Chapitre 15 : Inquiètude

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Il entra, avec son visage sérieux et en colère faisant face à la rousse inquiète toujours couverte par les draps.
Il ne dit rien, avant de croiser les bras devant elle, et de l'avoir regardé avec mépris pendant quelques secondes.

-J'espère que tu as des explications pour cette petite sortie nocturne. Demanda-t-il de son air cynique et indifférent.

Elle ne savait quoi répondre, elle aurait pu mentir mais en était incapable face à la silhouette et l'expression effrayante de son supérieur.

-Non caporal-chef, je m'excuse et comprends que vous ne vouliez plus d'un poids pareil au sein de votre équipe.

Elle n'aurait jamais songé, en partant ainsi à cheval, qu'elle aurait pu risquer un renvoi définitif pour son imprudence. Elle s'en était inquiétée pendant qu'Hanji inspectait sa température et son rythme cardiaque. Elle le comprenait, mais ne s'en réjouissait pas pour autant. Que dirait-elle à son père si elle venait à revenir bredouille de l'armée ? Et comment réagiraient ses amis du bataillon ? Elle se sentit tellement honteuse d'avoir agi avec autant d'impulsivité, elle qui avait longtemps été la petite fille parfaite, qui ne disait jamais rien et restait au premier rang pour écouter sagement. Elle s'était toujours trouvée plutôt disciplinée, mais voilà que son premier écart pourrait lui couter son poste.

Son caporal s'approcha de très près d'un pas rapide et déterminé vers la jeune femme qui s'était inclinée face à lui. Elle le sentit saisir ses épaules, et cru un instant qu'il allait la frapper. Mais lorsqu'elle ouvra les yeux et vit l'air désespéré et énervé de Livaï, elle resta bouche bée face à lui.

-Tu te rends compte que tu aurais pu mourir dehors si Auruo ne s'était pas dépêché de m'informer de ton absence ?! Tu as pensé aux conséquences que ta disparition soudaine aurait pu avoir ?! Est-ce-que tu réalises vraiment les risques que tu as pris Petra ?! Ne refais plus jamais ça, tu m'entends ?! J'espère que tu comprends à quel point tu as eu de la chance que j'arrive à temps.

Il lui avait crié dessus en raison de son inconscience. Beaucoup de soldats seraient rester pétrifiés de peur face à une telle colère, mais Petra avait décelé dans ses yeux bien plus que de la sévérité militaire. Il s'était inquiété pour elle, comme ses amis, mais avec une intensité différente, et elle le sentait dans ses iris bleutées. Elle conserva ses lèvres fermement closes et ses sourcils inquiets devant le sermon qu'elle recevait, mais une flamme réchauffant toute son âme s'était allumée en elle. Elle n'en croyait pas ses oreilles, lui qui avait du perdre tellement de soldats était parti la sauver elle, alors que, en regardant bien, elle n'avait rien d'exceptionnel militairement parlant. Elle avait sentit que son caporal ressentait une rage immense mais mélangée à une inquiétude certaine qu'il ne laissait pas deviner à tous.

-Caporal-chef... murmura-t-elle dans un soupir. Merci beaucoup.

Elle se tenait bien droite, baissant les yeux vers le sol, et sentit la prise sur ses épaules se détendre doucement. Elle réalisait seulement ce contact à travers l'épais pull en laine, et pouvait ressentir le pouls de son caporal qui résonnait jusqu'au bout de ses doigts.

-Et ne dis pas de bêtise, je ne te renvoie pas. Mais tu n'as pas intérêt à ce que cela se reproduise.

Son air soucieux s'évanouit lorsque la porte s'ouvrit subitement sur ses camarades qui découvrirent, éberlués, la position de leur camarade entre les deux mains de leur supérieur. Il la regardait désormais avec un soupçon de tendresse et un air toujours très sérieux. Les trois soldats ne l'avaient jamais vu dans cet état là. Livaï s'écarta et libéra la rousse de son emprise aussi rapidement que les trois soldats avaient ouvert, intimement un peu déçu de ne pas pouvoir rester plus longtemps seul avec elle.

Il passa au milieu des trois hommes, qui le suivaient des yeux, et quitta la pièce sans le moindre commentaire. Les soldats s'avancèrent vers elle et la serrèrent brusquement dans leurs bras. Elle rit doucement à cette soudaine affection de la part de ses amis qui s'écartèrent doucement pour la laisser respirer. Auruo avait des petites larmes qui perlaient au coin des yeux et se retenait difficilement de pleurer.

