Chapitre 2

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Romy (30 août 2022)

C'est pas idéal, ça ressemble en rien à un post Instagram. Quand je suis sortie de la station de métro, que le soleil se réverbérait sur le verre du lampadaire, j'ai trouvé ça exceptionnel.

Sauf que sur ma photo on dirait juste un verre sale qu'on éclaire avec une lampe torche.

J'ai toujours le droit à ce regard de la part des autres quand ils apprennent que oui, je tiens un compte Instagram. Comme si y avait un profil type pour ce genre de choses, et paraît que j'en fais pas partie. Alors oui, je poste régulièrement, oui, mon compte est public, et ça dérange qui ?

Pas moi. C'était une idée de mon petit frère à la base, quand j'ai déménagé à Paris et que je l'ai laissé derrière moi. Il voulait avoir une sorte de journal de bord. Et nulle comme je suis, j'étais pas au courant qu'il y avait une différence entre compte privé et compte public, donc j'ai rien touché. En bientôt 6 ans, j'ai atteint les 350 abonnés, et ça me semble toujours aussi étrange que le premier jour. Qui peut bien s'intéresser à ma vie, je sais pas, mais les gens aiment mes photos.

Alors j'ai rien changé, je l'ai laissé en public. Parce que la vérité c'est que je m'en fiche. Ce que je poste, c'est seulement des bribes de mon quotidien, ça oscille entre ma tasse de café fumante jusqu'à un assemblage de mes derniers tickets de cinéma. Tant mieux si les gens sont heureux de voir ça, moi je le faisais pour mon petit frère, puis j'y ai pris goût. C'est différent que de tout consigner par écrit dans mes carnets, mais ça reste le genre de trucs que j'aime faire.

Et on sait jamais, peut-être que de là où il est, il surveille toujours mon fil Instagram.

- C'est pas vrai, je relève la tête en entendant un soufflement devant moi.

Accroupie sur les pavés, appareil photo à la main, une jeune femme s'affaire à récupérer les dizaines de Polaroïds qui viennent de s'étaler au sol.

- Besoin d'aide ? Je souris en m'abaissant à son niveau.

- Merci, ses iris grises se posent sur moi la seconde suivante, juste dix secondes Mimi, elle se redresse, la main posée sur son ventre arrondi.

Le sourire aux lèvres, je peux pas m'empêcher de baisser les yeux sur la photo entre mes mains. C'est juste une main, tatouée, serrée autour de ce qui semble être un volant. C'est tout simple, pourtant il y a quand même quelque chose de particulier.

Et ce sera toujours ça qui manquera à mes photos. J'ai juste pas le truc.

- Pardon, je lui redonne la photo quand je remarque qu'elle me détaille en silence. Je voulais pas regarder. En fait si, je souris, et j'ai bien fait, elle est trop belle cette photo.

- Merci, elle me sourit en retour, et encore merci pour l'aide, elle me fait un dernier signe avant de reprendre son chemin.

Peut-être qu'un jour je devrais prendre des cours. Juste pour pas décevoir mes abonnés. Ou mon frère. Ou Jarvis qui miaule à chaque fois que je le prends en photo.

- Je perds rien à le rajouter, je hausse les épaules avant de feuilleter mon carnet jusqu'à la page des projets.

Y en a beaucoup, pas beaucoup encore que j'aie réalisé. Juste celui du milieu : réussir le concours de professeurs des écoles.

- Ça c'est fait, je murmure en frôlant la ligne du doigt.

Bon. Au-delà des photos, c'était mon vélo et mes patins que j'étais partie récupérer à l'origine. J'ai rendez-vous à l'école demain pour la réunion de pré-rentrée, et prendre le métro pour deux stations, c'est pas l'idéal, le vélo c'est mieux.

Eidos · Deen BurbigoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant