Chapitre 20 : Orage

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Il les toisa de son regard sévère et impitoyable. Il semblait presque déçu de leur comportement si irresponsable alors qu'ils enchainaient les entraînements quotidiens.

-Je crois que je ne veux même pas savoir ce que vous faisiez, allez vous coucher tout de suite. Ordonna-t-il exaspéré de voir ses hommes ainsi.

Ils baissèrent les yeux devant l'autorité de leur caporal, qui ne semblait réellement pas d'humeur à les réprimander pour leur escapade.
Les garçons, après avoir entendu l'ordre de leur supérieur, se replacèrent aux côtés de Petra.

-Ne vous en faites pas les garçons, je pense que ça va mieux. Les rassura-t-elle de sa voix douce est cristalline.

Elle ne voulait pas les embêter davantage, alors qu'ils l'avaient déjà bien aidé. L'arrivé de leur supérieur avait laissé un vent glacial passer dans l'atmosphère, mais les quatre amis réussir à conserver un agréable souvenir de cette soirée ensemble. Ils se rapprochaient de jour en jour, sous le regard indéchiffrable du caporal-chef qui enviait secrètement la complicité qu'ils entretenaient. Ils avaient perdu tant d'amis chers à ses yeux, que revivre une telle amitié ne lui attirerait que plus de désespoir et de tristesse. Mais elle, elle restait plus vivante que chaque soldat de ce bataillon et faisait battre involontairement son cœur à chaque regard qu'elle lui lançait.

Il n'oserait jamais avouer ce ressenti, car le dire le rendrait réel et il préférait conserver intimement le doute qui planait autour de ses sentiments pour la rousse. Elle était son strict opposé, et une relation autre que professionnelle entre eux ne serait jamais acceptée. Mais pourtant, après les récents contacts qu'ils avaient eu l'un envers l'autre, Livaï, le soldat solitaire ne pouvait s'empêcher de manquer sa compagnie lorsqu'il se perdait seul dans ses pensées. Ce rayon de soleil qui éclairait toute l'ombre qui l'entourait par sa simple présence ne pouvait briller pour lui, mais une voix en lui murmurait tout l'inverse.

L'hiver se rapprochait dangereusement, mais les pluies torrentielles ne laissaient pas encore place aux doux flocons. Petra, depuis sa sortie s'était déjà surprise à paniquer à l'entente de l'orage à sa fenêtre, qui rugissait tel un monstre à sa recherche. Elle avait été prise d'une telle peur cette nuit là dans la forêt que ces soirs où résonnait la foudre, s'étaient mis à la terrifier réellement.
Elle n'avait pas découvert cette inquiétude, car même enfant elle n'aimait pas ces bruits nocturnes, seulement à présent elle voyait les arbres effrayants surplombant sa tête et ressentait encore les gouttes glacées qui perlaient sur sa peau.

Mais, alors qu'elle avait un peu de temps libres cette après-midi, la jeune femme rousse attendait désespérément une lettre de son père, qui lui annoncerait enfin s'ils passeraient les fêtes ensemble ou bien si Petra devrait rester au quartier général.

Elle se mis à descendre les escaliers en vitesse pour aller vers la cour avant du bâtiment. Sans le voir, elle faillit tamponner l'épaule de son supérieur qui remarqua la précipitation de la jeune femme. Elle ne le savait pas mais il l'observait en train de marcher rapidement vers le local accueillant le courrier, toujours en uniforme brun. Cette pièce n'était pas immense, mais elle comportait un casier pour chaque résident du quartier général, ce qui recouvrait les murs d'étagères en bois portant plus ou moins de lettres. Il y siégeait aussi une petite table pour porter les colis et les paquets trop grands pour passer dans les petites boîtes pleine de lettres. Elle chercha du doigt l'étiquette portant son nom et se saisit d'une lettre qui lui était donc destinée.
Mais soudain un éclair jaillit du ciel grisâtre et éclaira la pièce dans une lumière blanche et surprenante.
La seule réaction de la jeune femme fut de se recroqueviller sous l'unique table présente dans la pièce, et de restait tétanisée de peur. Elle serrait la lettre contre son cœur, grelottant sous ce meuble laissant traverser le vent glacial s'émanant de l'extérieur. La porte claquait à cause de l'air puissant. Le vacarme que la porte grinçante produisait mettait la jeune femme dans un état de panique absolue.