-On a eu si peur Petra ! Ne nous refais jamais un coup pareil ! Dit-il luttant pour retenir ses larmes.

-Il dit vrai, ce ne serait pas pareil sans toi dans l'escouade. Affirma Erd avec son regard de grand frère rassuré.

-La prochaine fois, on viendra avec toi à cheval pour que tu ne te perdes pas si tu veux. Déclara Gunther plus calme et serein que les deux autres réunis.

-Je suis désolée de vous avoir inquiéter les garçons, je ne pense pas que je repartirais à cheval de si tôt ! S'amusa-t-elle de voir ses amis si émus de la retrouver.

De petites gouttes perlaient sur ses joues claires, elle les essuya du bout de son doigt et les observa rire entre eux de l'émotif Auruo qui se tenait à leurs côtés. Elle ne savait ce qu'elle ferait sans eux, et sans lui. Elle se surprise à replonger intimement dans ses pensées, fixant inconsciemment le matelas en pensant secrètement à son sauveur insoupçonné.

« Pourquoi êtes-vous toujours dans mes pensées caporal-chef ? » se dit-elle alors qu'un sourire se dessinait niaisement sur son visage.

Erd, guettant souvent les réactions de ses camarades, remarqua le visage souriant et silencieux de la jeune femme. Il se demandait à quoi pouvait-elle bien songer pour être ainsi, mais la réponse résonnait au fond de son esprit. Ils n'étaient pas dupes. Ils avaient eux aussi remarqué de quelle façon elle se mettait à le fixer lorsqu'il leur parler. Ils le regardaient toujours en face pendant les entraînements, mais il avait réussi à déceler dans le regard de la rousse une douceur bien plus prononcée. Elle le voyait différemment, mais comment lui, la voyait-elle ?

Evidement la réaction impulsive du caporal avait mis la puce à l'oreille de plusieurs spectateurs de la scène, mais en regroupant tous les éléments, les amis de Petra qui lisaient en elle comme dans un livre ouvert avait bien compris ses sentiments. Seulement pouvaient-ils être réciproques ?
Cela semblait impensable lorsque l'on faisait face au caporal-chef Livaï de l'imaginer épris ou attentionné envers une soldate de son équipe, mais le doute planait toujours au sein de l'escouade.

Hanji, toujours enjouée, s'introduit dans la pièce où discutaient les quatre soldats pour leur annoncer qu'ils devaient laisser sa patiente se reposer pour la journée. Ils s'éclipsèrent tous, laissant la rousse perdue dans ses songes profonds et lointains en regardant par la fenêtre les douces feuilles brunes et humides tomber au sol.

Livaï, se remémorant encore les derniers évènements, croisa le Major devant son bureau. Le grand homme blond semblait troublé face à lui, tenant dans ses mains, une feuilles devant contenir énormément d'informations précieuses à propos de la prochaine sortie hors des murs. Le caporal s'apprêtait à rentrer dans la pièce où il passait le majeur de son temps, mais Erwin le sortit brièvement de ses pensées.

-Alors, tu as réussi à la retrouver ?

-Oui. Elle est à l'infirmerie. Elle va mieux d'après Hanji. Répondit-il comme si son indifférence dépassait le mur maria.

-Très bien. Tu dois être rassuré je suppose. Nous aurons besoin de tous nos hommes pour l'expédition qui approche.

Un court blanc s'était posé comme une feuille d'automne entre les deux hommes. Livaï savait pertinemment qu'il avait dû en surprendre plus d'un suite à sa sortie fracassante de la salle de réunion. Mais elle avait immédiatement occupé son esprit, et il n'avait pas pu songer à la laisser dans le froid extérieur une seconde de plus. Pourtant, en écoutant son supérieur et ami, il avait l'impression de l'avoir sauvé uniquement pour disposer d'un soldat supplémentaire pour la massacre sanglant qui allait avoir lieu d'ici quelques temps. Il savait qu'Erwin respectait chacun de ses soldats, mais Petra avait été pendant quelques instants bien plus qu'un énième soldat du bataillon d'exploration. Il s'était intéressé à ce qu'elle pouvait ressentir avant tout, et avant le fait qu'elle manquerait sur le champ de bataille. Mais il ne pouvait clairement savoir pour quelle raison son esprit avait réagi de cette manière. Il l'avait fait, mais elle était saine et sauve et c'était tout ce qui importait à ses yeux, même s'il refusait de se l'admettre.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼Where stories live. Discover now