Chapitre 30 : Nouvelle année

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Depuis des années, les habitants avaient perdu de nombreux proches à cause des titans, des amis, de la famille, et des amants. Mais le dernier soir de l'année, chacun d'entre eux lançait vers le ciel, une lumière pour dire un ultime au revoir à ces êtres chers avant de les laisser rejoindre les cieux. Telle était la croyance autour de ces lanternes en papier brun qui éclairaient la nuit sombre avant le début de la nouvelle année.

Petra, même petite, avait adoré de nombreuses fois voir ces lumières brillant dans les cieux et flottant au grès du vent. Elle en avait envoyé une chaque année, d'abord accompagnée de ses parents, puis seulement de son père après le décès soudain de sa mère. Elle pensait à elle à chaque réveillon, à cette femme qui appréciait tant cette fête et qui devait l'observer sous un autre angle à présent.

Livaï ne s'extirpait jamais les soirs de fête, et encore moins au nouvel an notamment à cause des flots d'alcools qui coulaient après minuit. Mais il n'avait pas manqué un seul lâché de lanterne depuis sa fenêtre, en songeant longuement à ses amis qui auraient aimé ce spectacle plus que tout au monde. Eux qui aimaient tant le ciel étoilé n'avait jamais eu l'occasion de le voir, ainsi parsemé de lueurs oranges s'éloignant au loin vers l'obscurité.

Et pourtant, s'il avait bien un souhait à faire ce soir-là, ça aurait été de pouvoir protéger ses camarades jusqu'à la fin, et surtout de pouvoir la protéger elle. Comment avait-il pu s'attacher autant à cette soldate, au point de pouvoir se sacrifier pour la sauver, il se le demandait encore mais la réponse semblait être sous ses yeux dès que la rousse apparaissait dans son champ de vision.

La soldate de l'escouade d'élite accrochait des guirlandes au dessus de l'encadrement de la porte menant dans le réfectoire, sous les ordres d'Hanji qui n'avait pas pris en compte la taille de la jeune femme. Perchée son petit escabeau, elle s'élevait sur la pointe de ses pieds dans l'espoir d'atteindre l'angle de la porte pour terminer sa tâche du jour.

« Allez, encore un peu bon sang ! » Exigea-t-elle intérieurement, les yeux fixés sur le murs.

Le caporal-chef descendait pour chercher Erwin. Il avait mis un temps fou à remplir des indications à propos de la prochaine expédition, et devait les transmettre au Major au plus vite. Sa main lui faisait affreusement mal après les pages écrites, puis ré-écrites à chaque rature, et il s'était particulièrement agacé lorsqu'il avait dû tout recommencer.

Mais il traversa tout le bâtiment, et il ne vit pas l'ombre des cheveux blonds qu'il recherchait depuis une trentaine de minute. Tête baissée, il fonça dans le réfectoire en apercevant Hanji en train de discuter avec leur supérieur commun, et mit un léger coup de pied dans l'escabeau entamant l'entrée sans même remarquer les soldats courant autour de lui pour la fête de ce soir.

La rousse, intimement concentrée sur la guirlande dont elle avait la responsabilité, ne sentit pas tout de suite son appui se dérober sous ses pieds. Ses jambes flageolèrent et son corps atterrit légèrement sur les deux bras tendus de son caporal qu'elle n'avait pas aperçu non plus.

Ce contact incongru entre eux laissa Petra rouge d'embarras, et son supérieur sous le choc de la voir presque tomber du ciel dans ses bras. Les regards s'étaient tournés vers eux, et le temps sembla s'arrêter tandis que les deux jeunes gens ne se quittaient pas des yeux dans cette étrange position. Livaï ne s'en rendit pas compte immédiatement, mais il fut pris d'une étrange chaleur aux joues de voir sa subordonnée ainsi suspendue à son cou, son visage à quelques centimètres du sien.

Leurs lèvres auraient pu se toucher en un instant, mais ils restèrent immobiles au milieu du groupe de soldats s'estimant chanceux de voir une telle scène arriver sous leurs yeux. En effet, rares étaient les fois où le soldat le plus puissant de l'humanité daignait descendre dans le hall, alors voir sa petite subordonnée atterrir si naturellement dans ses bras avant la soirée du nouvel an tenait de l'exceptionnel.

