J'irai à pas de loup dans tes rêves impossibles

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Dandy se dirigea vers ma tente avec Gaby tandis que je rejoignis Oliver dans la sienne.

- Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu sourire comme ça, me dit-il en feuilletant son précieux carnet. Où est Gabriel ?
- Dandy le garde, nous pouvons passer la soirée ensemble, dis-je en m'asseyant sur une chaise. J'ai emmené le repas !

Oliver sourit à son tour.

- Ce jeune homme est plein de surprises. Tu imagines qu'à seulement sept ans, il savait situer certaines régions corticales du cerveau ?
- Son père était psychiatre, et je ne pense pas que ce soit une raison pour montrer un cerveau humain à son fils.
- Oui, il m'a parler de son père, dit Oliver.  Il m'a demandé d'écrire la vérité à son sujet, si un jour je retourne en 1963. De dénoncer son père.
- Qu'est-ce que tu penses de Dandy ? D'un point de vue psychologique, je veux dire.

Oliver se redressa et réfléchi.

- Sous ses airs de garçon serviable, commença Oliver, je ressens une vraie instabilité. Et beaucoup de violence. Il m'a également parler de sa mère. Sa mère n'a pas pu être son modèle d'agression interpersonnelle, mais son père en était un. Et comme dans chaque famille violente, il y a une banalisation de l'agression, autant physique que verbale, certaines choses lui semblaient normales jusqu'à maintenant. Nous avons beaucoup discuté. Ce gamin est brisé.
- Je vois.
- Tuer est un acte particulier. Tu ressens de la jouissance au départ, puis tu gardes le visage des victimes toute ta vie, dit-il, le regard lointain.

Je mis ma main sur l'épaule d'Oliver.

- Mais c'est fini, maintenant, n'est-ce pas ?

Oliver me sourit en retour.

- Évidemment. Mangeons avant que ça ne refroidisse.









- Salut, fit une voix derrière nous.

Je me retournais et fus surprise de voir Jimmy à l'entrée de la tente.

- Qu'est-ce qu'il fait là ? demandais-je froidement à Oliver.

Celui-ci m'encouragea à aller le voir. Dandy avait raison, Oliver est obstiné.
Jimmy me sourit timidement et je l'invitais à me suivre dehors.

- Qu'est-ce que tu veux ? demandais-je d'un ton glacial.
- Écoute, je suis désolé. On ne va pas rester fâcher éternellement quand même.
- Ça ne me dérange pas.
- Manon, t'es la seule qui me comprend ici. Depuis que ma mère est morte, plus rien n'a de sens pour moi. Toutes ces petites blessures qui s'accumulent... dit-il en baissant la tête.

C'est vrai, il m'avait attendri. C'était mon Jimmy. Nous avions été trop loin dans nos paroles, autant l'un que l'autre.

- Jim, commençais-je, t'es mon meilleur ami. J'ai vraiment été blessé.
- Moi aussi, dit-il alors. Je pensais que tout redeviendrait comme avant.
- Je sais. J'aurai aimer moi aussi.

Jimmy chercha quelque chose dans sa sacoche. Il en sorti un petit soldat en plomb.

- Tiens, c'est pour ton fils. C'était à moi quand j'étais petit, j'avais pas beaucoup de jouets mais j'ai retrouvé celui-ci.
- Merci, fis-je en le prenant dans mes bras.
- Restes. Autant que tu veux.

Je lui souris.

- À condition que tu arrêtes de taquiner Oliver. Il n'arrive vraiment pas à s'intégrer, ça m'inquiète.
- D'accord, dit finalement Jimmy en levant les yeux au ciel. Mais, un costume n'est pas le meilleur habit pour travailler dans les champs.
- C'est sa façon de s'habiller. Il est plein de bonne volonté, il fera ce que tu lui demandes, il peut aider Tom à la cuisine, ou Jeffrey et Andrew au champs, peut importe. Ça me rend triste de le voir rejeté. Tu devrais comprendre, non ?
- Si, évidemment. Excuse-moi, dit Jimmy en passant sa main dans son cou.
- Tu devrais plutôt lui parler à lui. Il a besoin d'entendre tes mots.

