Chapitre 22 : Peur inavouable

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Il songeait silencieusement à la réponse qu'il allait donner à Petra, elle qui n'avait rien demandé de plus que de savoir pour quelle raison il avait agit ainsi. Il s'en voulait de désirer savoir ce qu'elle penserait si il lui déballait toute la vérité de but-en-blanc, elle méritait bien plus que ce genre de mise dans l'embarras. Parce que c'était son supérieur, et elle sa subordonnée et qu'ils ne pouvaient pas simplement discuter de tout et n'importe quoi comme le feraient les habitants de ces murs, cloîtrés bien au chaud à critiquer ouvertement les risques qu'ils prenaient tous pour eux. Mais voilà qu'il se trouvait lui aussi, ingrat vis-à-vis de cette jeune femme, qui travaillait ardemment pour atteindre les espérances de son supérieur.

Au fond, il savait pertinemment qu'elle avait une certaine admiration pour lui, cet ancien délinquant des bas-fonds qui aimait tant sa compagnie qu'il serait prêt à tout sacrifier pour la savoir en vie. Mais empli de remords en se trouvant aussi égoïste, il choisit de conserver pour lui cette petite version de l'histoire, celle qu'il ne dévoilerait à personne.

-Les autres n'auraient pas eut le temps de partir suffisamment vite, et on ne peut pas se permettre de perdre des soldats aussi bêtement. J'ai agit vite, voilà tout. Dit-il finalement de son ton neutre et pourtant assez incertain.

« Et voilà, tu mens et tu la fais passer pour la fautive. Toutes mes félicitations caporal-chef ! » Pensa-t-il avec le plus grand sarcasme en la voyant se recroqueviller un peu plus sur elle-même.

Elle regrettait d'avoir posé la question, alors que tout se passait plutôt agréablement entre eux. Elle ne voulait pas le mettre dos au mur, loin de là, seulement qu'il l'aide à comprendre pour quelles raisons il passait en un instant, de ce soldat qu'elle admirait tant à celui qui lui faisait comprendre qu'elle était inconsciente. Mais il s'était empressé de la remettre à sa place, comme il devait le faire. Elle comprenait ses réactions, mais seulement en partie, car jamais quelqu'un d'aussi impressionnant ne s'était montré attentionné avec elle comme il avait pût le faire.

Mais ça n'avait pas d'importance, elle devait cesser de se faire des idées à propos de leur relation qui ne devait pas être aussi ambiguë. « Mais si seulement... » pensa-t-elle en levant des yeux quelques peu déçus vers son visage inexpressif.
Soudain, elle remarqua que la pluie avait cessé et se releva doucement en se dirigeant vers la porte.

-Caporal, la pluie s'est arrêtée. Déclara-t-elle à cet homme indéchiffrable qui se tenait devant elle.

-Bien, allons-y.

Après être rentrés dans le grand hall, elle expliqua la situation à ses camarades d'escouade une fois séparée de Livaï. Il avait rejoint Hanji en tenant sa tasse de thé bouillant qu'il s'était prestement préparé dès son entrée dans la cuisine. Ils se tenaient tous les quatre, bien au chaud dans un canapé de la bibliothèque, qui avait peu à peu était désertée par le reste des soldats.

-Alors Petra, t'étais où cette fois ? On s'est inquiété tu sais. Plaisanta légèrement Erd, tenant une nouvelle boisson accompagné de ses amis.

-J'ai seulement eu peur de l'orage dans le local du courrier, et j'ai dû attendre que la pluie s'arrête c'est tout. Je ne compte pas retourner me perdre dans la forêt de sitôt.

Elle rit avec un tendre sourire de cette situation, mais au fond elle s'inquiétait un peu qu'ils découvrent qu'elle était restée avec leur supérieur tout ce temps. Ils pourraient réellement penser qu'il y avait quelque chose qui n'était pas très clair entre elle et le caporal-chef, et à juste titre. En effet, leur relation semblait faire des vagues, allant de la douce discussion à la froideur de ses remarques intransigeantes. Mais elle se sentait souvent coupable, étant donné qu'elle était constamment tentée de faire un pas vers lui, mais à la fois si effrayée de ses réactions. Pourtant, sans qu'ils le sachent, Livaï et Petra ressentaient des choses très similaires l'un envers l'autre, des choses assez inavouables, et dont chacun avait un peu peur.

-Je vois, et le caporal-chef a réussi à te retrouver je suppose. On dirait bien que ça va devenir une habitude. Affirma Auruo, imitant le ton austère de leur caporal d'une façon assez dérangeante.

Cette phrase, prononcée de cette manière, irrita une fois de plus la rousse qui n'osait faire remarquer aux deux autres membres de l'équipe l'imitation presque comique de son ami. Elle ne comprenait pas ce qui le poussait à continuer ainsi, car avoir de l'admiration pour leur supérieur et l'imiter restaient deux choses particulièrement différentes.

-En effet. Ça te pose un problème ?

À peine, avait-elle réalisé qu'elle venait de confirmer les dires de son camarade que son expression se décomposa sous les yeux de ses compagnons d'arme. Ils n'eurent pas le temps de dire quoi que ce soit, car à l'instant où ils prirent conscience de ce que venait de dire Petra, Livaï entra subitement dans la bibliothèque. Ils turent leur étonnement, pensant tous au fond d'eux-même que l'arrivée de leur supérieur était particulièrement bien chronométrée. Ils se levèrent automatiquement, planquant leur poing sur leur cœur en saluant poliment leur caporal.

-Repos, je voulais seulement vous dire que je vous attends demain matin, devant les écuries. Ne soyez pas en retard. Annonça-t-il d'un mouvement de main nonchalant.

Il repartit aussitôt laissant les membres de son escouade dans un étrange silence, suit à la brusque coupure de leur conversation. Petra, ayant finit sa boisson tiède était repartit rapidement dans sa chambre, songeant à la conversation qu'elle avait partagée avec lui une heure plus tôt. Elle relisait désespérément la lettre que lui avait envoyé son père, repensant à ce que Livaï avait déclaré à ce propos. Il était né le jour de Noël. Elle trouva cela assez adaptée pour une personne aussi peu commune, puis se mit soudain à penser au fait qu'il n'avait jamais dû le fêter avec sa famille ou ses amis.

-Pourquoi avez-vous dû vivre tout ceci caporal-chef... Dit-elle en pensant à voix haute, isolée des oreilles indiscrètes.

Un anniversaire le jour de Noël, peu de gens devaient réussir à s'en souvenir, et il avait dû y penser après chaque réveillon de sa vie. Elle se dit que la vie était cruelle envers certains, comme ceux qui dès la naissance, sont voués à rester malheureux et déçu par leur situation.

Mais Livaï, lui ne songeait qu'à une chose au même instant. L'anniversaire de sa subordonnée approchait, il venait tout juste de l'apprendre et il se sentait presque impatient de la voir se réjouir pendant ce moment aussi important. Il savait que le monde n'arrêtait pas de tourner, mais s'imaginer à ses côtés pendant qu'elle fêtait le jour de sa naissance le faisait intérieurement sourire. Egaré dans ses pensées, il croisa Hanji qui remarqua son air songeur et eût la soudaine envie de taquiner un peu son ami.

-Alors Livaï, à quoi tu penses pour ne même plus regarder où tu marches ? Lui demanda-t-elle en lui présentant son petit sourire en coin si malicieux.

-Tu savais que l'anniversaire de Petra approche ? Enchaîna-t-il aussitôt, ne montrant aucun signe d'enthousiasme, en voyant l'air intéressée de la brune.

-Pardon ? Notre chère Petra va prendre un an ? Tu dois être content de réduire un peu votre écart d'âge alors ! Déclara la brune à lunette un air taquin dans la voix, mais qui ne semblait pas emballer le brun à côté d'elle.

Dans ce couloir si vide, il se prit une sorte de gifle de la part de son amie, n'ayant effectivement pas réalisé ce détail. Il ne connaissait pas l'âge exacte de la rousse, mais se doutait bien qu'elle ne devait pas se rapprocher de lui. Il atteindrait bientôt sa dernière année avant la trentaine et se sentit étrangement vieux par rapport à la jeune femme.
Il soupira un bon coup, tentant de reprendre son air indifférent devant son amie, et partit immédiatement sans un mot vers son bureau.
Il monta les marches prestement, et une fois devant ce meuble en bois où il avait passé tellement d'heures, il se mit à fouiller chaque tiroir remplis de papiers en tout genre, allant du rapport de mission à la lettre de condoléances qu'il avait déjà abandonné.

Mais au bout de plusieurs minutes de recherches, il tomba enfin sur cette petite pile de feuille. Il en saisit une et constata, avec un certain choc, la date de naissance écrite sur le dossier de la soldate qu'il avait recruté. Il n'avait pas prit le temps de regarder l'âge de ses soldats, ou les avait rapidement survolé, mais fût frappé d'un sacré coup de vieux en comprenant que la jeune femme rousse qui combattait à ses côtés, allait tout juste atteindre la vingtaine dans un peu plus d'une semaine.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼Où les histoires vivent. Découvrez maintenant