Chapitre 36

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Romy

- Miaule pas s'il te plaît, j'intercepte le regard de Jarvis, couché sur le lit de Mikaël. Je te promets que ça va.

Debout devant le miroir, j'ai juste à choisir une tenue pour la journée, avant de filer à la douche. Pourquoi j'y arrive pas ? Parce que Alya et Lili viennent de proposer à Inès de lui prêter des vêtements de grossesse sur le groupe WhatsApp, et que moi, devant la penderie que je commence doucement à partager avec Mika, j'en ai aucun. J'ai beau avoir plusieurs années de plus qu'elles, j'ai rien à prêter à Inès. Et ce qui aggrave la douleur au point que j'en sois à serrer le bord du miroir, c'est de me dire que j'aurais probablement jamais rien à leur prêter pour leurs grossesses.

Je sais le gérer, je peux contenir la douleur, je l'ai toujours fait et ça changera pas. Mon problème, c'est plutôt que Jarvis n'a pas l'air du même avis, et je vois bien que malgré son aversion pour Mika, il n'hésiterait pas trop longtemps avant de sauter du lit pour aller miauler dans ses pattes.

- Fais pas ça s'il te plaît, je murmure en le voyant détailler avec intérêt la porte de la chambre. Ça va aller, je te promets.

Ça me vaut un regard sceptique, et au lieu de se rallonger comme il en a l'habitude, il reste assis sans bouger. J'ose même plus rester trop longtemps face au placard, j'ai trop peur qu'il parte en vitesse une fois mon dos tourné.

C'est juste mieux que je le garde pour moi, c'est pas à Mika d'abandonner son puzzle avec Mila pour venir me consoler sur le fait que mon corps ne fonctionne pas comme il devrait. C'est pas sa faute, c'est pas son rôle, c'est mon problème. Ce matin en plus, Mila a débarqué avec un énorme sourire aux lèvres dans la cuisine, parce que je lui ai promis d'aller avec elle voir les animaux aux parcs, et j'ai aucune envie de gâcher ça en laissant briller au grand jour toute la boule d'émotions négatives que je garde en moi.

- La bleue ? J'essaie de contrôler les tremblements dans ma voix quand je lève le premier cintre en direction de Jarvis. Ou la beige ?

Même si, effectivement, mon chat n'a pas le meilleur caractère, je mentirais si je disais que c'est pas mieux maintenant qu'il est là. Il embête Mika à longueur de journée, il suit Mila dans le jardin le reste du temps, mais il est là quand même, et ça me soulage d'une certaine manière.

Mais Mikaël ne s'est pas contenté de le ramener, lui et sa gamelle. Il a acheté un arbre, une panière, des croquettes, une brosse, et y a déjà la moitié de tout ça qui traîne un peu partout dans l'appart. Et je le connais, je sais ce que ça veut dire : il part du principe que Jarvis va rester ici, ce qui implique qu'à terme, moi aussi. Il ne l'a pas mentionné à nouveau depuis la naissance des jumelles, je sais qu'il attend que je le fasse pour respecter sa promesse d'aller à ma vitesse. Ça ne m'empêche pas de stresser, stresser à l'idée de ne plus avoir un seul moment à moi seule, que ce soit pour mettre à jour mes carnets, lire tranquille au lit, ou juste faire ce que je fais actuellement : gérer mes émotions.

Je veux même pas imaginer ce qu'il dirait s'il me voyait là, devant le miroir, à pleurer toute seule avec pour seul réconfort Jarvis.

- La bleue, je murmure avant de reposer la robe beige, je veux la bleue.

Plus je passe du temps à la chambre, plus il y a des chances qu'il remarque. C'est pour ça qu'après avoir récupéré ma trousse et mes vêtements propres, je traverse le couloir jusqu'à la salle de bain en trottinant, avant de commencer à refermer la porte derrière moi.

- Papa ! Le rire de Mila résonne depuis le salon, bientôt suivi de celui de Mika. On fait le puzzle, pas la guerre des chatouilles !

Et c'est plus fort que moi, je peux pas m'empêcher d'appuyer ma tête contre le montant de la porte en attendant que Mika lui réponde.

Eidos · Deen BurbigoWhere stories live. Discover now