36-Extraction -2

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Un peu plus tard, de légers sons métalliques le firent émerger, à demi conscient. Encore étourdi par l'odeur de chlore qui attaquait ses narines, il lui semblait maintenant reconnaître le bruit de boîtes en plastique que l'on ouvre puis que l'on ferme. Ses yeux s'accommodèrent péniblement. Son regard flou erra dans une salle toute blanche et se fixa sur un petit homme chauve au visage très émacié. Dans sa main, une seringue. Il se débattait, mais poignets et chevilles attachés, son corps, maintenu à l'horizontale, ne bougeait pas d'un pouce. Affolé, il s'introduisit dans les pensées de son geôlier : « Il a la maladie d'Édesse. » Pétrifié, la piqûre de l'aiguille s'immisça laborieusement dans l'une de ses veines durcies, puis le tube de la seringue se remplit de son sang.

« Plus que quelques heures, et tout sera fini » entendit-il. L'homme posa soigneusement l'éprouvette rouge dans une cuve puis il revint avec une nouvelle seringue, pleine d'un mélange jaunâtre. Il fit gicler quelques gouttes et piqua l'autre bras, tout aussi tendu que le premier. 

Alagan sentit une chaleur envahir tout son être pendant que le liquide ambré se répandait dans son organisme. Des perles de sueur descendirent sur son front. Il ne sut pas très bien s'il avait chaud ou s'il avait froid. Quelque chose s'emparait de son corps et le brûlait intensément. Il tenta de résister, fixant son attention sur le visage émacié de son bourreau, mais l'image s'obscurcit.

 La douleur se fit plus intense. Des frissons le parcoururent et il se sentit soudain glacé. Garder prise avec la réalité devenait difficile, happé par des forces qui l'entraînaient vers un gouffre sans fin. Il se concentra sur sa respiration. Bloquée. Il suffoquait. Pendant une seconde, il ferma les paupières et dessina le visage de sa mère puis celui de son père. Dans un sursaut de volonté, il les rouvrit. Son souffle se faisait plus faible et plus lent. Usé, il ferma les yeux à nouveau, résolu au trépas, et les images de sa vie déroulèrent une à une. Le sourire de Cassiopée et le rire de Nam l'accueillirent. Ils avaient été les meilleurs amis du monde. L'idée de ne plus les revoir lui fendit l'âme. Il lutta une nouvelle fois dans un élan de survie, mais les sons lui parvenaient désormais de loin. Le visage chaleureux et tendre de sa Mamily l'accueillit alors et le sentiment de se blottir contre sa poitrine opulente le réconforta. Il n'entendait maintenant plus rien. Son cœur avait-il cessé de battre ?

Puis, la figure bienveillante de sa grand-mère s'effaça au profit de la Dame, éblouissante dans sa robe bordeaux. Elle souriait, confiante et murmurait son nom. Il se revit avec elle dans la caverne, se rappela le coffre, le liquide blanc, inconscient d'en décrire les détails à voix haute. Une nouvelle vague renversa son être, balayant l'image de la femme. Il eut alors l'illusion de voir Kassandra. La clarté de sa peau diaphane lui semblait si réelle. Les moindres traits de son visage se dessinaient dans son esprit. Ses yeux bleus couleur de la mer, ses longs cheveux paille, l'ovale de sa figure fine et délicate. Il se remémora leur soirée au Duncan Café et il se revit l'abandonner aux mains des patrouilleurs. Violent sentiment de culpabilité. Il n'eut plus la force de se battre et se résigna. Au bout du compte, peut-être allait-il la rejoindre ? L'idée de plonger avec elle dans les abîmes de l'inconscient le séduit. Le regret de ne l'avoir jamais embrassée fut sa dernière pensée.

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 (** nous en sommes à un tiers de l'histoire à cet endroit, qui marque la fin de la partie I du premier tome **)

 (** nous en sommes à un tiers de l'histoire à cet endroit, qui marque la fin de la partie I du premier tome **)

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Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️  #1 Best of the Books  - SF 2019 !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant