Chapitre 10

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Je reprends le chemin du travail après un week-end riche en émotion.
Je me saisis de ma tasse de café pour rejoindre mon patient. Je suis à la fois perturbée et empressée de le retrouver. J'ai du mal à relier les deux émotions, j'ai l'impression d'être divisé en deux entités opposées.

J'ouvre la porte, il est torse nu, il fait ses exercices physiques. Je l'observe. Il continue sans lever le regard, il termine, je lui tends sa serviette.  Il me sourit avec arrogance. Il s'approche de moi, je reste à ma place. Il est grand, sans mes talons, il me dépasse de deux têtes.

— Tu as passé un bon week-end Hailey?
— Oui et toi Sean?
— Tu me tutoies?

Il sourit mais un sourire authentique. J'y réponds naturellement, c'est la deuxième fois qu'il produit cet effet sur moi.

— Un week-end bien ennuyant quand tu n'es pas là.
— Tu aimerais que je travaille même le dimanche?
— Non que tu viennes par plaisir même le dimanche
Je hoche la tête.

— À partir de quel âge as-tu détecté tes troubles émotionnels?
— Neuf ans.
— Comment as-tu réagi?
— Comme tout bon sociopathe, j'ai fait semblant.
—Tu as calqué les émotions des autres?
— J'ai imité chaque émotion qui m'a été utile pour me fondre dans la masse.

Je viens de réaliser que je n'ai pas regardé son évaluation psychologique. Il sent mon trouble.
Il se rapproche de moi, je recule jusqu'à toucher le mur. Il continue de s'approcher et se colle à moi, mon cœur bat la chamade. Il baisse sa tête et ses lèvres touchent les miennes, elles s'emboîtent parfaitement. J'ai du mal à réaliser ce qui est en train de se produire.

Le baiser devient impatient, fiévreux. Il force le passage de ma bouche, sa langue s'enroule à la mienne. J'y réponds, nos langues se cherchent, se découvrent, des milliers de frissons me parcourent, j'émets un gémissement. Je le tire vers moi, il se colle plus à moi. Je reprends mes esprits et le repousse.
Je le regarde complètement abasourdie, ma respiration est saccadée, mon coeur tambourine dans ma poitrine. Je cours et quitte cette pièce.

Je n'arrête pas de penser à son baiser, je n'arrive plus à me concentrer sur mon travail.

Je sors son évaluation psychologique. Les tests pour les troubles de la personnalité antisociale ont été effectués par un médecin réputé. Le test DSM-IV a identifié des troubles de ​la personnalité antisociale chez Sean.
Je regarde les réponses aux différentes questions. Il répond de façon à entrer dans chaque case de la sociopathie. Ce test relève chez Sean, une tendance à tromper par profit ou par plaisir, un mépris pour autrui,une absence totale d'empathie ou de remords. Je suis pontoise quant au résultat de cette analyse psychiatrique. Je referme le dossier.

Son baiser n'arrête pas d'apparaître en pensée intrusive. Je n'essaye pas de la chasser, je risque de développer des troubles compulsifs du comportement. J'analyse cette image, je l'accepte. La crise se calme, je commence à rationaliser ce baiser, comme une erreur à ne pas reproduire.

Je me rends à la salle commune, il est là à sa place habituelle. Je suis happée par cette image de ses lèvres sur les miennes. Il tourne la tête vers moi. Il pense à la même chose que moi, il revit la scène, il détourne son regard.

Je me concentre sur mon collègue Mike, il souhaite obtenir un avis sur sa patiente. Elle a commis plusieurs infanticides par déni de grossesse. Je l'accompagne, elle semble ne souffrir d'aucune pathologie psychiatrique. Les bilans au test de DSM sont normaux. Je suggère à Mike de la faire travailler sur son immaturité psycho-affective,et la négation de sa représentation de son corps et des signaux physiologiques. Je lui conseille également de soumettre la patiente à une ligature des trompes.

Je retourne m'occuper de mon nouveau patient Carl Barton, il est condamné à un enfermement à vie dans cette structure. C'est un dangereux psychopathe et tueur en série, il a violé et tué cinq pauvres femmes, il est en isolement.

Quand je pénètre dans la salle d'isolement. Il porte une camisole, principe de sécurité. Son regard est salace, rien avoir avec les paroles de Sean. Carl Barton est l'incarnation même du mal et de la souffrance. Il ne souhaite pas parler, je reste à le fixer. Il finira par rompre le silence, ils finissent toujours par le faire.

Je rentre chez moi, je dois voir ma seule amie, Charlie. Elle est à l'opposée de moi, joviale, enjouée, on se complète.

— Hailey, il faut absolument que tu nous dégage du temps.
— Je sais Charlie, mais d'ici dix mois, je serai à mon compte et on se verra plus souvent.
— Tu me le promets?
— Oui.
— Comment ça se passe avec Roy? Tu t'ennuies toujours au lit.
Je souris spontanément, elle le remarque.

— Hailey, tu viens vraiment de sourire?
Je lui mets une tape.

— Alors Roy?
— La routine.
— Il faut vraiment que tu décoinces ce petit minois. Il faut te lâcher. La Hailey de mon enfance me manque.

Je baisse le regard, je n'aime pas repenser à cette période.

— Elle n'existe plus.
— Elle existe toujours pour moi.
— Bon et toi avec ton playboy?

Elle se marre et secoue la tête.
— On s'amuse toujours autant si tu vois ce que je veux dire?
— Épargne-moi les détails de tes nuits de folie.
— Ça pourrait te donner des idées ?

Elle éclate de rire, elle m'exaspère. On finit de boire notre verre et je rentre. Roy est déjà endormi, je suis soulagée. Mon téléphone sonne, je m'isole dans mon bureau et ferme la porte.

— Allo Hailey.
— Sean. Je vais finir par avoir des problèmes à cause de toi.
— Détends-toi Hailey!
— Me détendre?Je risque ma carrière.
— Tu es une excellente psychiatre, tu retomberas sur tes pattes.
— Tu veux quoi de moi Sean?
— Le baiser ne t'a pas donné un avant-goût.
— Ça ne doit plus se reproduire!
— Ça se reproduira et ça ne me suffira pas!
— Sean ce n'est pas raisonnable!

Il raccroche, je souffle fortement. Roy tape à la porte de mon bureau, j'ouvre et fais semblant de refermer un dossier. Il me tire jusqu'au lit et on se couche. Je me sens mal par rapport à Roy, un autre m'a embrassé et j'ai apprécié.

PSYCHOWhere stories live. Discover now