Chapitre 26 : Lien

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Ils se fixaient intensément l'un l'autre, dans un silence se rallongeant. Il ôta soudain sa main de l'épaule frêle et tremblante de sa subordonnée, comme pour la laisser respirer, elle qui semblait étouffer à ce simple contact.

-Bonsoir caporal-chef. Dit-elle le plus naturellement possible, en essayant faiblement de camoufler son étonnement.

Le brun ne savait pas trop quoi faire face à cette jeune femme, il aurait pu la serrer contre lui en se remémorant son rêve inquiétant de la nuit dernière, lui dire à quel point il tenait à sa survie, et qu'il aurait voulu la conserver dans son cœur à jamais. Mais il ne le ferait pas, car il n'était pas inconscient.

-Bonsoir Petra. Lui répondit-il enfin, alors que tant d'autres mots lui brûlaient douloureusement les lèvres.

Elle ne savait comment passer un peu de temps avec cet homme restant indéchiffrable, lui qui l'avait rattrapé avant qu'elle ne s'enfuit dans sa chambre. Elle en avait terriblement envie, mais ne savait à quoi s'attendre comme réponse de sa part.

-Vous voulez un thé caporal-chef ? Demanda-t-elle en baissant les yeux, ne sachant quoi penser de cette excuse pour rester à ses côtés.

Il acquiesça d'un faible mouvement de tête, et ils s'enfuirent dans le réfectoire déserté par les soldats pour se préparer une boisson chaude.
Ils ne s'adressèrent pas un regard, fixant attentivement leur préparation comme si ces tasses étaient devenues plus intéressantes que jamais.

Ils s'installèrent sur les bancs face aux tables où fumaient leurs breuvages respectifs. Il prit les devants, ne supportant plus ce silence maladroit qui s'était subitement installé entre eux.

-Tiens, c'est pour toi. Bon anniversaire.

Il lui tendit une fine pochette en tissus, en détournant ses pupilles bleutées pour ne pas apercevoir l'expression de la jeune femme. Elle n'en croyait pas ses yeux, il lui avait offert quelque chose pour son anniversaire. La rousse n'osait pas approcher ses mains du paquet, dont le contenu avait déjà plus de valeur que n'importe quels autres objets en sa possession.

Elle soupira en tremblant, ouvrant délicatement le présent si inattendu de son supérieur.
Il tomba entre ses doigts fins, un petit bracelet rouge tissé d'un fil épais et long.

Elle ne connaissait pas la raison de ce choix, mais regardait ce bijoux comme si c'était la plus belle chose qu'elle n'ait jamais vu.

Livaï, toujours hésitant sur son choix, regarda discrètement la réaction de la jeune femme en face de lui, qui portait plus d'étoiles dans ses yeux que dans le ciel. Il l'avait choisi car ce petit bijoux simpliste lui rappelait une histoire que lui avait raconté son amie Isabel, alors qu'ils n'étaient que des jeunes adolescents à l'époque.

Elle lui avait expliqué qu'un lien inexplicable lierait apparement deux âmes, et qu'il pouvait se matérialiser par un fil rouge. Il savait pertinemment qu'il ne lui expliquerait pas cette étrange signification, par peur, mais il aimait se dire qu'il se liait à elle, pour la protéger, tout en rendant un hommage à son amie partie depuis si longtemps.

Ça ne lui ressemblait pas de croire ce genre d'histoire, mais pourtant il espérait intimement être lié à elle, d'une manière ou d'une autre.

-Il est magnifique caporal-chef, merci pour tout ! Dit-elle, larmoyante tenant fermement le fil contre son cœur en s'inclinant devant son supérieur.

Le brun aurait voulut arrêter le temps à ce moment précisèment. Ses mèches rousses l'empêchaient de voir son visage et son teint parsemé de tâches de rousseur, mais ce n'était pas plus mal. Car s'il venait à croiser ses yeux après de tels remerciements, il ne pourrait s'empêcher de céder devant elle. Elle enfila doucement le bracelet autour de son poignet, en se promettant d'en prendre grand soin à tout jamais. Voyant qu'elle se réussissait pas à attacher le fermoir, il prit machinalement les deux extrémités et aida la jeune femme rougissant devant une telle situation. Elle ne pouvait y croire, car même dans ses rêves les plus fous, jamais le caporal-chef Livaï ne lui nouait un cadeau autour de son poignet.