Elle sentait son cœur s'affoler dans sa cage thoracique, ses dents claquer les unes contre les autres et ses mains gelées recouvrant ses oreilles.
Des larmes se formaient aux coins de ses yeux, toujours fermés sous son front crispé. Elle se serait senti pathétique si elle avait pu, mais son esprit ne repensait qu'au paysage effroyable dans lequel elle s'était perdue cette nuit-là.

Les autres soldats du bataillon commençaient à fermer toutes les ouvertures pour empêcher le froid de rentrer. Beaucoup s'étaient rassemblés dans la bibliothèque en voyant leur entraînement interrompu à cause de la météo. Le ciel se faisait de plus en plus capricieux et laissait des gouttes épaisses tomber sur le toit du bâtiment.

Livaï, comme tous les autres, repassait devant l'entrée pour fermer la grande porte en bois. Mais seulement, son regard se posa sur le local où il avait vu sa subordonnée entrer quelques minutes plus tôt. La porte de celui-ci était étrangement battante. Il pensa que la rousse l'avait mal refermée et se précipita hors du quartier général, en s'abritant tant bien que mal sous sa manche. Sortir ainsi sous la pluie ne l'enchantait absolument pas, et son exaspération pouvait se lire sur son visage renfrogné.

Mais, alors qu'il avait atteint la petite cabane servant à réceptionner les lettres, il entendit au milieu du bruit sourd de la foudre une petite voix tremblante. En rentrant finalement dans le local, il vit les mèches rousses pendantes au dessus du corps de sa subordonné, repliée sur elle-même. Il comprit en voyant ses larmes et sa bouche tremblante qu'elle était effrayée de l'orage. Elle restait tendue sous ce bureau sans remarquer sa présence. Il ferma enfin la porte, restant à l'intérieur avec la jeune femme.

-Hé ? Petra ? Demanda-t-il avec une voix plus douce qu'en temps normal.

Il ne voulait pas l'effrayer, elle qui semblait si vulnérable et faible. Il s'accroupit pour se mettre à sa hauteur et mit sa main au dessus du bureau, comme pour former une barrière protectrice entre elle et l'extérieur. Elle leva doucement ses pupilles tremblantes vers lui lorsqu'il frôla son épaule, réalisant la position dans laquelle ils se trouvaient. Elle avait l'air si rassurée de le voir arrivé, lui qui semblait toujours être là lorsqu'elle ne se sentait pas bien.

-Excusez moi caporal-chef... Je vais rentrer. Lui répondit-elle avec sa voix saccadée et presque inaudible.

A peine tentait-elle de s'extirper hors de son abri, qu'un énième foudroiement retentit en faisant presque trembler le local. La rousse perdit son équilibre, encore surprise de ce vacarme et tomba brusquement sur le torse de son supérieur. Il resta statique, serrant le dos de la jeune femme pleurant contre lui. Il resta sous le choc de l'entendre ainsi sangloter devant lui, elle qui paraissait si forte de caractère. Le sourire derrière lequel elle pouvait cacher tous ses songes s'était soudainement évanoui sous ses yeux bleus, s'adoucissant à cette vision désemparante.

Ils ne dirent rien avant que Petra se mette doucement à genou pour se redresser, et que Livaï debout devant elle, lui tende une main rassurante.

-Décidément, vous avez un don pour me retrouver caporal. Déclara la rousse en essuyant ses petites larmes, le ton un peu plus assuré.

-Il faut croire. Affirma-t-il, observant la main qui tenait la sienne.

Elle gardait dans son autre main, la lettre qu'elle était originellement venue récupérer. Mais sa main restait posée dans celle rugueuse et froide de son supérieur, ne semblant pas vouloir rompre ce contact.
Ils ne se tenaient pas réellement main dans la main comme le ferait franchement Petra avec un des membres de son équipe, ils se frôlaient tout juste. Mais cette douce sensation laissait des frissons traverser le corps de la jeune femme, réalisant à peine ce qui se déroulait sous ses yeux fixés vers le sol.

Sentant la jeune femme assez tendue, il rompit ce contact assez subitement et se retourna vers la fenêtre, comme pour trouver une discussion qui comblerait ce silence embarrassant. La pluie se faisait plus épaisse, et laissait des flaques profondes dans la cour. Il soupira franchement, se retrouvant en quelques sortes bloqué par le temps, ici seul avec sa subordonnée, comme si la météo voulait laisser cette part secrète de lui profiter de quelques minutes en tête à tête avec elle.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋  | Acte I : 𝓣𝓻𝓮𝓪𝓬𝓱𝓮𝓻𝓸𝓾𝓼Where stories live. Discover now