3. Le chieur

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Je déteste les cours de Littérature et Société le lundi matin. À croire qu'ils ont décidé de mettre la matière la plus barbante en début de semaine pour faire déprimer les lycéens ! Et que ce soit le cas ou pas, ça fonctionne.

Le menton sur la paume de ma main, j'écoute d'une oreille distraite le professeur. Sa voix, bien que désagréable, va finir par m'endormir je crois bien. Mais alors que mes yeux commencent à se fermer tous seuls, je sens soudainement quelque chose cogner contre mon avant-bras. Je sors aussitôt de mon demi-sommeil, mon regard se pose sur le stylo qui vient de s'inviter sur ma table.

J'entreprends d'observer attentivement les lieux. Au fond de la classe, le petit Thibaut s'amuse avec le grand Thibaut. Inséparables depuis qu'ils ont découvert qu'ils portaient le même prénom, on les appelle les jumeaux, bien que ce ne soit évidemment pas le cas. Je continue mon tour panoramique. Devant les garçons, il y a Lucile qui envoie plus de SMS qu'elle n'écoute le cours. À côté de moi, Jocelyn les jambes croisées, discute d'une façon peu discrète avec Théo sur sa droite. Aurélie à deux tables devant de la mienne prend note une fois sur deux.

Je crois que l'on peut dire que tout le monde se fait chier. Luc qui est sur ma gauche, se contente de fixer la pendule en haut du tableau de monsieur Lemoine. Un soupir m'échappe. Heureusement, personne n'y fait attention. Parce que je viens de voir qu'il reste quatorze minutes avant que la sonnerie du lycée ne retentisse, je décide de regarder par la fenêtre. C'est toujours mieux que de devoir subir le lavage de cerveau imposé par le professeur.

— Est-ce que mademoiselle Petit pourrait nous faire l'honneur d'écouter le cours au lieu de rêver de liberté en fixant la fenêtre ?

C'est les joues brûlantes d'avoir été vue que je tourne la tête vers monsieur Lemoine et son ventre d'homme enceinte. Quelques camarades me regardent. Dans leurs yeux, on perçoit la morale silencieuse qu'ils me font. Pas celle comme quoi je devrais être attentive et prendre des notes. Plutôt celle qui critique mon manque de discrétion. Car avouons-le, quasiment personne n'écoute le cours du prof de Littérature et Société, du moins aujourd'hui. Il faut dire qu'il s'agit de la dernière semaine avant les vacances de Noël alors chacun doit avoir des projets plein la tête.

La tirade du prof reprend, comme si elle ne s'était jamais arrêtée. Et telle une élève modèle, j'attrape le stylo toujours à côté de moi pour copier mon cours. J'entends un léger « pst » du propriétaire du bic mais l'ignore royalement. Le grand Thibaut n'avait qu'à pas jouer avec !

***

Heureusement, le lundi, j'ai mon option théâtre à 16h. C'est la seule raison pour laquelle j'aime le premier jour de la semaine. Là-bas, Mélissa n'est pas avec moi car monter sur les planches et improviser devant ses camarades n'est pas son fort. Et même si au départ, c'est un peu impressionnant de devoir parler et surtout vivre notre texte devant autrui, je m'y suis vite habituée à Paris durant ma première année de cours. Le théâtre fait désormais partie de moi.

Quand j'ouvre la porte du petit auditorium, quelques élèves sont déjà arrivés. Ce qui est bien dans cette classe, c'est qu'à force de devoir nous écouter chacun, d'étudier les points importants pour un comédien et de parler des sujets qui fâchent afin de faire réagir les gens grâce à l'art, on finit par se sentir comme dans une immense famille. Mes camarades de théâtre sont les camarades que je connais le mieux.

— Salut Madeleine, souffle Alexandra.

Elle est en 2nde 3 et accessoirement, dans mon groupe pour notre pièce de théâtre.

— Salut, ça va ?

— Ouais. Pas trop stressée ?

Aujourd'hui, nous sommes évalués. Pour ce faire, nous devions écrire un petit texte sur le thème de notre choix. Cela devait être une tirade et non pas un dialogue. Nous allons passer individuellement.

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Where stories live. Discover now