-Tu n'es pas obligée de le garder si tu ne l'aimes pas. Déclara-t-il, pour avoir confirmation de la part de la rousse qu'elle appréciait bel et bien son présent.

-Je l'adore. Encore merci caporal-chef. Affirma-t-elle en toute sincérité, de sa voix emplie de gratitude et d'émotions.

Elle essuyait encore et encore les petites larmes perlant aux coins de ses yeux ambrés, où se reflétait son poignet entouré du fil écarlate. Elle but l'ultime gorgée de sa boisson, et vit son supérieur se lever prestement sans dire un mot. Elle le suivit en silence jusque devant les portes des chambres, où elle ne put retenir son envie irrépressible de s'adresser encore une fois à lui.

-Bonne nuit, caporal-chef. Dit-elle finalement, d'une voix tout juste audible en agrippant finement son poignet où reposait le bracelet.

-Bonne nuit Petra. Répondit le brun en poussant la porte, après que la rousse ait rompu le contact visuel entre eux.

Elle se vêtit de sa longue chemise de nuit, et se blottit intimement dans les draps. La jeune femme comblée de bonheur souffla sa bougie, et tint tout contre elle son poignet, le serrant comme si sa vie en dépendait.

Mais la vie ne se se stoppait pas malgré ce moment rempli d'émotions que les deux jeunes gens avaient partagé quelques jours plus tôt, et le bataillon retourna explorer l'extérieur sur leurs chevaux. Armés, en portant capes et équipements, les braves soldats traversèrent une nouvelle fois ces étendues désormais couvertes de neige, laissant à peine apercevoir les reliefs des collines à l'horizon.

La 48ème expédition allait faire un ultime tri parmi les membres du corps d'armée qui pourraient retourner dans leurs familles lors des congés. Telle était la triste et cruelle réalité de la situation, mais Petra ne mourrait pas. Elle portait sa protection invisible constamment à son poignet, croyant intimement qu'elle emmenait avec elle une petite part de son caporal, devenu si cher à son cœur.

Sans même qu'elle ne puisse s'en rendre compte, il avait pris toute la place dans son esprit. Cet étrange rapprochement entre eux la comblait à un tel point, que pendant un instant, elle ne s'inquiétait plus du regard de ses camarades sur la relation ambiguëe que les deux jeunes gens pouvaient entretenir. Ses amis ne pouvaient même pas se douter de la moitié des moments si profonds qu'ils avaient passé ensemble, dans le plus grand secret.

Mais Erd, Gunther et Auruo étaient loin d'être idiots, et avaient plutôt bien remarqué la gêne ambiante lorsqu'elle lui adressait la parole. Erd, en grand observateur qu'il était, avait même vu le bracelet rouge que la rousse s'était subitement mise à porter après son anniversaire. Leur caporal ne pouvait pas être à l'origine de tout, seulement le grand blond trouvait curieux la façon dont la jeune femme serrait l'objet contre son cœur pendant qu'elle s'adressait au brun.

Mais il était enfin temp pour les courageuses recrues du bataillon d'exploration d'avoir droit à un bon temps de répit, près de leurs proches et loin de ces monstres. Petra avait dû dire au revoir à ses camarades. Les congés étaient enfin arrivés, et les décorations de Noël étaient apparues dans le hall du quartier général comme par magie. Hanji s'était une fois de plus, occupée de la répartition des tâches pour les soldats restant dans le bâtiment. Le réveillon approchait à grand pas, comme si le mois s'était évaporé subitement. Il ne leur restait que quelques temps avant de pouvoir célébrer dignement les festivités de fins d'année et de passer à l'année suivante, alors chacun mettait du cœur à décorer chaque détail.

Des cuisines s'émanait une bonne odeur de cannelle, et les meilleurs cuisiniers du bataillon s'étaient eux aussi, mit à préparer de délicieux plats en vu du somptueux repas prenant place la veille de Noël.
L'ambiance festive se ressentait absolument partout, et étrangement, même le caporal-chef Livaï se laissait aller à observer à sa fenêtre les guirlandes accrochées sur les écuries. Il se plaisait aussi à fixer intimement la jeune soldate rousse, qui avait été chargée par Hanji de les accrocher, à cet endroit bien précis.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼Where stories live. Discover now