Chapitre 23 : Chocolats chauds

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Il ne semblait pas en croire ses yeux, pourtant ça collait parfaitement avec sa date d'intégration du bataillon. Il calcula qu'elle avait dû intégrer le corps d'armée à tout juste 18 ans. Elle paraissait tout de même plus âgée sur le portrait qu'elle avait fourni sur son dossier de soldate.
Il ne savait pas réellement ce qui avait pu pousser une fille aussi pure, qui avait tout pour être heureuse, à rejoindre les brigades d'entraînements en plein milieu de son adolescence. Il connaissait pourtant mieux que quiconque les puissants besoins de liberté que les soldats du bataillon d'exploration pouvaient ressentir en ayant vécu si longtemps, cloîtrés entre ces murs. Mais sa présence lui échappait, malgré son niveau remarquable au sein de l'escouade il ne savait pas ce qui la motivait réellement.
Il ne regrettait pas d'avoir retrouvé cette jeune fille qu'il avait rencontré autrefois, mais ne savait pas quoi faire si il venait à lui arriver quelque chose. Elle comptait en tant que soldate pour ce corps d'armée, mais à présent, elle comptait aussi en tant que femme pour lui.
Il se sentit brusquement stupide de penser de telle choses. Elle lui parût si jeune à côté de lui, et il culpabilisa de s'attacher ainsi à la compagnie de sa subordonnée.

« Arrête de penser à ça, bon sang ! Ce n'est pas comme si cette relation avait la moindre importance ! » Se dit-il en se mettant une sorte de claque mentale. Il devait rester professionnel avec elle, ne pas la laisser se faire des idées car en tant qu'aîné et supérieur, tel était son devoir.
Mais merde tout de même, elle avait seulement la vingtaine et elle lui parlait avec une telle maturité, malgré ses expressions enfantines, qui réchauffaient tant son cœur qu'il pourrait ne jamais s'arrêter. Il l'appréciait, c'était certain, mais ses réticences et cette nouvelle information le poussaient dans son déni, qui restait toujours plus puissant que ses envies.

Mais la jeune Petra, qui avait conservé en elle un agréable souvenir de cette discussion se l'était repassé en boucle dans sa tête avant son endormissement. Ce qu'elle aimait lui parler si naturellement, malgré les réactions étonnées de ses amis, qui ne connaissaient pourtant qu'une minime partie de l'histoire. Mais elle ne se faisait pas d'illusions pour autant, elle ne voulait pas devenir cette femme naïve qui se laisserait emporter par ses sentiments au détriment de la réalité exposée sous ses yeux.

Le mois de Décembre débutait enfin, et pour le plus grand bonheur des soldats, le premier du mois se trouvait être un jour férié. En effet, pendant cette journée couverte généralement de neige, les marchands de tous les commerces au sein des murs, se retrouvaient dans les rues pour exposer des stands aux yeux de tous les passants. Cette joyeuse tradition permettait de se préparer au festivités de la fin d'année, et aidait grandement les vendeurs à subvenir à l'hiver.

En ce dimanche matin tous réunis dans le réfectoire, les soldats du bataillon dégustaient un généreux petit-déjeuner après leur grasse matinée. Le major, se trouvant à une des tables près de celle de la petite escouade Livaï, tapota délicatement sa cuillère sur le bord de son verre, laissant résonner dans toute la pièce, un petit bruit cristallin.

Le silence se fît enfin, et le grand soldat blond se leva devant l'assemblée pour faire son annonce tant attendue.

-Bonjour à tous soldats, vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui, vous n'aurez aucun entraînement ou tâche obligatoire. Cependant, le bataillon d'exploration comme à son habitude, va partir faire une sortie en ville en vue de fêter le premier jour de Décembre. Je vous invite donc à rejoindre la cour avant du bâtiment, en vêtements civils pour rejoindre le district de Trost dans une heure. Merci d'avance. Déclara-t-il de sa voix forte et grave.

Le district de Trost se trouvait au sein du mur Rose, et portait de nombreuses animations pendant l'hiver. Cet événement se renouvelait tous les ans d'après les soldats les plus anciens, et était toujours un moment agréable où ils pouvaient tous profiter d'une journée normale comme des habitants du mur.

Les quatre soldats, délaissés un fois de plus par leur supérieur, se regardèrent tout sourire.

-J'adore le marché d'hiver. Je pense que ça pourrait être une de mes saisons préférées pour ça ! Déclara Erd, partageant l'enthousiasme de ses camarades.

-Allons nous préparer, ce serait bête d'être en retard. Dit finalement Petra, ne voulant surtout pas manquer une telle occasion.

Ils n'avaient peut-être pas le sens de la fête comme la garnison, où les soldats passaient un bon nombre d'heures à boire et à jouer aux cartes, mais le bataillon savait s'amuser comme il se devait lorsque le moment se présentait.

Vêtus de vêtements chauds, ils arboraient tous manteaux, bonnets, gants et écharpes étant donné la couche de neige ayant recouvert les rues. Petra s'était particulièrement étonnée en remarquant la présence de leur supérieur, habillé d'un épais manteau noir et conservant ses mains dans ses poches. Ils se regroupèrent par escouade, et les cinq soldats purent débuter leur balade, marchant et sautillant de joie sur les pavés en pierre.

Livaï et Petra marchaient derrière, presque l'un à côté de l'autre à l'abris des yeux de leurs compagnons d'arme. Comme à son habitude, le major Erwin menait la route, suivi des escouades et des équipes de soldats réguliers qui traînaient dans les rues en s'éparpillant devant chaque stand qu'ils croisaient.

Des fins flocons de neiges tombèrent sur les épaules de Petra, et elle les observait se poser sur ses gants en laine. Livaï, quant à lui, se plaisait à l'observer en se tenant à quelques centimètres d'elle lorsqu'elle levait des yeux émerveillés vers le ciel blanc.

Elle ne lui prêtait pas attention, mais sentit soudain une main attraper une des ses mèches rousses.

-Attends un instant, tu as quelque chose dans les cheveux. Prononça la voix de son supérieur, conservant son éternel calme face à ce contact si inattendu pour la jeune femme.

Il lui ôta la petit boule de laine qui trainait dans sa mèche, et elle lui lança un regard surpris sans dire un mot pendant quelques secondes, avant de finalement détourner les yeux face aux visage imperturbable de son caporal.

-Merci. Dit-elle enfin, en touchant de ses doigts gantés sa chevelure.

Ils marchaient désormais, plus près l'un de l'autre et leurs épaules se frôlant à chaque pas faisaient particulièrement battre le cœur de la rousse.

-Où voulez-vous aller en premier caporal-chef ? Demanda-t-elle à l'homme silencieux qui se tenait si proche d'elle.

-Je ne sais pas. Qu'en penses-tu ?

-J'ai un peu faim, je dois bien l'avouer. Vous aimez les chocolats chauds ?

Elle lui sourit avec son air naturellement joyeux en lui faisant cette proposition. Il aimait bien le lait chaud, mais ne pouvait pas souvent se permettre d'en boire étant donné les prix de celui-ci. Cependant, ce jour-là était plus spécial alors il se laissa aller à la tentation de boire ce breuvage en compagnie de sa subordonnée.

Ils s'écartèrent du groupe de soldats, camouflés parmi la foule, et commandèrent deux boissons identiques au propriétaire du café. Devant l'homme à barbe, se tenait une profonde marmite, d'où le lait chocolaté fumant laissait dégager une agréable odeur.

Ils prirent les deux verres en bois polis, et Petra s'empressa de sortir son petit porte-monnaie, sans s'apercevoir que le brun avait déjà donné la somme nécessaire pour leur deux commandes au vendeur.

-Ne t'en fais pas, je paye. Affirma-t-il sans laisser le temps à la jeune femme de répliquer quoi que ce soit.

-Mais-

-Pas de mais. Ou je bois ton verre avec. La menaça-t-il en la taquinant.

Ce soudain pas en avant de la part de son supérieur rendait la journée d'autant plus spéciale. Les tables couvertes de bijoux, de tissus ou d'objet en tout genre défilaient sous leurs yeux, et pourtant elle ne pouvait détacher les siens du visage de son supérieur buvant son chocolat chaud, et prenant un air presque surpris en redécouvrant le bon goût de celui-ci. Elle prit également une gorgée, et sourit en lui jetant un énième regard de ses yeux toujours aussi pétillants. Elle le trouva tellement plus agréable ainsi, que sa boisson n'en devint que meilleure, et fît instantanément disparaître la fraicheur de l'air qui les entourait.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼Where stories live. Discover now