Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️ #1 Best of the Books - SF 2019 !

80 - Retour aux origines

Alagan rouvrit les yeux dans la forêt de séquoias. Il devait rêver. Oui, tout cela n'était qu'un songe, pensa-t-il. Il allait se réveiller d'un instant à l'autre dans son appartement de la cité de Baiyin. Tous les récents événements lui revenaient à l'esprit. Il se mit à cligner des yeux. Les rayons du soleil se firent aveuglants. La Dame Amarante se dressait devant lui, un sourire rassurant aux lèvres. « Parlez-moi du feu d'Édesse, Ma Dame », s'entendit-il lui demander. La pureté de la réponse lui parvint dans un murmure enjôleur :

Parfois par le feu s'exprime la colère

Égarés, les hommes ont passé les frontières

Aussi insupportables soient les douleurs de l'âme,

Il te faut surmonter l'appétence des flammes.

Sache que le soleil est ultime source de vie

Et que des flammes il faut savoir tout reconstruire

Dans les abîmes du cœur, la sève te nourrit

La rancœur et la peur, il te faudra haïr.

Elle reprit :

De protéger la source, le pouvoir tu as,

Affronter tes ennemis et tes peurs tu dois

Le sacrifice est un mal parfois nécessaire

Pour que vive Édesse, pour que vive la Terre.

La Poétesse s'approcha de lui et lui prit la main. Une onde de chaleur le traversa de façon intense et brusque. Pendant un instant, ils furent unis par un lien très particulier, un temps pendant lequel elle lui transmit une partie du savoir d'Édesse.

Désormais, Alagan savait.

Il savait que, des gisements de codéine, se dégageaient des nuages toxiques de gaz, qu'un forage dans la source générerait une explosion, que le gaz déclencherait des pluies blanches, acides et meurtrières. Le vent emporterait les nuages sur le reste des terres, bien au-delà de l'île déplaçant avec lui le danger sur les Cinq Continents. Il avait compris que la source qui maintenait la Dame en vie était aussi le fluide qui lui permettait de se connecter à la matrice et d'y rejoindre la Poétesse. Immergé dans le lait de la Source, il était surexposé à la coléine, et le temps lui était désormais compté. Il savait que, plongé dans le même coma que la Dame, il ne pourrait survivre que le temps de son quota virtuel. Il lui restait un peu moins de six heures, six heures durant lesquelles il lui fallait reprendre contact avec Séoras et Nam pour immobiliser les renifleurs et mettre fin aux forages.

Il appela Shella. Jamais il n'avait été aussi heureux d'entendre la voix artificielle de son interpréteur lui répondre. Il lui demanda de localiser Séoras. L'image de la Dame se désagrégea et fut remplacée par celle du chef du Comité des Sages, à laquelle s'ajouta le visage asiatique de Nam.

—     Moh-Jeovdi soit loué, tu es en vie. Et Shahina ? s'enquit Séoras, inquiet.

—     Elle va bien.

Il allait poursuivre quand Nam le coupa :

—     Et Cassiopée ?

—     C'est une presciente ! Puis, s'adressant à Séoras : les troupes du C5 ont débarqué et ont attaqué sans même prendre le temps d'entamer des négociations. Il y a plus de cinq mille renifleurs en train de percer la couche de gaz. Si on ne trouve pas un moyen de les ralentir, tout va exploser !