Chapitre 62

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Romy

Aller chercher le petit-déjeuner à la boulangerie, ça aurait probablement suffit. Je sais pas ce que je fais ici. Entendre la petite grand-mère parler de lui en regardant la boulangère lui servir son pain et ses croissants, ça m'a soulagée. Un peu. Pourtant, de toutes les personnes à qui j'aurais eu l'idée de m'adresser, il est probablement bas dans la liste, pour ne pas dire tout en bas.

Tout en bas, c'est la place de ma mère. Ou de Jules.

Alors oui, quand j'ai passé le seuil de la boulangerie, avec les tartelettes à la fraise que Mila adore, et le cheese-cake de Mika, le tout rangé dans une petite boîte colorée, ça m'a donné envie d'aller le voir lui. Toujours aucune idée de pourquoi, et ça sonne encore plus ridicule dans ma tête quand je débarque sur la petite place ensoleillée quelques mètres plus loin, pour y retrouver tous un tas de familles et d'amis descendre les marches de l'église, le sourire aux lèvres.

Il est 9h30, la première messe vient de se terminer, et le courage et l'envie que je croyais avoir pour passer les portes de l'église se sont déjà estompées. Ça n'a pas de sens, ça fait des années que je n'ai pas approché quoique ce soit de religieux. Ma mère serait aux anges de me voir ici, sur un parvis, et rien que l'idée me donne envie de vomir.

Je peux pas rentrer dans l'église, parce que la dernière chose que je me sens de faire, c'est de pardonner quoi que ce soit.

Elle n'a pas donné signe de vie depuis des semaines. Pourtant, je sais qu'elle a reçu la petite carte que j'ai écrite avec Milou après qu'on ait reçu l'accusé de réception de mes papiers d'adoption. On a passé toute une journée à les faire, elle et moi, puis à les glisser dans les jolies enveloppes violettes qu'elle a choisies au magasin. Mila n'a probablement jamais eu de faire-part à son nom, ça me tenait à coeur de changer ça, et je ne sais pas exactement comment Adeline a réussi à me convaincre d'en envoyer un à ma mère, mais je l'ai fait.

Et je regrette. Surtout d'y avoir mis un suivi d'envoi. Parce que je sais qu'il est arrivé à destination.

Plus les minutes passent, plus le parvis se vide, et bientôt, je me retrouve toute seule assise sur le banc en face de l'entrée de l'église, la boîte de la boulangerie sur mes genoux. Ça fait longtemps déjà que je ne crois plus en ma mère. Peut-être parfois, de temps en temps, j'ai des petites lueurs d'espoir, mais ça ne va jamais plus loin. Elle n'a jamais accepté que Jules ne soit pas fait pour finir avec moi, comme elle n'a jamais accepté que Mika le soit, ou que Milou devienne ma fille.

Mais y a eu un moment, un long moment, où j'ai cru en lui. Quand j'étais petite, ou quand j'étais encore avec Jules, que j'avais cette boîte rose pâle, remplie de tous mes tests négatifs, je croyais en lui. Je n'arrivais plus à croire au fait qu'un jour, j'allais enfin pouvoir devenir maman, alors je me disais que si je croyais en lui, il y croirait pour moi. J'allais à la messe au moins deux fois par semaine, quand j'avais le temps. Je priais pour Alex, pour Jules ou pour moi, j'essayais d'être positive.

J'ai pas pu quand Alex est parti avec Ben. Sans moi. Et sans Lili. J'ai jamais remis les pieds dans une église.

- Tout va bien ? Je relève les yeux de la boîte de la boulangerie quand un homme de l'âge de mon père probablement, s'assoit à côté de moi.

Probablement envie de souffler quand je remarque sa tenue. Je me retiens.

- Je ne crois pas vous avoir vue pendant la messe, le prête rajoute. Le samedi, on n'en fait qu'une seule. Demain, il y en aura trois.

Eidos · Deen BurbigoWhere stories live. Discover now