59. Le diable restera toujours le diable

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Un jour, alors que je me sentais mal à cause d'une dispute entre papa et ma génitrice, Émile est entré dans ma chambre et m'a mis son casque sur les oreilles. Ça a été une révélation, car en une fraction de seconde, je me suis sentie coupée de la réalité. C'était comme si j'étais un enfant perdu que Peter Pan venait d'emmener au Pays imaginaire.

Je n'entendais plus mes parents crier. J'étais enfin en paix. Et les notes de musique dansaient dans mon esprit comme la fée Clochette virevolte aux côtés de son Peter chéri.

Bon, promis j'arrête avec mes comparaisons pourries.

En vérité, il s'agissait d'un morceau de guitare électrique et c'était assez... disons que c'était un peu violent, seulement j'ai gardé le casque jusqu'à la fin de la chanson, car c'était toujours mieux que les réflexions qui étaient faites à l'étage du dessous.

Malheureusement pour moi, en ce moment, mon portable m'est toujours confisqué et je n'ai pas accès à mon ordinateur. Je ne peux donc pas échapper à cette réalité désastreuse, et encore moins à la voix de papa qui tonne désormais pratiquement comme s'il était dans la même pièce que moi.

Il semble en colère. Vraiment en colère.

— Est-ce que tu te rends compte du danger que tu lui as fait encourir ? Comment as-tu pu attendre si longtemps ? Et pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? Et s'il avait essayé de violer notre fille ? T'y as pensé à ça ?

— Christopher !

C'est la voix d'Angelina, cette fois-ci. Et elle paraît plutôt stricte.

En fait, maintenant que je suis dans ma chambre et que je peux prendre un peu de recul par rapport à tout à l'heure, je trouve qu'elle s'est montrée dure. Elle qui d'habitude était douce, compréhensive et sentimentale, a fait signe à papa de se taire, à deux reprises.

— Baisse d'un ton. Madeleine va t'entendre.

— Et alors ? J'en ai...

Mon père se tait, avant de reprendre, de plus belle :

— Et toi hein ! Tu ne penses qu'à l'affaire ! C'est pas l'avocate que je veux entendre parler en ce moment ! Et ma fille, t'y penses un peu ?

— C'est notre fille, Christopher.

— Non Angelina, c'est ma fille. La tienne est morte ! Madeleine n'est pas Ruby. Il faut que tu te l'entre dans le crâne ça ! Elle ne sera jamais elle !

Un silence s'installe. Je sais qu'il a dit ça sans le penser. Mais je me doute qu'Angelina est blessée. Ce n'est pas son habitude de parler ainsi. D'ordinaire, il fait attention à ses mots, du moins un peu plus qu'en ce moment.

S'il y a quelque chose qui est plus que certain désormais, aussi, c'est qu'il a attendu que je quitte la salle à manger pour vraiment régler ses comptes avec Virginie, et avec Angelina aussi apparemment.

Le problème, c'est que j'entends tout. Parce qu'il ne m'a pas rendu mon portable et que je n'ai pas de poste dans ma chambre pour écouter ne serait-ce que la radio.

Honnêtement, j'ai eu plusieurs fois peur de Bertrand. Au départ, je le craignais car il était strict et dominateur. C'était le chef. Celui qui nous entretenait comme il disait toujours, car avec son salaire d'employée dans l'agroalimentaire, ma génitrice ne rapportait même pas un tiers du salaire de l'autre. Lui, il était l'avocat, le fils de riche, le mec soi-disant parfait. Il m'impressionnait et me rabaissait sans arrêt.

Puis est arrivé le moment où j'ai commencé à me dire qu'il était bizarre. Putain... comment ai-je fait pour ne pas comprendre ? Pour ne pas voir ? Mon père a raison, ce bâtard aurait pu me faire du mal. Et au final, même si ce n'est pas moi qui ai attrapé, deux personnes ont subi.

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Where stories live. Discover now