20. Trouver un plan anti-remariage

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J'ai souvent entendu dire que si on aime une personne et que l'on veut son bonheur, alors la grandeur de nos sentiments nous amènera à choisir une jolie fin pour l'être aimé, quitte à ce que la nôtre soit sombre.

Et bien si c'est vraiment le cas, est-ce que cela veut dire que je n'aime pas mon père ? Parce que peu importe à quel point il est important à mes yeux, je ne peux pas l'imaginer une seule seconde épouser le dragon. Non, c'est au-dessus de mes forces.

Il a déjà assez souffert à cause de ma génitrice. J'ai toujours vu mon paternel comme étant quelqu'un de fragile, aussi fragile qu'un petit oisillon innocent et plein d'amour à revendre. Alors je refuse que Maléfique lui coupe les ailes qu'il a tout juste commencé à se reconstruire.

Et en tant qu'enfant, il est de mon devoir de le protéger d'un danger hautement mortel. C'est donc pour cette raison que je demande à Émile de me rejoindre dans ma chambre, le soir, après un dîner tendu seulement alimenté par le bruit sifflant des couverts cognant contre les assiettes.

C'est décidé, c'est évident, nous devons comploter pour faire capoter les projets de mon père ainsi que du dragon.

— Pour notre plan anti-remariage, j'avais pensé à une course aux emmerdes. Style basique quoi, quiproquos, mensonges et finir sur la corde sensible.

Mon frère, assis sur mon lit, active son mode « je croise les bras pour faire gonfler mes muscles et montrer à ma sœur que je suis viril afin qu'elle n'essaie pas de décider à ma place », mais celui-ci ne fonctionne pas sur moi.

— Écoute Madeleine...

J'ai presque envie de me boucher les oreilles en criant que je ne veux pas l'entendre. Je ne suis pas bête, je sais ce que signifie ce ton de dégonflé. Je vais me retrouver seule à me battre.

— Putain, c'est Sacha, c'est ça ?

Je savais que j'allais regretter d'avoir dit à Mélissa que je ne détestais plus la sorcière rousse. L'avouer à voix haute, c'était bien trop sympa pour elle. Voilà maintenant que mon ennemie se retourne contre moi.

— Quoi ? Pourquoi tu parles de Sacha ? Ce n'est pas de notre belle-mère que l'on...

— Traître ! T'es un sale traître ! C'est la moche-mère. Pas la belle-mère.

Émile roule des yeux et se lève.

Je m'en fous, j'évite ses bras et me dirige vers l'autre partie de ma chambre. Ma gorge se noue, les larmes montent à nouveau. J'ai l'impression que tout le monde m'abandonne. C'est presque comme si je me retrouvais à nouveau l'année de mes sept ans. Papa avait le visage si triste. L'atmosphère était mauvaise, et celle qui m'a ôtée à ma famille s'en foutait pas mal.

Je me retrouve, une fois de plus, dans la grande maison du mec à ma génitrice. J'entends ses mots, durs, dénués d'émotions, me disant que je suis attendue chez mon père pour dans une semaine. On finit toujours par en avoir marre de moi ou me trahir.

— Madeleine, tu ne crois pas que l'on a passé l'âge de l'appeler « moche-mère » ou « Angelina la voleuse » ? Moi aussi, ça me fait bizarre de l'imaginer avec quelqu'un d'autre que maman mais...

— Notre génitrice ! le corrigé-je.

Mon visage se déforme sous le coup de la colère du fait qu'il l'appelle ainsi après tout ce qu'elle nous a fait subir. C'est un monstre. Je la déteste désormais. Et je déteste aussi Émile de la nommer si gentiment.

— Si tu veux.

Je me laisse glisser le long du mur. Désormais en boule, je colle mon front contre mes genoux et laisse tomber ma dernière armure. Mes sanglots me remuent. C'est mon corps tout entier qui pleure. Tôt ou tard, Mélissa aussi me lâchera. Comme tout le monde.

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora