Chapitre 38

930 88 3
                                    


Romy (veille de la rentrée des classes)

J'arrive pas à mettre le doigt dessus. Je sais qu'il manque un truc, mais j'arrive pas à mettre le doigt dessus.

Pour la millième fois depuis tout à l'heure, je tourne et retourne les pages du carnet que j'ai acheté spécialement pour cette année scolaire, à la recherche du truc qui me manque, sans succès. Le tiers des pages est déjà rempli de liste de tâches, d'idées de projets, de photos pour m'inspirer, et de toutes les infos que j'ai pu récupérer hier à la réunion du personnel.

Mais même après deux bonnes heures de planification, j'ai toujours l'impression qu'il me manque un truc. C'est le même feeling à chaque fois, je le connais par cœur : j'ai la gorge nouée, ça me stresse, mon cœur est serré, j'ai peur de ce que j'ai pu oublier. Et le pire, c'est que je sais que tant que je n'aurais pas remis le doigt sur l'oubli en question, ça va être dur d'avancer dans ma journée.

- Je vais trouver, t'inquiète pas, je soupire en remarquant le regard dubitatif que Jarvis pose sur moi depuis le fauteuil du balcon à Mika.

C'est rare que Mila ou son père soient levés avant moi, je suis souvent la première, mais ce matin c'est encore différent. Quand j'ai posé mes pieds sur le sol au bord du lit, le soleil n'était même pas encore levé. J'ai dû passer 15 bonnes minutes à m'extraire délicatement des bras de Mika, qui a pris l'habitude de s'endormir contre moi pendant qu'on parle le soir, et 5 minutes supplémentaires à remplacer ma présence par deux coussins. Il va probablement râler quand il va se réveiller seul, mais c'est pas grave, il était crevé, j'allais pas le faire lever juste parce que je n'arrivais plus à me rendormir.

Ça devenait vital que j'aille poser sur le papier tous les trucs qui me tournaient dans la tête, avant qu'ils ne finissent par disparaître. Et même en m'étant levé exprès, j'ai réussi à en oublier un.

- Tant pis, je finis par soupirer doucement, en lâchant mon crayon sur la petite table de jardin de Mika. Petite pause, je laisse ma tête reposer contre le mur derrière moi, ça va revenir tout seul.

Y a même pas la satisfaction habituelle de quand j'ai fini de tout noter dans mes carnets. D'habitude, une fois que je sais que tout y est consigné, je réussis enfin à me détendre. Là, y a ce truc qui me manque, ça me stresse, c'est comme si j'avais rien noté du tout.

- Tu veux bien venir sur mes genoux ? Je tends mon bras à Jarvis, avant d'attraper mon téléphone. C'est trop joli le reflet du soleil, on peut faire une photo tous les deux.

Je sais pas réellement depuis combien de temps j'avais laissé de côté toute une partie de moi, mais les carnets, l'organisation, poster mon quotidien sur mon compte Insta, ça m'avait manqué. J'ai été débile de croire que rien de tout ça ne pourrait être compatible avec ma vie près de Mika et Mila, parce que ça l'est, il nous fallait juste un petit peu de temps pour s'équilibrer.

- Allez Jarvis, je rigole doucement quand il détourne la tête, juste une promis.

Il me détaille en silence pendant plusieurs secondes, avant de finalement sauter sur le rebord du petit canapé pour venir se glisser dans ma nuque, couché sur le dossier.

- Merci, mon sourire s'élargit, tu poses en plus et tout, je caresse doucement l'espace entre ses oreilles.

Ça ne me prend qu'un seul essai pour obtenir la photo que je voulais : assise encore en pyjama sur le balcon, face au soleil, les yeux fermés pour profiter de la chaleur sur mes paupières, et Jarvis avec moi comme ça a toujours été.

Eidos · Deen BurbigoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant