Chapitre 17 : La veste

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Livaï remontait à peine de la cuisine, ayant eu une petite faim, et entendait à sa grande surprise le bruit de l'eau couler sur les carreaux blanchâtres depuis le long couloir permettant d'accéder aux douches.

« Qui est le grand abruti qui se douche à une heure pareille ? » Pensa-t-il automatiquement en imaginant que l'un d'entre eux avaient dû laisser le robinet ouvert. Seulement, ayant grandi dans un milieu pire que défavorisé, laisser des ressources couler littéralement à flots sans les utiliser le révoltait plus que tout.

Derrière le rideau, sa silhouette gracile et frêle laissait perler de fines gouttes sur le sol. Elle n'avait pu profiter que de quelques courtes minutes d'eau tiède avant que celle-ci ne devienne glaciale. Elle aurait dû se douter qu'elle profiterait des restes mais, elle n'en avait pas moins froid.

Elle essora d'un geste précis ses cheveux roux et courts, et attrapa sa serviette fine qui la couvrait de la naissance de sa poitrine jusqu'au milieu de ses cuisses. Elle se sentait plus à son aise, ne pensant pas que quelqu'un puisse surgir au beau milieu de la nuit, et prit soin de coiffer avec ses doigts, ses mèches folles qui rebiquait vers ses épaules. Sa frange lui tombait en filet sur le front, laissant s'écouler sur son visage des perles d'eau glacée. La température lui rappelait son escapade datant de presque une semaine maintenant, lui faisant souffler dans ses mains pour les réchauffer, comme une enfant en hiver.

Elle sortit doucement, d'un pas léger de façon à ce que personne ne l'entende, et souffla la flamme de la lampe éclairant la salle de bain. Elle se retrouvait plongée dans le noir, tâtant le mur à sa droite pour l'aider à se repérer. Sa chambre était un étage au dessus pour son plus grand malheur, mais elle la partageait avec Nanaba. 

Elle tenait d'une main sa serviette, et de l'autre cherchait les murs dans lesquels elle pourrait potentiellement foncer sur son chemin. Mais à son grand étonnement, elle toucha ce qui ne semblait pas être un mur, mais plutôt un écusson brodé. Elle comprit assez vite qu'il s'agissait d'une personne en face d'elle, dont elle n'arrivait pas à déceler les traits. Elle ne dit pas un mot, ayant rassemblé ses deux mains fines et tremblantes contre son corps, puis entendit un petit grattement d'allumette et vit une lueur éclairer le visage de celui à qui elle faisait face.

-CAPORAL-CHEF ! S'écria-t-elle avant qu'il lui plaque une main dissuasive contre ses lèvres roses.

-Ça ne va pas de crier comme ça ?! Tu veux réveiller qui avec tes histoires de douches à 23h30 ? Demanda-t-il avec son sarcasme et son ton réprobateur inné.

Il retira sa main lorsqu'il sentit sa bouche articuler des mots contre sa paume. Il gardait l'allumette pour éclairer le visage de sa subordonnée. Il ne se souvenait pas l'avoir déjà vu d'aussi prêt, et se plaisait à récupérer chaque détail qui composait son expression surprise.

-Pardon caporal, je ne voulais croiser personne. Je m'excuse sincèrement de vous avoir dérangé.

Elle ne le regardait même plus dans les yeux, et baissait la tête respectueusement vers lui en évitant tout contact visuel. Il remarqua sa tenue légère et s'empressa d'ôter sa veste devant le regard d'incompréhension de sa subordonnée.

-Prends ça. Ce n'est pas un temps à se balader en serviette dans les couloirs. Et va te coucher maintenant.

Il lui colla son veston gravé des ailes de la liberté sur le dos, et regarda fixement dans ses iris une dernière fois avant de retourner vers sa chambre, laissant la jeune femme seule dans le noir.
Petra croisa ses bras autour de son corps, sentant le parfum émanant de la veste sur ses épaules. Elle ressentait toujours la brise fraîche sur ses mollets, mais son cœur était plus bouillonnant que jamais. Elle culpabilisait toujours de ces moments où elle se sentait si proche de lui, parce qu'elle venait à en oublier son rang hiérarchique et le sien. La jeune femme déambula ainsi jusque dans sa chambre, où elle s'enferma une bonne fois pour toute.

Elle avait déposé le vêtement de son supérieur sur une chaise où reposait également son équipement, et s'endormit dans sa chemise de nuit blanche repensant à la fragrance toujours sur ses épaules.

Livaï, après cette brève entrevue assez incongrue, repartit dans la salle de réunion de l'ancienne base, où il finit par oublier les documents qu'il avait sous les yeux. Elle occupait constamment ses songes, et il contrôlait à peine ses agissements devant elle. Assis devant la longue table brune, il se prit la tête entre deux mains et tenta désespérément de réfléchir.

« Qu'est-ce qui t'as pris Livaï ? Tu veux qu'elle se fasse repérer avec deux uniformes et qu'elle doive expliquer pourquoi ? Parce que si tes intentions sont de la mettre dans une position délicate vis-à-vis du bataillon tout entier, c'est gagné, félicitations ! » pensa-t-il avec un sarcasme se reflétant dans ses yeux.

La lampe à huile sur la table éclairait d'une faible lueur son visage en pleine réflexion, alors qu'il se perdait dans ses remords. Mais soudain, au fond de lui, il crut entendre une voix, qui n'était ni celle de ses pensées, ni celle de Petra, mais une voix de femme. Elle lui était familière, comme s'il l'avait entendu toutes sa vie, mais qu'il l'avait longtemps ignoré.

« Livaï, mon chéri, va vivre loin de ce monde, tu mérites de voir ce que ces gens voient. Ait un travail sûr, ne finit pas comme ta famille, et chasse ce nom qui ne rapporte que des ennuis. J'aimerais tant te rendre heureux mon ange, mais je ne peux rien faire de plus pour le moment. Je t'aime tellement si tu savais... »

Ces mots, lui revenait comme une chanson qu'il aurait appris par cœur, mais il comprit bien vite que personne à part elle ne pourrait l'appeler ainsi. Il l'avait connu enfant, et malgré les années qui défilaient, il savait qu'il n'oublierait jamais sa mère. Il n'en parlait jamais, et à personne, parce que ça ne les regardait pas, et qu'il aimait la conserver comme une fleur fragile au fond de son cœur. Mais elle lui manquait, elle avait laissé un immense vide en lui en partant soudainement.
Il s'énervait de songer au passé, et se demandait pourquoi ces paroles resurgissaient si brusquement en lui. Il n'était pas superstitieux, mais il se rappela du ce que que sa subordonnée lui avait confier à propos des étoiles.

« Tu dois être avec eux, n'est-ce pas Maman ? »

Il espérait que la rousse avait eu raison, et que au loin, une de ces nombreuses lumières veillait sur lui. Et s'il ne devait y en avoir qu'une qui en serait capable, ce serait la sienne, car personne n'aurait réussi à le protéger ainsi à part celle qui l'a amené en ce monde. Il se leva alors de sa chaise, marcha quelques instants, et regarda à travers la fenêtre, au loin vers ce ciel sombre parsemé de lueurs brillant dans la nuit. Ses yeux ne se détachèrent pas de ce spectacle avant qu'il ne se sente tomber de fatigue, et retourna coucher sa tête entre ses bras, sur le bureau.

Le soleil se levait déjà sur la base, et tous les soldats en uniformes couraient dans les couloirs pour ne pas prendre du retard. Petra, qui s'était rhabillée ne savait quelle veste elle était sensée prendre. Elle ne les réussissait pas à les différencier, la sienne semblait être en tout points identique à celle de son supérieur. Mais dans la précipitation, elle en enfila une des deux, et plia l'autre pour aller la rendre à son propriétaire.

Elle passa le temps du petit-déjeuner à le chercher dans toutes les pièces désertées par les membres de l'expédition, courant avec le vêtement sous le bras sans tomber sur lui. Elle était essoufflée lorsqu'elle entrouvrit la porte de la salle de réunion. Elle y découvrit enfin sa silhouette étendue sur le meuble, et son visage apaisé encore endormi.

Elle ne put s'empêcher de le trouver absolument adorable, ainsi allongé comme un enfant en classe. Elle sourit en remarquant son front complètement décrispé et sa bouche légèrement entrouverte. La jeune femme resta plusieurs secondes devant lui, scrutant les détails de son visage qu'elle n'osait pas regarder en temps normal.

« Vous êtes si beau comme ça caporal... » songea-t-elle en déposant la veste sur le dossier de la chaise où il était assis.
Elle resta tout de même quelques instants de plus, immobile comme hypnotisée par ses paupières commençant à s'ouvrir. En comprenant qu'il se réveillait, elle s'empressa de se diriger vers la porte en tournant le dos à son supérieur.

Mais ce qu'elle ne savait pas, c'était qu'il avait bien vu ses cheveux roux sortir par la porte sans un bruit. Il avait souri intérieurement de la voir s'agiter de la sorte, et aurait voulu au fond de lui, la rattraper pour la remercier d'être là presqu'à chaque fois qu'il se réveillait.

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