Jimmy aquiesça.

- J'y vais tout de suite, dit-il enfin.
- Merci, dis-je en l'embrassant sur la joue. Tu m'as manqué.

Jimmy entra dans la tente d'Oliver en me souriant une dernière fois.









En m'approchant de ma tente, je perçus un murmure doux, presque chantonnant. J'entrouvris ma tente et fût surprise de voir Dandy assit sur mon lit, berçant Gabriel dans ses bras. Je pu alors entendre correctement la berceuse qu'il lui chantait, cette berceuse qui m'a poursuivie des années durant, telle une prophétie :

« ... Dans ton berceau de lumière, tu t'envoles loin de moi, là où tout les enfants de la Terre dansent avec les fées et les loups.
Donnes toi un peu de temps, toi qui peux rêver si souvent, gardes les en souvenirs, tes rêves d'enfant.
T'as rien à faire des militaires, des châteaux forts et des trésors, toi tu fais s'arrêter les guerres, petit ange quand tu dors.
Tu seras jamais prisonnier des idées sombres et des remords, toi tu fais chanter l'univers, petit diable aux cheveux d'or.
Donne-toi un peu de temps, toi qui peux rêver si souvent...
Tu mets des couleurs sur mes anges, moi qui ne rêve plus autant qu'avant.
Garde-les en souvenir, pour nous les grands... ».

Je ne pu étouffer mon sanglot. Dandy se tourna alors vers moi en posant Gabriel dans son berceau. Je m'effonds sur le sol, mais le jeune homme me rattrapa à temps. Il me regarda d'un air perdu tout en me déposant sur le lit.
Je ramenais mes genoux près de ma poitrine alors que les larmes noyaient mon visage.
C'est la première fois que je voyais Dandy dans cet état, il ne savait absolument pas quoi faire. Il se décida à me frotter le dos, mais je le repoussais violemment en me relevant.

- Ça aurait dû être lui ! criais-je. C'est lui qui aurait dû l'endormir en lui chantant une chanson, il aurait adorer faire ça ! C'est son fils !

Dandy passa sa main dans ses cheveux et recula.
Je lui montrais la sortie.

- Je suis désolé que ce ne soit pas lui. Je suis désolé que ce soit moi, dit-il en s'éloignant.
- Sors d'ici !
- J'aurai préféré, tellement préféré que ce soit lui qui endorme Gabriel. Le petit mérite d'avoir un père. Si je pouvais échanger les rôles, qu'il soit vivant et moi mort, crois-moi je le ferai.

Dandy quitta la tente sans un mot de plus.








Des jours durant, je suis restée dans ma tente, effondrée. Oliver prenait le relais avec Gabriel, et il passait ses nuits assis près de mon lit à me réconforter, moi qui pleurais toutes les larmes de mon corps.
Michael me manquait terriblement. Encore plus qu'il ne m'avait jamais manqué. Dandy avait raviver des souvenirs dont il ne se doutait pas des conséquences.
C'est après quelques jours qu'Oliver m'apprit une nouvelle :

- Dandy n'est pas rentré depuis plusieurs jours, me dit-il en m'observant.

Je mis mes mains sur mon visage. Tout était de ma faute, il ne méritait pas ce que je lui ai infligé. Dandy n'avait rien demandé. Mais je n'arrivais pas à faire mon deuil.
Oliver continua :

- Certains sentiments peuvent faire peur, me dit Oliver.
- J'aime toujours Michael. Ces sentiments ne me quittent pas, dis-je tristement.
- Manon...
- C'est juste que parfois, il m'arrive d'oublier sa voix. Ou, lorsque j'essaie de me rappeler de son visage, celui-ci m'apparaît flou, lointain...

Oliver me regarda tristement. Il ne savait pas quoi dire. Mais il tenta quelque chose :

- Dandy est un garçon bien. Tu ne peux pas vivre éternellement triste. Parles-lui, dit-il finalement.
- Michael me manque, dis-je en pleurant de plus belle.
- Je sais. Mais il n'est plus là. Et il faut vivre avec ça.

Angelorum resonareWhere stories live. Discover now