17 - rencontre avec un gnome

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Les trois jeunes gens reprirent le chemin qu'avait emprunté Alagan quelques instants plus tôt. Après quelques minutes de marche, Alagan s'inquiéta de ne pas retrouver le point de rencontre :

— Nous avons déjà dû dépasser l'endroit où je me trouvais. Je n'ai pas été aussi loin.

Ils s'arrêtèrent et observèrent les lieux. Le sentier de forêt continuait tout droit, à perte de vue.

— C'est bien ce que je disais, reprit Nam. Tu peux pas t'empêcher d'aller fouiner partout ! T'as dû toucher un truc enchanté ou je ne sais quoi.

— Chut, coupa Alagan en mettant un doigt devant sa bouche.

Un léger bruissement en provenance d'un buisson poussa Alagan à mettre son bras protecteur devant une Cassiopée téméraire et curieuse. Nam se précipita à l'endroit d'où venait le frémissement et en sortit par la peau des fesses, un minuscule gnome qui gesticulait dans tous les sens.

— Eh bien ! Regardez-moi ça ! On en trouve de drôles de moustiques dans cette forêt Tagush ! se moqua Nam.

— On n'attrape pas un gnome de cette façon ! geignit le petit personnage. Posez-moi à terre tout de suite, sinon je ne vous raconterai pas ce que j'ai vu.

Nam replaça sur le sol ferme la créature, en souriant.

Le petit être rajusta sa tenue puis se dirigea vers Cassiopée, attiré par le reflet de la bague qu'elle portait.

— Oh, que ça brille ! Quel joli bijou, gente demoiselle !

— Bas les pattes, demi-portion ! s'interposa Alagan.

La jeune femme désapprouva du regard. Alagan baissa les yeux et contempla ses pieds, penaud.

— Dis-moi, petit lutin, dis-moi ce que tu as vu, demanda Cassiopée.

— Je suis un gnome de la lignée des Beren ! protesta-t-il. Ma race est beaucoup plus évoluée que celle des lutins, demoiselle.

— Excusez-moi. Je ne voulais pas... bredouilla-t-elle, confuse.

Elle s'agenouilla et embrassa sur la joue le petit personnage pour se faire pardonner. La créature se mit aussitôt à rougir.

— Bah, c'est bon pour cette fois ! Là-bas, au fond, il y a des éléments de réponse aux questions que vous vous posez, dit-il en pointant l'index droit devant lui.

— Mais je ne vois rien, s'étonna Cassiopée.

— Ah ces humains ! répliqua le courtaud. Nous, les gnomes, voyons deux fois plus loin que vous. Croyez-moi, avancez votre chemin et vous comprendrez.

Le jeune rousse lui offrit sa bague pour le remercier. Ce n'était après tout, qu'un anneau virtuel. Alagan déchiffra le code du gnome, mais il n'apprit rien qui pût lui être utile. Ils se remirent donc en route, tandis que le gnome trépignait sur place en criant :

— J'ai un bijou, j'ai un bijou !

Les trois amis marchèrent encore dix bonnes minutes jusqu'à ce qu'Alagan, exaspéré, se fâche :

— Les gnomes ne sont pas fiables, ce sont des farceurs. Il nous a mis sur une mauvaise piste !

Puis quelque chose au loin les firent hâter le pas. Deux cybercontrôleurs en rouge et noir, leur barraient le chemin de leurs hallebardes.

— Cette voie est sans issue. Vous êtes dans une impasse. Retournez d'où vous venez, dit l'un d'entre eux.

Alagan explora le code des cybercontrôleurs et son attention fut attirée immédiatement par un détail :

— C'est curieux, constata-t-il à voix basse. Le programme est protégé. Je n'y ai pas accès. Sa signature n'est pas celle du jeu. Cela ressemble à un sceau plus officiel, comme celui du gouvernement.

Cassiopée et Nam le regardèrent, médusés. Mais que pouvaient bien faire des agents du C5 dans un jeu Tagush ?

— Pourquoi ce chemin existe-t-il, s'il n'est pas possible d'y jouer ? demanda-t-il aux cybercontrôleurs.

— Cet accès aurait dû être effacé. Son développeur n'a pas eu le temps de le terminer. Il ne conduit à rien qui puisse vous aider dans la poursuite de votre partie.

Intrigant. Jamais ce type d'événement ne s'était produit. C'est sur cette route que j'ai aperçu la lumière, pensa Alagan. Il doit y avoir un moyen de traverser.

— Qu'arrivera-t-il si nous essayons de passer ?

— Vous ne serez plus protégés par le jeu, répondit l'un deux, mais nous ne pouvons pas vous laissez entrer. C'est une voie sans issue.

Alagan fit mine de faire demi-tour, ramassa une pierre et la jeta par-dessus l'un des cybercontrôleurs. La roche disparut en plein vol.

Les cybercontrôleurs se fâchèrent et se transformèrent en deux immenses gardes de dix pieds. L'un d'entre eux parla d'une voix qui s'était soudain faite plus rauque :

— Ceci est notre dernier avertissement. Alagan Tyles, Nam Jones et Cassiopée Deluth, si vous insistez, nous émettrons un rapport aux plus hautes instances. Ceci n'est pas un jeu. Retournez immédiatement d'où vous venez !

Les trois jeunes reculèrent, impressionnés, puis firent demi-tour.

— Comment connaissent-ils nos vrais noms ? demanda Cassiopée.

— Je ne sais pas, déplora Alagan. C'est vraiment inhabituel pour ce type d'animation.

— Tu crois que ce sont de vrais agents du C5 ? demanda Nam.

— Oui, je pense que leur code était chiffré avec le sceau gouvernemental.

— Mais quel est le rapport entre le gouvernement des Cinq Continents et le Héroïca Tagush ? rétorqua Cassiopée.

— Ce n'est pourtant pas dans les habitudes de Tagush d'inclure d'autres sceaux que le sien dans ses jeux, ajouta Nam.

La voix lointaine de Shella les interrompit :

— Mes jeunes amis, votre quota de réalité virtuelle arrive à échéance pour aujourd'hui. Je dois vous rapatrier.

Cassiopée, Nam et Alagan se dévisagèrent. Ils se trouvaient de toute façon dans une impasse pour le restant de la journée. Il ne fallait pas tenter le diable. Nul ne souhaitait dépasser son quota et laisser son esprit errer à tout jamais dans l'Entre-Deux.

Le mouvement de retour, bien qu'il ne durât qu'une fraction de seconde, fut violent et vertigineux.

Dans la chambre d'Alagan, les corps inertes reprirent vie. Doucement, trois paires d'yeux se rouvrirent tandis que Cassiopée, prise d'un brusque haut-le-cœur, s'effondra à terre. Le mal du transport touchait sans crier gare. Alagan se précipita pour l'aider, la releva et l'invita à respirer profondément, pendant que Nam, encore étourdi, revenait lentement à lui. La jeune fille retrouva peu à peu ses esprits et, dans un élan d'orgueil, prétexta que seule la fatigue avait eu raison de son sens de l'équilibre, pour le retour.

Perplexes sur la façon dont s'était terminée la partie, ils se quittèrent en se promettant de poursuivre la semaine suivante.

Perplexes sur la façon dont s'était terminée la partie, ils se quittèrent en se promettant de poursuivre la semaine suivante

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(credit photo : Vransis by Rgnldm on DevianArt)

Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️  #1 Best of the Books  - SF 2019 !Where stories live. Discover now