Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️ #1 Best of the Books - SF 2019 !

47 - Le monde parallèle

Alagan avait rejoint sa chambre et s'apprêtait à suivre sa classe de Performance avec Nam et Cassiopée, lorsque Séoras le héla et lui demanda de lancer sa réplique. Il s'exécuta tout en prévenant ses deux amis, à l'aide d'un code secret qu'ils avaient mis au point (Alagan passait sa main derrière l'oreille pour les avertir qu'il lançait son clone dans la matrice). Séoras le suivit dans sa chambre et referma la porte sur eux.

—   Je pense que tu es prêt à découvrir un des aspects du cours que le gouvernement se garde de mettre au programme. Il est temps de t'ouvrir un peu les yeux sur le monde que tu crois si bien connaître, annonça-t-il d'une voix quelque peu solennelle.

Le jeune palatin s'en réjouit à l'avance. Enfin, un peu d'action allait le distraire de ses pensées courantes. Tout excité à l'idée de sortir, il se demanda quelle était cette partie de la ville que Séoras voulait lui faire visiter. Il n'avait plus évolué à l'air libre depuis qu'il avait rejoint la Cache.

Les deux hommes empruntèrent des couloirs souterrains qui se confondaient à force de ressemblance. Leurs pas résonnaient sur leur passage. De multiples tunnels s'enchaînaient et se croisaient, mal éclairés, et Alagan se demanda s'il serait capable de refaire le trajet en sens inverse. Au bout de quelques minutes qui lui parurent interminables, le chemin déboucha sur un escalier. Ils gravirent les marches une à une. En haut, le tunnel repartait en une courbe légèrement ascendante qu'ils suivirent jusqu'à tomber sur une double porte en métium. Séoras passa sa main sur le lecteur biométrique et l'aérosceur s'ouvrit. Ils s'y engouffrèrent. Séoras prit ensuite la clé qui pendait autour de son cou et la plaça sur la serrure électronique. Les portes se fermèrent et l'aérosceur monta rapidement et silencieusement. La Cache était profondément enterrée sous la capitale, à plusieurs centaines de mètres. Lorsque le mur de métal s'ouvrit, une faible lueur les accueillit. La sortie était proche. Ils gravirent encore une dizaine de marches dans un couloir éclairé par des trous qui laissaient filtrer la lumière du jour, puis se retrouvèrent devant un rideau métallique. Séoras utilisa encore sa clé. Le rideau se leva et ils sortirent. La lueur blafarde de l'aube les accueillit au milieu de dizaines de bâtiments à moitié en ruines.

Le ciel était morne, comme c'était toujours le cas sur les Cinq Continents. Alagan se remémora un vague souvenir d'enfance où il lui semblait que la voûte céleste avait été bleue, mais il ne savait plus vraiment s'il s'agissait d'une réalité ou s'il avait rêvé. Une odeur nauséabonde lui fit porter la main à son nez :

—   Pouah ! Qu'est-ce que ça sent ?

—   Bienvenue dans le Monde Parallèle. Mille cinq cents kilomètres carrés secrètement enclavés dans Baiyin à l'insu de tout le monde, se contenta de répondre Séoras.

Le palatin s'apprêtait à avancer, mais Séoras le retint.

—   Attention, ce monde est dangereux, truffé de criminels et d'exclus  en tout genre ! Ici, il faut te fondre dans la faune locale pour éviter d'être menacé. Fais comme moi.

Le Rebelle ramassa un peu de boue au sol et s'en enduisit les mains, le cou et le visage. Il remonta ensuite sa capuche. Alagan l'imita. Le chef du Comité des Sages sortit alors de sa poche deux bracelets et en tendit un à Alagan.

—   Mets-le, ordonna-t-il. Ne t'inquiète pas, fais-moi confiance ajouta Séoras, devant le regard dubitatif d'Alagan. 

Le jeune homme sonda ses pensées et sentit qu'il disait vrai. Il s'exécuta. Tête baissée, ils avancèrent ensuite dans une ruelle sale et sombre. Tout autour d'eux n'étaient que puanteur et désolation. Une atmosphère lourde et oppressante planait, comme si le malheur avait élu domicile en cette partie méconnue de la cité de Baiyin.