Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)

34. Chez le chieur

Quand j'étais gamine, j'adorais les mercredis. Premièrement, car je n'avais pas cours. Deuxièmement car sur Tfou, ils passaient plus de dessins animés que les autres jours (j'adorais les Totally Spies et si mes souvenirs sont bons, il y avait plusieurs épisodes ce jour-là). Puis troisièmement, car l'après-midi, généralement, j'allais me promener à cheval avec ma génitrice. Parce que oui, avant de péter un câble et de de devenir une sans cœur, elle a été une personne attachante et attentionnée. Jusqu'à mes cinq ans environ.

— Bonjour. Je suis Florian Bavière, le père de Gontran. Allez-y, montez ! Je ne mords pas, rigole l'homme qui nous fait face.

Alors que Martial rentre dans la voiture noire, Alexandra et moi nous regardons. Le chieur ressemble comme deux gouttes d'eau à son père, mais avec quelques années de moins, évidemment. C'en est presque choquant.

— Merci de nous accueillir, lance ma camarade de cours en me faisant signe de passer avant elle.

Je lui suis reconnaissante, jusqu'au moment où je comprends que si elle m'a laissée entrer en deuxième dans la caisse, ce n'est pas par politesse mais plutôt pour que je me coltine la place du milieu. Quelle peste !

— Alors c'est Martial, Madeleine et Alexandra, nous présente le chieur.

Lui au moins a de la place, puisqu'il est sur le siège passager. Cette chance ! En même temps, si j'avais été devant, cela aurait été bizarre, non ?

Durant tout le trajet, je reçois des coups de coude de la part de Martial qui n'arrête pas de gigoter. Alexandra elle, reste immobile et regarde par la fenêtre. C'est déjà ça, au moins je suis tranquille du côté gauche.

Ça craint si je mets mes écouteurs ?

Ça fait un peu que je n'ai pas écouté de musical. Ça me manque. M'imaginer dans les années cinquante, danser et chanter dans la salle de bains en faisant comme si j'étais sur scène, écouter Elphaba ma sorcière préférée, tout me manque.

En tout cas, quand nous arrivons enfin à destination, je ne peux m'empêcher d'être déçue. J'avais imaginé que Gontan truc muche habitait dans une maison de riche. En soi, sa demeure n'est pas pourrie, elle est juste... normale quoi. Bâtie de pierres, elle semble être à deux étages et présente un petit jardin, plutôt bien entretenu.

Bref, il n'y a pas de piscine gigantesque, pas de grand portail commandé à distance, pas de statue grecque, pas de majordome (du moins pour le moment). Nous sommes bien loin des racontars qui se disaient au lycée. J'avoue, j'avais annoncé que je n'y croyais pas. Mais finalement, une part de moi doutait tout de même.

— Tout le monde descend !

Je vois le chieur soupirer en regardant son père.

Au moins je ne suis pas la seule à devoir supporter un papa un peu spécial. D'ailleurs, cela me fait penser qu'il vaut mieux que j'envoie un SMS au mien avant qu'il ne décide de prendre la route pour arriver comme une fleur ici. Oui, après notre discussion de samedi, il m'a donné l'autorisation de venir chez le Gontan truc muche, mais à condition que je lui envoie des messages pour lui dire quand je suis arrivée, comment est la famille, si tout se passe bien, puis évidemment à quelle heure il doit me récupérer.

De l'espionnage intensif pour moi et rien d'anormal d'après lui...

— Allez, je vous laisse les jeunes. Ta mère prépare les goûters.

Martial, Alexandra et moi nous regardons. Ça se voit clairement que nous avons envie de rire, mais nous nous retenons pour ne pas être captés par monsieur Bavière qui n'est pas encore complètement rentré dans la maison.