Chapitre 35

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J'ai repris mes marques dans cette unité psychiatrique. Mes talons résonnent dans ce long couloir glauque.  Je travaille avec cinq psychiatres et deux résidents. Le chef de service a changé, sur les cinq psychiatres seulement deux sont restés. Il y a un turn-over, cet endroit est un tremplin dans la carrière des psychiatres.

Ce soir, je suis de garde avec Antoine, un psychiatre qui était déjà là pendant mon stage . Nous mangeons tout en discutant. Il a trente ans, bien sous tout rapport, il me fait clairement du rentre dedans. Je flirte avec lui, un moyen de passer le temps, trois mois, c'est long.  J'ai mis un remplaçant pour mes patients le temps de boucler cette mission. Je fais une ronde, j'atterris devant cette chambre où j'ai découvert le plaisir et la douleur. Je continue ma ronde, le couloir est calme, il n'y a rien à signaler. Je retourne en salle de repos, je lis les comptes rendus de mes patients.

Antoine souhaite m'inviter à dîner, j'accepte. Je ne souhaite pas de relation sérieuse, je n'attends plus rien en retour. Ma vie sentimentale est un désastre, j'attire les hommes déséquilibrés.
Josh était dans le même registre que les autres. Il menait une double vie,  marié avec un enfant et accro au jeu, je n'ai rien vu venir.

Il faut que ça cesse, cette confusion émotionnelle. Je n'arrive pas à délier les deux. Je devrais rester objective, rationnelle dans une relation . Je finis par me soumettre à eux, d'une façon ou d'une autre.

Les jours passent à une lenteur excessive.
Je m'occupe d'une dizaine de patients, je gère cinq patients que je suis assidûment. Puis, je supervise les patients d'un résident. Je soigne un Tdi, trouble dissociatif de l'identité qui me donne du fil à retordre. Il possède quatre personnalités différentes, diamétralement opposées l'une à l'autre. Je le traite par une psychothérapie associée à des anxiolytiques. Deux de ses personnalités présentent une dépression sévère.
Je commence à associer chaque personnalité. Une des quatre personnalités me déteste, il souhaiterait me voir morte.

Je garde mon détachement , imperturbable, je ne perds pas contenance. Dans cette unité, mes faiblesses émotionnelles sont canalisées, je reprends ma posture de psychiatre sûre d'elle et de ses qualifications.

Je foule ces couloirs depuis deux mois, j'ai repris mes marques, je me sens dans mon élément. Les autres médecins demandent mon avis pour les évaluations psychologiques de leur patient.
Je les initie aux différentes psychanalyses comportementales.

Depuis peu, je fais venir des chevaux . J'ai mis en place l'équithérapie. Cette thérapie vise différentes pathologies et difficultés psychiques dont la dépression, les désorientations, les tocs etc. Le cheval est utilisé en tant que médiateur.

Antoine est au petit soin pour moi. Nous ne sommes pas ensemble, nous jouons de cette ambiguïté . Au travail, il est dans la retenue, je ne m'en plains pas.

Je n'ai eu aucune nouvelle de Sean. J'ai l'impression d'avoir oublié son visage, il est comme masqué par une brume, j'en devine les contours.
Je ne souffre plus, j'ai accepté . Deux ans que nos chemins se sont malencontreusement croisés dans ce sinistre endroit. J'ai essayé de traiter ses psychoses, mais ce que j'ai obtenu est une dépendance affective.

Les agents du FBI m'ont contacté pour leur faire un compte-rendu de ma couverture. Je n'ai rien à signaler, je ne joue pas de rôle, je fais simplement mon travail.
Les agents m'ont envoyé ma paye, un chèque assez conséquent. Je ne savais pas que l'infiltration payait aussi bien.

Un mois est passé, les agents du FBI m'ont contacté pour me dire que Sean allait être transféré aujourd'hui dans cette unité. Je ne sais pas ce que je ressens, j'ai toujours cette double étiquette qui me colle à la peau. J'ai à la fois hâte de le revoir et anéantie.

Il a un tel détachement vis-à-vis de moi. Habituellement, les sociopathes mettent tout en œuvre pour vous attirer dans leurs filets. Il ne fait rien de tout ça, il ne fait absolument rien.

Je me rends au staff, je parle de mes patients, je reprends plusieurs fois le résident que je supervise . Il se trompe dans les différentes pathologies, le niveau a bien baissé dans la sélection. C'est autour du cas Sean Millers, je pose mon veto. Il a été mon patient, personne ne voit d'objection. Sauf Antoine, je note une pointe d'agacement.

Je me rends dans sa chambre, il lui a été attribué une chambre dans un recoin. Il est à l'écart des autres, je pense que ce désir d'éloignement est une volonté personnelle de Sean.
Je frappe à sa porte .

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