71 - Répits - 1

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Le chant de coucous, de rossignols et de mésanges ponctué de rires d'enfants de tous âges réveilla Alagan. Il se leva et s'approcha de la fenêtre. En cette fin d'été, la température matinale était bien douce. De la chambre où il se situait, il surplombait un charmant village bordé d'une rivière sinueuse. Des koalins, étranges créatures dociles au corps moucheté et à la queue touffue, se roulaient dans l'herbe humide aux abords du cours d'eau, au risque de verdir leur fourrure ambre et beige. Un garçonnet lançait des ricochets dans le ruisseau tandis qu'un autre avait sauté dedans pour tenter d'attraper des truites à la main, au grand dam de sa mère.

Un peu plus loin, une fillette brune ornée d'une couronne de fleurs nourrissait des lapins et se précipitait pour arracher une nouvelle touffe d'herbe dès que les rongeurs avaient fini. À flanc de montagne, il aperçut un jeune pâtre qui menait son troupeau de vaches vers les alpages. Et, au loin, dans les champs qui ornaient la vallée, des fermiers finissaient de ramasser leur foin.

Dans les branches des arbres qui peuplaient le village, des oiseaux aux ailes d'une petite envergure avaient bâti leur nid. Tout à l'entour, de vertes étendues parsemées de taches jaunes, violettes et rouges encensaient le décor d'une nature enchantée. L'authenticité de la scène émerveilla Alagan. Lorsqu'il eut fini de tout contempler, il rentra dans sa chambre. Pour la première fois depuis longtemps, son cœur était en paix avec son esprit. Seuls l'image de Kassandra et les mots de la Dame Amarante venaient encore le troubler.

L'odeur du café frais l'encouragea à sortir. Il s'enquit de Shahina et de Cassiopée et apprit qu'elles étaient parties se laver à proximité du cours d'eau.

— Et vous avez laissé seules une aveugle et une convalescente ? s'étonna-t-il.

Shainoor lui servit une tasse d'un café fort et fumant ainsi qu'un morceau de pain chaud juste sorti du four :

— Les femmes d'Édesse sont solides, Alagan. Cassiopée n'a plus rien d'une malade et Shahina se débrouille comme si elle avait été aveugle toute sa vie.

Son petit-déjeuner avalé, Alagan alla visiter les alentours et descendit le chemin jusqu'à une grange qui trônait au milieu d'une clairière. Dans l'étable, Nicodémus trayait une vache. Les rayons de lait qui giclaient du pis, résonnaient en cadence dans le réceptacle en fer soigneusement placé pour n'en pas perdre une goutte, pendant que les mouches s'agitaient autour du seau. Quand Nicodémus eut fini, il se leva et sépara la crème du lait à l'aide d'une écumoire. Dans un second récipient, il versa une partie du lait écrémé qu'il mélangea à de l'orge et alla porter cette bouillie aux cochons. Quand Nicodémus arriva avec le seau devant la soue, les porcs grognèrent de plaisir et se jetèrent sur la nourriture tandis que les poules accoururent picorer les éclaboussures. De retour à la grange, le vieil homme attrapa un gobelet en bois et le trempa dans la réserve de lait. Rempli jusqu'au bord, il le tendit à Alagan.

— Tiens, goûte-moi ça. Ça, au moins, c'est du lait authentique. Rien à voir avec la lactéine que vous vend Agrogène.

Alagan reluqua le liquide blanc, circonspect, tandis qu'une odeur de vache s'empara de ses narines :

— Ça sent fort !

— Mouais, y a encore du travail pour vous éduquer !

Puis, il ajouta, sur un ton sévère :

— Écoute-moi bien, jeune homme ! Ce lait sent peut-être la vache — ce qui jusque-là, n'a rien d'anormal, tu en conviendras —, mais c'est du lait frais, plein de vitamines ! Pas le truc synthétique d'Agrogène. Ce lait-là, qui te fait faire la moue, et qui tourne, — oui, parce que, figure-toi, le lait tourne — eh bien, ce lait-là, a une très haute qualité nutritionnelle qui aide l'homme à s'immuniser.

— Le lait tourne ?

— Oui, il caille. Il en va comme ça depuis l'aube des temps ! Le lait doit cailler dans l'estomac sinon nous tombons malades. C'est ce lait caillé qui contient toutes les cellules immunitaires. Donc pas de lait qui caille, pas d'immunité et devine ce que vous vend Agrogène ?

— De la lactéine synthétique qui ne tourne pas...

— Bon, on finira peut-être par faire quelque chose de toi... Oui, c'est tellement plus simple de fabriquer de la lactéine qui ne tourne pas d'un côté et de la coléade pour vous soigner de l'autre ! Ah, c'est sûr que la lactéine a bon goût, pas d'odeur, une belle homogénéité et une onctuosité à faire rêver. Oui, mais voilà, la lactéine n'a rien de naturel !

Il fut interrompu dans sa tirade par un hennissement. 

Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️  #1 Best of the Books  - SF 2019 !Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang