Angelorum resonare

Le lien

- Nous nous connaissons ? demanda le docteur Thredson.

Je ne dis rien et continua à le fixer avec mon air de chien battu. Jude s'approcha de moi et me gifla violemment à l'arrière du crâne.

- Tu vas répondre, idiote !
- Doucement ! Pas de violence ici, s'interposa le médecin.

Il s'agenouilla près de moi et prit son mouchoir. Il commença à m'essuyer le contour des yeux et la bouche.

- Tout va bien, d'accord ?

Je relevais la tête vers lui, puis regardait tour à tour Monseigneur Timothy et Jude. Il comprit mon geste immédiatement.

- Je voudrais lui parler. Seul à seul, dit froidement Oliver.

Timothy sortit de la pièce et Jude lui emboîta le pas, bien que tentée à rester. L'homme se releva et ferma la porte à clé. Il revint ensuite vers moi, déstabilisé.

- Alors, tu as demander à me voir ?

L'homme parlait d'une voix qui se voulait rassurante.

- Je suis psychiatre, d'accord ? Je suis là pour t'aider. Si tu as quelque chose à me dire, je t'écoute, dit-il en m'encourageant.

Voyant que je ne répondais toujours pas, il prit une chaise et s'assit près de moi. Puis, il ne dit plus rien non plus. Intriguée, je tournais discrètement la tête vers lui. Il surprit mon regard.

- J'ai toute la journée, dit-il. Alors, si tu ne veux rien dire, je vais rester là. Et on va fixer ce magnifique mur ensemble.
- Je veux partir d'ici, dis-je dans un souffle.
- J'entends enfin le son de ta voix, c'est un bon début !

Bien qu'il essayait de rire, il paraissait touché par la situation.

- Pour quelle raison est-ce que tu m'as appelé ? D'ailleurs, tu es nouvelle à Briarcliff, non ?
- En quelque sorte.
- Et comment est-ce que tu as connu mon prénom ?

Je le fixais dans les yeux intensément.

- James March vous passe le bonjour.

Le souffle de Thredson se coupa. Il pâlit et se leva rapidement. Il commença à faire les cent pas dans la pièce en se passant la main dans les cheveux. Il etait arrivé dans la pièce avec l'assurance d'une célébrité il y a quelques minutes, et je le voyais à présent totalement désemparé.
Il se tourna vers moi et me regarda quelques secondes, puis recommença à marcher de long en large dans le bureau. Soudain, il s'approcha rapidement et plaça ses doigts sous mon menton. Il releva ma tête doucement et me fixa dans les yeux. Il remua les lèvres comme s'il allait dire quelque chose, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il se passa quelque chose d'étrange à ce moment-là. Quelque chose qui arrive rarement dans une vie, un moment totalement unique. Je crus voir une étincelle dans ses yeux mais celle-ci s'éteignit aussitôt.

- C'est impossible, dit-il.

Il marcha jusqu'au bout de la pièce et posa son front contre le mur. Sa panique était presque palpable.

- Je m'appele Manon.

Oliver ferma les yeux et une larme coula sur sa joue.