Chapitre 33

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Romy

Depuis qu'il est rentré dans ma vie, je ne fonctionne même plus normalement. La plupart des pages de mes carnets sont à moitié remplies, je fais l'impasse sur certaines tâches alors que ça m'aurait empêché de dormir y a quelques mois, et le pire, le pire, c'est ce que je suis en train de faire actuellement.

Je fuis. J'ai peur, je stresse, je fuis. Encore une fois.

Après avoir fui le lendemain de notre première fois, je viens de réitérer, exactement de la même façon : j'ai utilisé Lara comme excuse pour partir jeudi. Sauf que je ne suis pas aveugle ni débile, j'ai bien vu cette fois qu'il avait compris. Silencieusement, en tout cas si on compte pas son soupir, il a accepté de me déposer chez Lara, sans que je lui dise quand je reviendrai.

Je pensais qu'il allait protester, ou au moins insister 10 fois pour que je lui donne une date, une heure et un lieu précis, mais il a juste fait demi-tour. Ça me fait encore plus peur, parce que je sais qu'il est fâché. Ou au moins déçu.

Et je ne viens que d'empirer les choses en utilisant Adeline comme excuse pour étendre mon absence. Parce que je suis toujours pas prête, pas encore.

- Ça rime à rien, je retiens mes larmes de plus en plus difficilement depuis tout à l'heure, assise sur le canapé du bureau d'Adeline, les genoux contre ma poitrine.

Je l'ai vu dans ses yeux à elle aussi, quand j'ai débarqué hier ici : la déception. J'ai pas eu besoin qu'elle le dise pour le comprendre, elle m'a détaillée comme si je venais me réfugier dans ses jupons après un cauchemar, comme une enfant. Sauf que j'ai 28 ans, j'ai logiquement l'âge de gérer mes problèmes seule, et j'ai accessoirement promis à l'homme dont je suis amoureuse que j'étais prête à vivre quelque chose de sérieux avec lui, et de m'occuper de sa fille.

Ça donne super bien pour l'instant, suffit de voir dans quel état je suis.

C'est cette peur-là qui m'habite depuis presque une semaine. Je suis tétanisée à l'idée que Mika ait l'impression que je ne suis pas prête, que je lui ai menti. Le problème, c'est que moi je sais que je suis prête, que je veux la même chose que lui, peut-être juste pas à la même vitesse.

Mais est-ce qu'il serait prêt à ralentir ? J'ai pas l'impression. Il est toujours là à me pousser à dire les choses, à agir sans trop réfléchir, et ça me plaît, juste pas tout le temps. C'est pas moi, je suis pas comme ça. Je suis prête à faire des concessions pour le voir sourire, pour qu'il soit heureux, mais jusqu'à une certaine limite que je crois qu'on a dépassée en Kabylie.

Je ne reviendrai pas sur ce que je lui ai dit, je ne veux que lui, mais j'ai aussi besoin de temps et de réflexion, juste de quoi assimiler, et il est tellement impatient et spontané qu'il ne me le laisse pas.

- Je peux pas, je ferme les yeux, laissant s'échapper une larme le long de ma joue.

Quand la porte du bureau s'ouvre, j'ai à peine le temps d'essuyer ma peau du bout des doigts, que deux paires d'iris grises se posent sur moi presque en même temps.

- Romy ? Lili fronce les sourcils, Michka dans les bras. Qu'est-ce que tu fais là ?

Problème suivant sur ma liste : Lili.

- Je suis venue voir Adeline, je sors mon meilleur sourire, je savais pas que tu devais la voir aussi, je vous laisse.

Je me doutais que mon mensonge ne passerait pas, j'ai parfaitement entendu les descriptions que les gars font de Lili : trop perspicace, trop intelligente, impossible à contourner. C'est sûrement pour ça que ses yeux ne me lâchent pas une seconde quand j'attrape mon sac avant de me lever.

Eidos · Deen BurbigoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant