Angelorum resonare

L'ombre d'un doute

Le lendemain matin, alors que je préparais le déjeuner pour tout le monde, Elsa vint me voir. Elle paraissait en colère :
- Tu viendras me voir dès que tu auras terminé, me dit-elle sèchement.
Elle replaça correctement sa fausse fourrure sur ses épaules et, tout en me lançant un regard dédaigneux, passa sa main dans sa chevelure blonde pour se recoiffer.
- Que se passe-t-il ? Me demandèrent les jumelles.
Je n'en savais rien, mais il se tramait bien quelque chose.
Après le déjeuner, je me dirigeais vers la tente d'Elsa, nerveuse.
Me présentant à elle, j'attendais qu'elle daigne me regarder ou m'adresser un mot. Elle se leva, une cigarette à la main, et, tout en fumant, commença à marcher lentement. Puis, elle se tourna vers moi et expira sa fumée près de mon visage.
- Tu vas arrêter de fricoter avec le riche, me dit-elle avec son accent allemand que je trouvais bien désagréable à ce moment-là.
- Pardon ? Mais, je ne '' fricote '' avec personne, Elsa.
- Ne le fais pas fuir, où je t'assure que ça ira très mal.
Elle était très agressive, autant dans ses paroles que dans ses gestes.
- Écoutez, il n'y a rien entre nous et je ne vois pas ce qui aurait pu vous faire dire le contraire.
- Alors au moins, soyez plus discrets quand vous vous voyez le soir, dit-elle avec un sourire narquois. Il nous rapporte viel Geld.
- Alors, c'est ça ? Vous le voyez comme un portefeuille ambulant ? Si vous preniez le temps de vous intéresser à lui, vous le sauriez, lui dis-je en l'affrontant du regard.
- Ne me parle pas de cette façon, jeune fille ! C'est mon cirque, et mes monstres, et je le gère comme bon me semble.
Je sortis de la tente à grands pas, quand Jimmy m'interpella :
- Eh !
- Ah non, toi, c'est vraiment pas le moment ! Lui hurlais-je en m'enfermant dans ma tente.

Les jours passaient, et un nouveau spectacle se profilait. Alors que je me promenais aux alentours du cirque, je sentis quelqu'un s'approcher.
- Alors ? Prête pour ce soir ? me lança Dandy.
- Toi oui, à ce que je vois, lui dis-je froidement.
- Tout va bien ?
- Nous ne devrions pas nous parler, nous sommes seulement collègues, Dandy, donc...
- Nous sommes seulement collègues ? Dit-il en me coupant. Qu'est ce qui t'arrive ? Je pensais que nous nous entendions bien. L'autre soir...
- L'autre soir, c'était rien. On travaille ensemble, voilà tout. Jimmy ne te supporte pas, et c'est mon ami. C'est mon confident, on est toujours ensemble. Je n'irai pas contre sa volonté, désolée.
- Ah, tout le temps ensemble ? Et où est-il, là, Jimmy ?
Dandy fit demi tour sans un mot de plus.

Je m'assis au pied d'un arbre et soupira. Pourquoi tout doit toujours être si compliqué ? Je ne peux pas me faire d'amis, ou alors, quand je peux m'en faire je suis condamnée à les quitter pour toujours parce qu'un homme des années 50 m'impose un but existentiel. Un but totalement sordide.
La voix de Jimmy me sortie de mes pensées :
- Salut, me dit-il en repositionnant correctement sa casquette sur la tête.
- Salut, Jim.
- Il voulait quoi ? demanda l'apprenti James Dean, un peu trop curieux.
- Sûrement pas m'espionner pour tout raconter à Elsa ensuite, je pense. Et avant de demander, oui, c'est bien une accusation.
Je me relève et commence à marcher vers le cirque.
- Justement, c'est pas moi ! Si j'essaie de te parler depuis plusieurs jours, c'est pour te le dire ! C'est vrai, j'ai raconter à ma mère que je vous ai vu ensemble, mais moi je n'ai rien dit à Elsa. Crois-moi, tu me connais.
- Ça me paraît vrai, mais tu n'es pas pardonner de ta crise de nerf pour autant ! Lui dis-je.
- Et comment puis-je me faire pardonner auprès de Mademoiselle ? dit-il en levant les yeux au ciel.
- Eh bien... Il faudra au moins ça !
Je l'eclaboussais avec l'eau du lac, autant qu'il fût très vite prêt à tordre.
Riant et se prenant au jeu, Jimmy sauta dans le lac et m'eclaboussa à son tour, provoquant le rire des quelques monstres qui nous observait plus loin.
- D'accord, d'accord ! On est quitte, lui criais-je en riant.
Je te retrouve enfin, mon Jimmy.