Sasha-Luna

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Anéantie.
Je suis anéantie.
La petite fée était près de moi depuis un moment. Elle essayait de consoler l'inconsolable. Je connaissais à présent le véritable sens du mot “ brisée ”. J'avais l'impression d'avoir un énorme trou béant dans la poitrine, un trou qui engouffre tout sur son passage, le bien comme le mal.
Une seule pensée s'imposait à mon esprit : « Je n'ai pas répondu à son je t'aime ». Est-il mort en restant dans le doute me concernant ?
Cette pauvre petite créature ne me voulait aucun mal, pourtant je ne pouvais m'empêcher de la repousser. J'en voulais au monde entier.
Après de longues heures passées à pleurer sur les portes du bunker, devenues la tombe du garçon que j'aimais, je me relevais tant bien que mal. Il fesait nuit. J'étais seule. Comme au début de mon aventure. Moi et mon éternel sac à dos.
Et une fée en prime.
Nous avons marcher dans le silence pesant de la sombre forêt, la petite fée et moi. Thémélios. Si j'avais bien compris, la fée s'appelait Thémélios.
Ça devait sûrement être un petit garçon dans ce cas, mais je n'en étais pas sûre. Il me suivait inlassablement, les yeux remplis de larmes également.
Moi, les larmes ne m'avaient pas quitter. Je pleurais encore et encore, mes larmes déchirants le mutisme infâme de la forêt. Cette forêt qui nous avait accueilli, il y a un mois environ, semblait à présent aussi endeuillée que moi. Seul le bruit de mes pleurs et de mes pas sur les branches mortes trahissaient une présence humaine dans ce vaste calme.
C'est alors que je sentis une présence.
Lugubre.
Froide.
Sombre.
Une voix déchira le silence du bois :

- Te voilà, Sasha-Luna.














Je me retournais rapidement, le coeur battant la chamade. Un homme d'une quarantaine d'années se tenait debout à une dizaine de mètres de moi. Il avait les cheveux gominés et bruns, le visage carré et la carrure imposante d'un athlète. Il arborait une longue cape noire et bordeaux, et un costume deux pièces de créateur. Ses yeux bleus aciers se détachaient du reste de sa personne, lui donnant l'air de venir d'un pays glacial. Je posais finalement les yeux sur sa canne au pommeau argenté, rappelant l'éclat dans ses yeux lorsque la lune s'y reflétait.

- Rudolph Valentino, dit-il en fesant la révérence.

Il sourit alors et commença à s'approcher. Thémélios se cacha dans mes cheveux, effrayé.

- Ta petite créature a bien changée, dit-il avec un fort accent italien.

Je me retournais alors et regardait Thémélios. Le petit être avait désormais de petits yeux noirs, et des dents qui prenaient une grande partie de son visage. Ses jolies petites mains s'étaient transformées en griffes acérées. Mais son regard craintif n'avait pas changé, on aurait dit qu'il était victime d'une malédiction.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? dis-je en essayant de rassurer la petite fée.
- Tu n'as pas deviner ? dit-il en se mettant à rire bruyamment. Sasha, ma petite Sasha... Bien que j'ai envie de te demander pourquoi tu es seule en pleine nuit dans une funeste forêt, je vais plutôt te poser une autre question. James n'est-il pas le plus pitoyable être que tu n'aies jamais rencontré ?

Je voulu m'enfuir en courant mais je fus soudain stoppé par une force invisible qui me retourna alors vers Rudolph.

- Tu pourrais au moins saluer ton père, dit-il en m'attrapant par le col.
















Je repris ma respiration. Rudolph me lâcha et rajusta son col.

- Où est le garçon ? dit-il méchamment.
- Il est mort, dis-je en reculant.

Valentino parût surpris, puis il sourit largement.

- Mikhal est mort. C'est parfait, dit-il fièrement. Je n'aurais plus qu'à récupérer son héritage.
- Il ne m'a rien laissé, il est enfermé là, quelque part dans la forêt. Il ne m'a même pas prévenue, rien du tout ! Et vous voulez que je vous donnes quelque chose lui appartenant !?
- Du calme, Sasha-Luna, du calme, dit Valentino en écartant tout d'un coup ses doigts, m'obligeant à me taire. Il t'as laisser quelque chose. Quelque chose de bien plus précieux que tout l'or du Vatican.

Ces mots résonnèrent dans mon esprit. J'avais déjà entendu cette phrase avant.

- De quoi est-ce que vous parlez ? demandais-je à Valentino, tandis que Thémélios prit la fuite.

Valentino me regarda de haut et sourit narquoisement.

- Soit heureuse, petite mère, ton coeur bat pour des millénaires, à présent.

La lune éclairait le visage de Rudolph, qui semblait prendre un malin plaisir à mon incompréhension.

- Figlia mia, ouvre bien tes oreilles, je ne te le dirais qu'une seule fois.

Mon cœur n'avait jamais battu aussi fort. Le silence pesant de la nuit m'inquiétait moins que le visage despotique de Rudolph.

- Tu portes l'enfant de Mikhal. Et il me le faut.

Angelorum resonareWhere stories live. Discover now