Eidos · Deen Burbigo

Chapitre 23

Romy

Je suis dans ses bras. Je suis dans ses bras, y a le soleil qui filtre à travers les stores de sa chambre, et les rayons tombent sur ses épaules et son cou, la seule chose que j'ose regarder depuis que je suis réveillée. Parce que je sais qu'il est réveillé aussi, son pouce caresse le bas de mon dos depuis une bonne dizaine de minutes. Je ne pourrais même pas décrire la façon dont mon estomac s'agite quand je me mets à réaliser où je suis, avec qui, et dans quelles circonstances.

Si j'avais été toute seule, je me serais levée, j'aurais sorti mes carnets, et j'aurais tout noté pour y voir plus clair. Là, il a ses bras autour de moi, ça m'empêche de réfléchir correctement, j'ai pas les idées claires. Y a beaucoup trop de choses qui tournent en boucle dans mon crâne : la soirée d'hier, notre conversation, son corps contre le mien, l'interruption de Mila, le bisou qu'elle a voulu avant de dormir.

Et beaucoup plus encore : la compétition de patinage, Jules, Lili. J'ai menti quand j'ai dit à Mikaël que je ne pensais qu'à lui, y a aussi Lili qui occupe une partie de mes pensées. Je suis simplement débile, j'ai rien vu venir depuis le départ : ses cheveux roux, ses yeux gris, son tempérament, sa maladie, tout ce qu'Alya m'a dit sur elle, ses deux meilleurs amis imaginaires. J'ai rien vu, il a fallu qu'elle me dise clairement qu'elle a passé des années au centre avec Alex pour que je comprenne.

J'ai pas eu le courage de lui dire l'autre jour, pas eu le courage de lui dire que c'est moi la grande sœur qui a laissé son petit-frère seul loin de tout, loin de Lille, sans jamais oser m'opposer au choix de mes parents. Qu'est-ce qu'elle aurait eu à répondre à ça ?

- Tu veux pas me dire au lieu de te torturer l'esprit ? L'entièreté de ma peau se couvre de frissons quand la voix rauque de Mikaël sonne près de mon oreille.

Et toutes les sensations que j'essayais d'ignorer me reviennent en plein dans la face quand je sors de mes pensées : sa peau contre la mienne, sa chaleur, sa barbe contre mon oreille, mon cœur qui bat bien trop fort, les picotements dans mes joues.

- T'as peut-être d'autres trucs à penser, j'enfouis mon visage contre lui, pas besoin que je te rajoute mes problèmes. Tu gères les tiens, et ceux de Mila déjà.

Du bas de mon dos, sa main passe à ma nuque.

- Je me débrouille de mes blems ouais, ceux de ma tipeu aussi, il pose son menton dans mes cheveux, maintenant je kifferais que ma go me laisse l'aider avec les siens. J'suis là pour ça Romy.

J'ai l'impression que chaque petite cellule de mon visage vient de bouillir en entendant ce qu'il vient de dire. Je suis dans les bras de mon copain. Mikaël, mon copain. Après des semaines à se tourner autour, ça sonne enfin réel et concret.

- C'est un peu compliqué à aborder, je soupire, on peut y aller petit à petit ?

- Ouais, ses doigts descendent sous le col de mon t-shirt avant de remonter doucement, à ta vitesse. J'veux juste que tu t'appuies sur moi dès que t'as besoin, dès que c'est trop pour toi seule.

J'ai envie maintenant, de relever les yeux, de voir son regard rassurant, de caresser sa barbe.

- Salut, sa voix rauque me termine quand nos regards se croisent, bien dormi ?

Même à une question aussi simple, c'est dur de répondre en voyant la façon dont il me regarde. C'est même pas réaliste que j'ai pu nier ce qu'il y a entre nous pendant aussi longtemps.

- Salut, je peux pas m'empêcher de me mordre la lèvre quand je viens caresser du bout des doigts sa barbe.

- Ma question Romy, il se redresse pour nous asseoir contre la tête de lit, moi à califourchon sur ses genoux. Même plus je te laisse éviter maintenant, c'est terminé ça.