à côté de... ben d'un Sebastian. Mais étrangement, ce n'est pas Ryan Gosling qui tient le rôle dans mon esprit. Non, il s'agit plutôt du fils d'un certain compositeur de musique.

Je suis certaine que Gontran serait super ! Il faudra que je lui demande la prochaine fois s'il sait jouer du piano. Avec un père musicien, ça me paraît évident. Mais bien souvent, ce qui me semble évident ne l'est pas en réalité, alors bon...

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Where stories live. Discover now