Chapitre 21

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Romy

J'aurais clairement préféré rester avec Jarvis dans la chambre, rester tranquillement sur le lit avec lui à nier l'évidence. Et l'évidence, c'est que la probabilité que le rendez-vous avec Jules se passe bien diminue de plus en plus avec chaque minute qui passe.

Mon carnet, que je trimballe dans mon sac depuis tout à l'heure, a au moins une dizaine de pages noircies de tout ce qu'il faudrait aborder, de tout ce qu'on a à gérer Jules et moi, mais pas que. Il est aussi noirci de beaucoup de questions que je me pose depuis plusieurs jours, auxquelles je n'ai pas la réponse.

Ou plutôt, auxquelles je n'ai pas encore eu le courage de donner de réponse. Parce que j'ai les réponses, y a juste une différence entre les savoir, et être capable de les sortir à voix haute.

Aller au rendez-vous avec Jules, c'était déjà compliqué rien que sur le principe. Aller au rendez-vous en sachant que j'ai du mal à penser à autre chose qu'à Mikaël, c'est encore pire. En quelques jours à peine, il a réussi à prendre sa place dans chaque petite sphère de ma vie, sans me brusquer, juste naturellement.

Et Mila tout pareil, ce serait idiot de vouloir le nier. Ce que j'ai ressenti en étant couchée devant la télé avec elle, à caresser ses cheveux, ce que j'ai ressenti quand elle était contre moi à la patinoire, ce que j'ai ressenti quand on a enchaîné les jeux de société avec son père après être rentrés chez eux, je peux pas l'expliquer.

Donc oui, je me doute très largement que c'est trop tard, que je ressens déjà beaucoup trop de choses pour lui, je sais juste pas si j'aurais le courage de dire à Mikaël que, tout comme lui, c'est trop tard pour que je fasse demi-tour. Ça implique vraiment une infinité de conséquences, et j'ai pas réussi à toutes les consigner dans mon carnet.

Mais je crois que le reste est clair, la priorité qu'il a fixée, Mila, c'est clair à mes yeux : je suis prête à être là pour elle aussi, c'est de toute façon impossible de les dissocier tous les deux, juste inimaginable.

Il restera juste toujours ce petit doute, celui qui me dit qu'on va vite, qu'on risque peut-être de tout briser, et qu'on ne sera pas les seuls à en payer le prix. Mais si j'attends que le doute disparaisse complètement, je sais que je n'agirais jamais, je suis trop du genre à me prendre la tête pour ça.

- Rom' ? Ma main se resserre autour de la lanière de mon sac quand la voix de Jules sonne dans mon dos.

Il me faut toute ma patience et mon sang-froid pour me retourner et afficher une mine neutre, mais j'arrive clairement pas à la maintenir quand je remarque le bouquet qu'il a entre les mains, et son bras qu'il s'apprête à glisser autour de mes hanches.

- Jules non, je recule d'un pas, non.

C'est clair, le sentiment qui se propage en moi est précis : son geste me dégoute, la seule personne à laquelle je pense, c'est Mika. Je savais que venir aller être dur, je pensais pas que ça me donnerait envie de pleurer. J'ai toujours du mal à réaliser comment j'ai pu passer de ce que j'avais avec Jules, à ce que j'ai avec Mikaël.

- Pardon, il me tend le bouquet en souriant, je voulais pas aller trop vite, mais tu es trop belle, tu m'as manquée.

Chaque mot me donne une profonde envie de chercher les toilettes les plus proches pour ressortir le petit-déjeuner que j'ai pris avec Thanos. Mais j'ai pas le droit de rater ce que je suis censée faire ce matin, c'est-à-dire être clair avec Jules, pour avancer moi, avancer avec Mikaël, avancer avec Mila.

- C'est pas une question d'aller trop vite Jules, je lève les yeux vers lui, tu n'as plus le droit d'avoir ces gestes-là avec moi, que ce soit maintenant ou dans 20 minutes.

Eidos · Deen BurbigoWhere stories live. Discover now