Chapitre 49 : Liberté

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La lune brillait d'un éclat sans pareil, et dans une fin de soirée plus apaisée, chaque soldat du bataillon d'exploration avait quitté le réfectoire pour rejoindre les dortoirs qu'on leur avait prêté. Le grand hall était tout aussi désert que les couloirs du bâtiment, et pourtant des discussions prenaient respectivement place en haut de ces tours de pierres.

Livaï s'était levé silencieusement de table après Auruo, se faisant violence pour ne pas lui aussi aller rejoindre sa subordonnée isolée de tous. Seulement, alors qu'il partait sagement vers son bureau où ses documents l'attendaient toujours, un pas pressé le suivit dans les escaliers, faisant un raffut insupportable.

-Livaï ! Attends ! Cria une voie qu'il reconnut instantanément.

-Qu'est-ce que tu veux ? Demanda le brun à Hanji, qui l'avait rattrapé en courant.

Il n'était vraiment pas d'humeur à écouter les remarques de sa camarade à propos de son inaction, ou bien de ses erreurs, surtout après les jours qu'il avait passé.

-Livaï, je vois bien qu'il s'est passé quelque chose de sérieux cette fois. Tu ne peux pas laisser la situation dégénérer. Dit la brune essoufflée en contre-bas du caporal la regardant, imperturbable.

-Elle ne veut plus avoir de problème avec moi. C'était son choix. Je ne fais que le respecter. Déclara-t-il enfin, avec cette brulure constante sur ses lèvres mornes.

-Tu ne crois pas qu'elle serait dans un autre état si elle le voulait vraiment ? Arrête de te mentir à toi-même. Vous ressemblez à deux sourds qui refusent d'écouter leurs sentiments l'un pour l'autre. Je vois bien que tu as changé depuis qu'elle est là, alors par pitié... Arrête d'ignorer ce que tu ressens.

La cheffe d'escouade si excentrique en temps normal, n'avait jamais eu un ton si grave avec lui. Il l'écoutait attentivement, immobile dans cet escalier, sans adresser un regard.

-Je ne peux pas avoir de sentiments pour ma subordonnée, Hanji. Et même si j'en avais bel et bien, une telle relation ne serait jamais acceptée par-

-On s'en fout, non ?! S'exclama la brune agacée que son camarade fasse ainsi la sourde oreille avec ses conseils. Tu comptes pour elle, et tu en es parfaitement certain depuis cette lettre, alors va la voir, et dis lui que vous ne devez pas rester en mauvais termes ! Au moins ça, qu'elle ne reste plus cloîtrée dans sa chambre comme elle le fait depuis deux jours entiers !

« Si j'en avais le courage Hanji... » Pensa-t-il en laissant un air mélancolique prendre place sur son visage, plus détendu qu'à son habitude.

-Cette foutue lettre... Soupira enfin Livaï suite à la mention de sa camarade.

Comme s'il l'avait presque oublié, elle venait y faire référence dans son discours moralisateur. Il n'oublierait jamais la soirée affreuse qu'il avait passé après qu'elle ait découvert ce bout de papier sur son bureau. Hanji comprit soudain, elle ne pensait pas qu'ils en avaient discuté, et fut presque étonnée du cran de son ami.

-Alors elle sait, c'est ça ? Voilà pourquoi on ne vous voit plus ensemble pendant les repas et le ménage, qu'on a plus droit à ses sourires lumineux tous les jours, et aux étoiles qu'elle a dans les yeux quand elle te regarde. J'aurais dû m'en douter... Mais sache, Livaï, que si tu ne fais rien, et qu'elle meurt alors que vous ne vous êtes pas réconciliés, tu t'en voudras toute ta vie ! J'espère que tu t'en rends bien compte !

Ses mots avaient transpercé l'esprit du brun, empli de remords et de doutes, et lui avait fait réaliser combien il se trompait. Depuis tous ce temps, à se retenir devant elle, à nier qu'elle était la raison de ses battements de cœur, et à la blesser. Il fixa son amie, les yeux écarquillés suit à sa brusque réalisation, et elle se tourna, un sourire satisfait et bienveillant sur les lèvres.

-Je te laisse, j'ai des choses à faire, mais je suis contente de voir que tu as compris. Déclara-t-elle finalement avant de disparaître au détour d'un couloir.

Il savait où l'attendre, il n'y avait aucun autre endroit où il pouvait aller, et il s'y rendrait, cette nuit, sous ce ciel bleuté et dans ce vent amenant un nouvel air.

Mais alors que ses yeux ambrés observaient ce même paysage, elle entendit toquer à sa porte, calmement.

-Entrez.

-Bonsoir Petra. Tu n'as pas trop faim à force de t'absenter des repas ? Dit Auruo avec un ton plus inquiet que réprobateur, mais portant un soupçon de reproche.

-Ne t'en fais pas pour moi. Je n'avais pas envie de descendre, c'est tout. Affirma la rousse en lui souriant, heureuse de voir qu'il se souciait toujours autant d'elle.

-Arrête. Tu souris, mais tu ne resterais pas seule toute la journée, sans manger avec nous si tout allait aussi bien que tu essayes de le faire croire. Au cas où, je te rappelle que je suis au courant pour le caporal et toi, et que ça ne sert à rien de faire semblant devant moi. Répondit le brun avec une expression inquiète, et un ton grave.

Lui qui avait pris l'habitude de la taquiner, lui parlait avec le plus grand des sérieux, sans même plaisanter entre deux phrases. Et elle craqua soudain, brusquement, des larmes coulèrent sur son visage déformé par la tristesse.

La pression disparaissait au fur et à mesure qu'elle extériorisait ses émotions, et Auruo s'approcha lentement d'elle pour lui poser deux mains sur ses épaules tremblantes.

Elle releva ses yeux larmoyants vers la mine triste de son ami, et écouta avec attention chacun des mots qu'il prononça pour elle.

-Petra, tu es forte d'accord ? Tu es la meilleure soldate que je connaisse, et tu es une femme très courageuse et gentille. Alors, ne te laisse pas écraser par tes peurs. Sors de cet endroit, et cours vers ce qui te rendra heureuse. On rêvait de liberté, tu t'en souviens ? Donc, sens-toi libre d'exprimer tout ce que tu as accumulé au fond de toi. Je sais que mes paroles ont changé depuis la dernière fois, seulement, je refuse que tu culpabilises pour une chose que je t'ai dite. Je en veux que ton bien Petra. J'espère que tu le sais.

Il pleurait lui aussi à présent, face à la rousse qui lui souriait franchement après la tendresse de ses mots. Ses poumons respiraient à nouveau, ses épaules se détendaient enfin et son visage reprenait peu à peu son expression naturellement heureuse et resplendissante.

Il détestait la voir dans un tel état, mais à son grand soulagement, le cours normal des choses allait reprendre, comme le cours d'une rivière qui aurait enfin dépassé les roches qui l'empêchaient de continuer sa course. L'eau dévalait enfin le chemin dans un torrent violent mais sincère, et Petra retrouvait la force de parler, et de vivre.

-Merci Auruo, d'être là quand je fais n'importe quoi... Rit-elle en penchant sa tête sur le côté affectueusement, faisant sourire son camarade ému.

Elle essuya ses larmes, et il retira ses mains supportrices des épaules de la rousse. Il savait qu'il avait fait le bon choix, malgré l'espoir qu'il conservait au fond de lui. Il espérait qu'elle reste seulement une soldate pour leur supérieur, mais qu'elle reprenne son affection pour lui, d'un commun accord entre eux.

Toutefois, il n'était pas naïf, et savait pertinemment qu'elle se jetterait dans les bras protecteurs de leur caporal, à son grand désarroi. Peu importait, à présent, il souhaitait qu'elle soit heureuse, et dans ses bras à lui s'il le fallait.

Sa jalousie s'arrêtait ici, et ça valait pour le mieux, car elle méritait un véritable ami, qui se souciait d'elle plus qu'il ne jalousait l'homme qu'elle regardait.

-C'est normal, dors bien maintenant, bonne nuit Petra. Murmura-t-il dans un soupir avant de s'éclipser de la chambre de la rousse.

Elle souriait bêtement à présent, seule dans sa chambre, et remarqua que la lumière du réfectoire n'était pas encore éteinte en regardant à sa fenêtre. S'il n'y avait, ne serait qu'une infime chance que l'homme vivant dans son esprit soit encore éveillé, dans cette pièce, alors elle devait s'en assurer.

Dans la précipitation et sans penser aux conséquences de ses actes, elle enfila son gilet de laine, jeta un dernier regard à l'unique lumière du bâtiment, et sortit de sa chambre silencieusement. Cette fois, elle ne culpabiliserait pas pour ses agissements, car elle le voulait plus qu'elle ne le regretterait. Rien n'avait changé pour le bataillon, mais pour Petra, tout ne tarderait pas à changer. Elle le sentait arriver, et elle en avait terriblement hâte.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼Where stories live. Discover now