Chapitre 55

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En prison, à la dernière visite de mon père, j'ai eu comme un flash. Il avait raison depuis le départ, Sean me parlait à coeur ouvert, mais je n'interprétais pas de la bonne manière. Sa façon de parler de son père quand je le sondais sur son enfance. Il a toujours eu des paroles bienveillantes pour sa mère, mais son père...
Alors, j'ai réfléchi encore et encore, mais je n'arrivais pas à mettre la main dessus même après avoir rencontré son père. Je n'y voyais qu'un homme ayant commis des erreurs avec son fils et sa défunte femme. Sean me touche le bras, je me reconnecte à la réalité.

— Qu'est-ce qui s'est passé Hailey?
— Une fausse couche, la nature fait bien les choses.

Je m'effondre en larmes. Avant la fausse couche, il était inenvisageable d'avoir un enfant, mais ensuite, j'ai commencé à accepter l'idée de donner la vie. J'étais allée jusqu'à planifier de l'élever seule.

Il fait des allers et retours, en prenant sa tête dans ses mains, il semble bouleversé, je le regarde aller et venir.

— C'est ma faute Hailey.
— Non, c'est la nature, on n'y peut rien.
— Je suis qu'un putain de cinglé.
— Arrête, je t'interdis de faire ça!

Il se pose devant la fenêtre, il se perd dans ses pensées, sa respiration est lourde.

— Ma mère était une femme aimante, pleine de vie. Elle adorait rire. J'adorais la regarder rire aux éclats. Son sourire était radieux, communicatif. J'avais huit ans quand elle est décédée. Je n'arrivais pas à accepter son décès. J'ai commencé à vriller. Mon père était dépassé. J'ai consulté plusieurs psy avant qu'on lui conseille ton père.

J'étouffe des larmes, il s'ouvre enfin à moi. Je suis émue par ces mots et par ce qu'il est en train de faire. Je l'écoute en silence.

— Ma mère était enceinte de huit mois. Elle a accouché avant terme. Mais rien de bien grave d'après les médecins. Je ne l'ai plus jamais revu vivante après son départ seule à la maternité. Mon père était occupé à baiser tout ce qui bouge. Elle avait besoin de lui! Ce jour-là, j'ai perdu une mère, un petit frère et mon âme.

Je m'effondre de plus belle, je n'arrive pas à garder mon détachement. Je ressens chacun de ses mots. Je me sens connecté à lui.
J'avais besoin de savoir pour trouver comment le guérir. J'ai utilisé une de ses techniques de manipulation. J'ai convoqué son père, j'ai utilisé la seule carte que j'avais entre les mains. Après le départ de Sean, je me suis retirée, son père était surpris que je mette un terme à l'entrevue sans rien en tirer.  Je n'éprouve aucun regret à l'avoir fait.

— Je ne t'en veux pas Sean.

Il s'avance vers moi et me prend dans ses bras, je relâche toute la pression de ces dernières semaines loin de lui, de ma raison d'exister.
Je sens ses bras resserrer la prise.

— Tu veux baiser Hailey.
— Et en langage normal?
— Me pardonner d'avoir été aussi toxique.

Je hoche la tête et profite de ce moment d'accalmie. On finit par se détacher l'un de l'autre. Andréane frappe à la porte.

— Hailey ton rendez-vous est arrivé.
— Bien, donne-moi cinq minutes.
— Bien sûr.

Je me regarde dans le miroir, je ne suis pas belle à regarder. Je me débarbouille à la hâte, pendant qu'il me fixe de ses yeux blessés par ses souvenirs que j'ai fait rejaillir.

— Ne me manipule plus Hailey.
— J'ai besoin de toi Sean.

Il hoche la tête et s'en va.
J'ai dû annuler presque tous mes rendez-vous du matin, je n'arrivais pas à me concentrer, trop bouleversée par Sean.  Ses mots reviennent sans cesse me hanter.  Travailler a été une torture.  Je rentre en milieu de journée, j'ai besoin du reste de la journée pour me remettre de mes émotions.

Je retrouve Sean assis au sol, la tête baissée, je m'avance vers lui, il semble dans un état second. Je l'aide à se relever, j'ouvre la porte de mon appartement, je m'avance, mais il ne me suit pas.
Je le regarde avec incompréhension, il respire fort, ses yeux sont larmoyants.

— J'ai besoin de temps Hailey.
— Tu t'en vas?
— Oui une longue mission.
— Tu reviendras?

Il ne me répond pas, il se dirige vers les ascenseurs et disparaît derrière la fermeture des portes. J'ai encore échoué.

PSYCHOWhere stories live. Discover now