Il la posa par terre après quelques secondes de surprise, retenant son souffle face à la jeune femme rousse qui lui souriait naïvement. Heureusement pour lui, la folie de dire quoi que ce soit ne s'était pas emparée de lui pendant ce court moment de gêne, car il aurait pu bégayer devant sa mine adorablement innocente. Il n'en aurait pas fallut plus pour réduire à néant sa réputation dans le corps d'armée.

Le reste des soldats avaient repris leurs activités initiales sans oublier la scène épique qui venait de se dérouler devant eux, en songeant à l'étrange calme qu'avait gardé l'effrayant caporal-chef Livaï face à la maladresse de la soldate.
Il aurait réprimandé n'importe quel autre soldat qui lui serait tombé dessus de la sorte, mais était resté pétrifié devant la frêle jeune femme qui l'observait s'éloigner vers Erwin, rapport à la main.

Malheureusement pour Livaï, Erwin Smith avait aperçu son entrée dans le réfectoire accompagné des commentaires d'Hanji qui n'avait pas réussi à se retenir de balancer un « Oh j'y crois pas ! » devant la pose qu'avait pris le caporal.

Mais il n'en parla pas au brun quand il lui donna prestement le papier, ne voulant le mettre davantage mal à l'aise. La réaction de son amie ne lui avait pas échappé, et même s'il ne s'intéressait pas aux potins de la cheffe d'escouade à lunettes, savoir que Livaï en été la cible l'intrigua énormément.

« Se pourrait-il que...? » Songea le grand blond observateur en regardant avec un rictus, la silhouette du caporal qui s'en allait aussitôt vers son bureau.

La nuit tomba enfin, ramenant avec elle le somptueux ciel sombre constellé d'étoiles ainsi que la pleine lune trônant au dessus de leur tête. Les discussions fusaient déjà dans le grand hall, laissant un volume sonore considérable prendre place au milieu des soldats, tous vêtus plus simplement qu'au réveillon de Noël.

La guirlande avait fini par atteindre le haut de l'entrée et Petra discutait agréablement en compagnie de ses camarades. Elle ne pouvait s'empêcher de poser un nombre incalculable de questions à propos du mariage, Gunther avait reçu la demande de Erd pour être son témoin. Il avait accepté avec une joie émue, et lui avait fait une accolade très touchante sous les yeux pétillants de la rousse.

Auruo ne disait pas grand chose, il semblait avoir repris sa piètre imitation du caporal à la seconde où il avait passé la porte. Livaï était resté dans son bureau, n'ayant pas souhaité recroiser le regard des jeunes soldats qui l'avaient aperçu quelques heures plus tôt. Il s'était sentit affreusement stupide et impuissant devant elle et sous tous ces yeux qui l'avaient épiés sans gêne.

Les habitants des murs avaient déjà commencé à se rassembler sur les terrasses, les paliers et devant leur maison accompagnés d'une petit boîte d'allumette et de la grande lanterne en papier. Le caporal ne savait quoi faire, il avait encore et toujours envie de la voir, mais que diraient-ils ? Tous ces soldats, ces compagnons d'arme, ces collègues, que diraient-ils de le voir agir si étrangement après la scène dans le hall ?

Mais cette envie irrépressible, incontrôlable et puissante d'être auprès d'elle s'emparait un peu plus de lui à mesure qu'il y pensait, qu'il revoyait ses beaux cheveux roux et se remémorait son doux parfum de camomille. La camomille, il devait la sentir comme il l'avait fait en la serrant dans ses bras le soir de Noël, comme un besoin vital qui le laissait périr face à ses faiblesses. Il ne s'était jamais trouvé plus faible, plus vulnérable et à la fois si humain que lorsqu'il l'avait vu ce soir-là.

Il allait y aller, c'était décidé. Peu importait leurs commentaires et leurs commérages à son propos. Il n'en avait plus rien à faire. Il s'élança, décidé, vers la porte de son bureau en portant sur le visage cette expression perturbée le rendant si méconnaissable.

Autour de leur lanterne allumée s'était formé le petit cercle de soldats, et Petra pensait intimement à sa mère, et à ses souhaits les plus impossibles pour cette nouvelle année lorsque soudain il s'approcha de son escouade, illuminé par la lueur orangée, et elle vit apparaître le visage de celui qui habitait constamment ses pensées.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼حيث تعيش القصص. اكتشف الآن