Chapitre 34

949 88 9
                                    


Mikaël

Je pensais pas un jour m'extasier devant des pots de peinture et des cadres photos. Miskine pour oim, ce jour-là est arrivé. Assis sur le canapé de la vieille chambre d'amis qui sert pas, je laisse mon regard se perdre sur l'amas de matériel de bricolage que j'ai entassé là depuis une semaine.

Une semaine où elle n'a rien remarqué, une semaine où j'ai dû la voir attendre un effort de ma part, une semaine où j'ai dû me répéter 1000 fois que ça allait venir, fallait juste patienter jusqu'au week-end.

Je suis pas le genre à faire des petits pas, à avancer progressivement. Pour commencer un nouveau truc, j'ai besoin d'un grand changement. Je veux montrer à Romy que j'ai capté ce dont elle avait besoin, que je suis prêt à sortir de ma zone de confort.

Quand elle m'a appelé l'autre jour, pour qu'on se retrouve au studio, ça me fume, mais j'ai pas assez cru en nous. J'étais vénère parce que je me suis dit que si elle avait fui à nouveau, c'était parce qu'elle s'était rendue compte qu'elle voulait pas de moi assez pour continuer, qu'elle voulait pas assez de moi pour envisager des trucs plus sérieux.

Elle m'a remis à ma place, j'ai cru que j'allais m'étouffer quand elle a haussé le ton.

- C'est bon frère, Eff entre à nouveau dans la pièce, pinceaux à la main. Par contre, t'es sûr que tu veux pas qu'on appelle Hakim ou Id' je sais pas, mais wesh, je vois mal comment on aura fini avant qu'elles rentrent.

Ma réelle question c'est : comment j'ai pu être assez con pour douter de Romy ?

Comme la pire des merdes, je me suis pas rendu compte des efforts que je lui demandais depuis le début. Être franc, direct, entreprenant, c'est mes bails, pas les siens. Elle me suit sans relâche, je suis même pas capable de faire la même en retour. Elle m'a répété 1000 fois qu'elle avait besoin de temps, même juste un peu, et j'ai jamais écouté.

- Eff j'te jure que j'suis passé à ça de la connerie suprême, je soupire en plongeant mon visage dans mes mains. J'me serais tiré une balle si elle m'avait quitté.

Je suis obligé de remonter mes yeux vers lui quand je l'entends ricaner.

- Fais pas genre, il lâche quand je hausse les sourcils, elle est sur oit autant que t'es sur elle. Ça arrive en plus, il pose les pinceaux sur la table avant d'ouvrir le premier pot de peinture. Tu t'es laissé porter par ce que vous aviez, parce que pour toi c'était confortable, y a pas de mal à avoir raté qu'à elle, ça lui allait pas, tant que tu le remarques à un moment et que c'est pas trop tard. Un mec bien con, il relève la tête vers moi, elle lui aurait gueulé dessus pareil que sur toi, mais au lieu de se remettre en question, il serait resté sur son avis. Toi nan.

- Vas-y, je souffle en me levant, je kiffe pas le mood, c'est pas oim. J'vais lui faire plaisir, je retire mes pompes avant de m'approcher des pots de peinture, et on aura fini la chambre avant qu'elle et Mila rentrent.

J'ai capté quand on est rentré du studio, elle et moi. Je suis parti poser ma veste dans la chambre, et je sais pas, ça m'a frappé. Ça devrait être notre chambre, à tous les deux, mais jusqu'ici, ça a pas été autre chose que la mienne, ma chambre. J'ai choisi la couleur des murs en fonction de moi, les meubles en fonction de moi, la déco en fonction de moi, même l'odeur des draps et des vêtements en fonction de ce qui me plaisait.

C'est fini. Je sais à quel point c'est une pièce importante pour Romy. Même si ça me troue le cul, elle m'a dit et redit à quel point le mood de sa chambre quand elle était encore avec Jules lui plaisait. Simple, calme, douce, mais stylée, c'est comme ça que Ken a décrit la pièce quand je lui ai demandé. J'y suis jamais allé, je pense pas que ce soit une bonne idée, l'appart finirait autant pété que la face de l'autre bâtard s'il avait le malheur de s'y trouver.

Eidos · Deen BurbigoWhere stories live. Discover now