Chapitre 7

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Référence à Nouveau Souffle : Chapitre 39, scène 3, pdv Mikaël

Romy (22 octobre 2022)

Calme, posée, c'est les mots que tout le monde autour de moi utiliserait pour me décrire. Je perds jamais mon sang-froid, c'est pas mon genre, je sais à quel point ça peut être utile d'être réfléchie et détendue. Mais là, ça dépasse tout ce que j'ai pu voir auparavant chez une adulte censée. Chacune de ses actions me met dans un état de colère que je n'ai pas l'habitude de ressentir, et plus les jours avancent, plus je la trouve puérile.

J'avais réussi à organiser une visite pour les enfants dans un petit château privé de Paris, château qu'on avait pu voir dans une des histoires que je leur ai lues, et Julienne a tout fait tomber à l'eau. Elle a pas eu besoin de plus qu'un appel téléphonique, passé à ma place, pour que je reçoive un SMS de la propriétaire, qui m'annonce à quel point elle est déçue qu'on ne puisse finalement pas venir, mais qu'elle a quand même réussi à trouver quelqu'un intéressé par le créneau de notre visite.

Ça me dégoûte. J'ai passé au moins 5 soirées entières, assise à la table du salon, à leur préparer un petit parcours dans le château, en lien avec le conte qu'on a lu, 5 soirées à écrire sur mes petits cartons des indices à dissimuler un peu partout, avec au moins un personnalisé pour chaque élève, que ce soit sur les mouvements de danse pour Louise, les différentes espèces de coquillages pour Thanos, les joueurs de foot pour Corentin, ou les légendes sur les licornes pour Mila. Ils étaient parfaitement rangés dans ma petite boîte, prêts à être cachés dans le château la veille.

Et juste parce qu'elle, elle ne fait rien pour ses élèves, elle s'est dit que pour remettre les choses sur un pied d'égalité, c'était ma visite qu'il fallait saboter. Pour une fois, j'ai des envies de meurtre. Ils sont déjà au courant en plus, je leur avais déjà dit où on allait, ce qu'on allait y faire. Maintenant, va falloir que je leur dise qu'au final, on y va pas.

Rien que d'imaginer leurs visages déçus, ça me donne envie de retourner m'enrouler sous la couette.

- Le truc Julienne tu vois, je pose mes doigts sur la grille en métal, un léger sourire aux lèvres, c'est que je suis toute douce et gentille à l'extérieur, mais va falloir éviter d'empiéter sur mon territoire trop longtemps.

Je donne souvent cette première impression aux gens : Romy est trop gentille, Romy se laisse faire. Croyez ce que vous voulez, puis une fois que vous toucherez à ce que j'aime, ce sera différent. Y a une différence entre être avenante, et permissive.

- Romy ? Je relève la tête quand mon prénom résonne dans la cour d'honneur, de l'autre côté des barreaux. Eh bien, mon vieux professeur rigole tout seul, si je m'attendais à te revoir de sitôt !

- Bonjour, je peux pas retenir mon sourire en refermant la grille derrière moi, vous allez bien ?

En hochant la tête vivement, il entoure mon bras du sien avant de me traîner le long du cloître.

- Moi ça va, il lâche, tu sais bien que tant que je reste entre ses murs, le temps s'arrête pour moi.

C'est la légende ici : M. Horonce ne mourra pas tant qu'il ne posera pas un pied en dehors de la Sorbonne. Mais c'est juste une jolie histoire pour lui faire oublier qu'il aura bientôt 82 ans, c'est le seul qui traîne encore ici à son âge.

- Et toi petite Romy ? Il me sourit en posant ses livres dans mes bras, pour ouvrir la porte de son bureau. Enfin, il soupire, tu n'es plus trop petite aujourd'hui.

Eidos · Deen BurbigoDonde viven las historias. Descúbrelo ahora