« chapitre cinquante et un »

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Riley est sur les genoux, à même le sol, les mains collés contre ses oreilles. Elle a cessé d'hurler, ce fut bref mais terrifiant. Elle se contente désormais, dans le but de s'apaiser, de se balancer sur elle-même. Alerté, le groupe sort bien vite. Ils s'approchent à grandes enjambés vers le couple. Rayan arrive en courant jusqu'à eux. Il se laisse glisser près de sa soeur, la serrant instinctivement contre lui, la berçant quelques secondes.

«-Regarde moi Riley. C'est moi, regarde, Riley. »

Carol va voir Daryl qui est resté à l'écart après que Riley l'ait repoussé aussi brusquement. Il ne montre aucune émotion, mais à l'intérieur de lui, le fait qu'elle le repousse comme cela, lui fait plus de mal qu'il n'aurait voulu. Rayan voulu prendre sa soeur dans ses bras pour la porter mais celle-ci le repousse exactement comme pour le chasseur. Elle se remet difficilement sur ses jambes et part finir le tour du lac qu'elle avait commencé. Mais au lieu de le terminer, elle s'installe sur un vieux banc en bois surplombant une petite colline et donc toute la propriété. Malgré tout, cet endroit avait vraiment quelque chose de magique. Et elle aurait aimé que Sophia puisse voir ça, qu'ils retrouvent ce qu'ils avaient à la ferme.

Elle s'y installe en tailleur, une nouvelle clope au coin des lèvres. Elle reste ainsi, sans bouger, pendant plus de quatre heures, le ciel est devenu gris, le brouillard s'est levé, la température est redescendue. L'hiver approche à grands pas. Riley réajuste sa veste sur ses épaules et rallume pour la énième fois une cigarette, elle n'a fait que ça. Tellement préoccupée, totalement perdue dans ses pensées, elle ne remarque pas la personne qui vient tout juste de prendre place à ses côtés, Beth.

«-Tu sais, je l'aimais beaucoup aussi cette gamine. Elle avait une certaine joie de vivre hors-norme, un peu comme Bob mais en plus enfantine bien-sûr. Bob est mort, Sophia est morte, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut baisser les bras. Au contraire, il faut te relever et te battre encore plus, pour elle, pour tout ceux que nous avons déjà perdu, il faut que tu continues de te battre, pour qu'ils ne soit pas morts pour rien. Rendons leur hommage en survivant le plus longtemps possible. Montrons leur que nous allons survivre jusqu'au bout, pour eux, pour qu'ils soit fiers de nous. »

Riley ne répond rien au petit monologue de la blondinette. Beth soupire en ne voyant aucune réaction de la part de sa soeur. Elle se contente de déposer un baiser sur sa tempe et de lui piquer une cigarette qu'elle place au coin de ses fines lèvres avant de l'allumer avec le briquet que lui tend Riley. Elles restent assises pendant encore quelques petites heures, à fixer le vide, à fumer, silencieusement. La nuit est dorénavant tombée, Beth se lève, prête à rentrer.

«-Tu viens Riley? Demande-t-elle alors que Riley lui répond par un simple hochement de tête négatif, rapproche toi au moins un minimum de la maison, va t'installer sur la balancelle. S'il te plait, insiste-t-elle et voyant le peu de motivation de son amie elle insiste, allez, viens, reprend-t-elle en tendant sa main.»

Riley souffle mais saisie tout de même sa main. Elles retournent aux abords de la maison, Riley lâche la main de son amie et retourne s'assoir sur la balancelle en face de la tombe de la jeune fille, pendant que Beth rentre au chaud dans la maison.

«- Tu ne l'as quand même pas laissé toute seule là haut? Lui demande aussitôt Daryl en se levant du canapé.
-Non Daryl, je ne suis pas inconsciente à ce point, j'ai réussi à la ramener près de la maison, elle est sur la balancelle.
-Je vais lui apporter une couverte et de quoi manger, répond-t-il alors que Beth le stoppe dans son élan.
-Soit doux avec elle Dixon, elle est vraiment pas au meilleur de sa forme. Un rien peut la faire pleurer voire la faire hurler, comme tantôt. Soit pas agressif, soit doux comme un agneau, termine-t-elle en le dépassant pour aller s'assoir à son tour sur le canapé. »

Daryl semble réfléchir, puis, saisissant la couverture ainsi qu'un paquet de bonbons et deux de cigarettes, il sort de la maison en souhaitant une bonne nuit à tout le monde. Son pouls accélère aussitôt en découvrant la balancelle vide. Il fait le tour de l'immense maison et la remarque assise dans un petit kiosque à l'arrière de la bâtisse. Il distingue de vieux oreillers recouvrant le sol alors qu'il avance sur un petit ponton pour la rejoindre. Il s'approche doucement avant de prendre place à ses côtés et de se mettre, lui aussi, à fixer le reflet de la lune dans l'eau.

«-Ça devait être une maison de bourge, fit Daryl afin de briser le silence de plomb qui règne.
-Mhlh, répond-t-elle avec un léger haussement d'épaules.
-Pourquoi t'es comme ça?
-Sophia est morte.
-Mais Sophia n'était pas ta fille, ni ta soeur, ni rien du tout, alors explique moi pourquoi sa mort te fait limite plus de mal qu'à sa propre mère? Demande-t-il sur un ton quelque peu agressif.
-J'te demande pardon? S'offusque-t-elle en haussant un sourcil.
-Je sais que t'aimais beaucoup cette gamine, mais c'était pas ta fille, ni ta soeur, ni un membre de ta famille, vous n'étiez pas liés par le sang, alors pourquoi tu réagis comme ça? Pourquoi sa mort t'affectes a ce point? Même Carol à déjà essuyé ses larmes en voyant le positif pour sa petite fille, elle est mieux où elle est. Pourquoi t'essayes pas de faire pareil?»

Daryl reprend légèrement sa respiration car il a parlé plus vite qu'à l'accoutumé, les mots sont sortis les uns après les autres comme dans une contine. Riley reste de marbre face à tant d'interrogations auxquelles elle ne peut même pas répondre car elle-même ne sait pas.

« -Je sais pas Daryl, répond-t-elle simplement, j'sais pas. Peut être parce que ce n'était qu'une enfant et que les enfants ne méritent pas une telle chose? Ou peut être parce que je lui ai sauvé la vie des dizaines de fois et qu'là, j'suis suis restée impuissante face à cette atrocité? Ou peut être parce que c'est grâce à elle que Rayan et moi avons intégré le groupe? Ou peut être parce que cette gamine à eu une place importante dans ma vie dès l'moment où j'l'ai sauvé d'ces saletés qui étaient en train d'la pourchasser? Il y a tellement de raisons que j'saurai même pas t'dire clairement. Pourquoi je réagis comme ça? J'sais pas Daryl, j'en sais foutrement rien.»

Le chasseur ne répond rien. Il se contente de se rapprocher d'elle, de lui tendre l'un des paquets de bonbons et un des deux paquets de cigarettes avant d'enrouler leurs épaules dans la couverture en laine qu'il avait embarqué avec lui.

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