Chapitre 42

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A écouter avec Light de Sleeping at Last

Londres, 21h01 - dimanche 4 décembre

Louis's PDV

Si on m'avais dit il y a peu de temps que ma vie aurait changé aussi radicalement et en seulement trois mois, que j'aurais largué mon quotidien et mes habitudes monotones pour me lancer dans un aller sans retour, que j'aurais eu un petit ami aussi canon que détestable et que je me serais fait tabassé juste parce que je suis moi, je n'aurai bien évidemment pas cru à cette histoire et je serais aussitôt reparti me coucher. Mais c'est la pure vérité, j'ai fait des choix tous plus absurdes les uns que les autres et ce soir, je me retrouve seul, affalé dans mon canapé avec entre les mains un journal qui ne m'appartient même pas. Mais je continue de lire, encore et encore. Je lirais jusqu'au dernier mot, parce que ce journal est ma seule porte de sortie.

"Mai 2012

Je n'ai pas compris au début. Zayn avait l'air sérieusement à côté de la plaque et je l'ai même soupçonné de se droguer. Après tout, il fait ce qu'il veux. Ses mains tremblaient et il transpirait. Il bégayait parfois lorsqu'il parlait, et des mots un peu mâchés sortaient de sa bouche. Mais je n'ai rien fait, parce que je me suis dit que ce n'était pas à moi de m'en occuper. Ce n'était plus à moi. Plus depuis le départ de Joyce. Il l'a vu, il a compris que j'étais tombé amoureux de celle dont il était, lui aussi, éperdument amoureux. Et il ne l'a pas accepté. Les mots entre nous ne fonctionnent pas et le seul moyen d'extérioriser notre haine c'était de se battre. Alors on s'est battu, plusieurs fois même. On s'est battu sans se regarder dans les yeux, on s'est battu par pur égoïsme, parce que nous voulions tous les deux la même chose. Mais s'est allé beaucoup trop loin. J'ai encore quelques marques, mais la plus profonde est psychologique.
On veux tous les deux rejoindre Joyce, elle est la seule chose qui compte à nos yeux. Alors Zayn a proposé qu'on économise chacun la somme de 310£. La moitié du prix pour un aller sans retour en Australie. Et c'est là que tout à commencer. Il m'a dit que nous devrons nous battre sans donner de coup, que nous devrons repousser nos limites et que le premier qui capitulera devra donner son argent à l'autre. J'ai trouvé ça absurde de nous battre d'une telle manière pour une fille, mais c'est pour Joy, alors j'ai accepté.

Septembre 2015

Plus rien ne va. La vie déraille et j'ai l'impression de ne plus avoir le contrôle de la mienne. Je vois bien que ma mère est malheureuse et qu'en étant son fils, je devrais lui dire de sortir et de trouver quelqu'un de bien, histoire de tourner la page. Au lieu de ça, je la soutiens dans son malheur, si ce n'est en l'empirant. Je crois bien qu'elle est devenue dépressive, et ça me tue de voir qu'elle est en train de se faire bouffer comme papa mais je n'arrive pas à lui dire de trouver le bonheur. J'ai peur, tellement peur qu'elle y arrive et qu'elle me laisse seul dans le mien, que ce soit moi qui périsse dans ma putain de noirceur. Au fond, quels que sont les choix que je ferais, je périrais.
Et cette sorte de jeu, entre moi et Zayn tourne au cauchemar, comme si ça ne l'étais pas avant. On a tous les deux failli y laisser notre peau, mais là n'est pas le but. Tout ceci n'est qu'une histoire de vengeance, et l'achever en même temps que l'un de nous deux ne servirait pas à grand chose. J'ai beaucoup de fois pensé à économiser le double de ce que j'avais pour partir retrouver Joy, mais ça ne ferait qu'accroître la haine de Zayn et ça finirait mal. D'autant plus que je ne veux pas laisser ma mère seul, pas pour le moment. Pas tant que je ne suis pas certain qu'elle ne se laissera pas mourir. Elle a mal vécu le départ de ma sœur Gemma pour ses études dans L'Ohio, et encore plus pour le décès de mon père. Je veux être sûr, si je pars, qu'elle n'aura plus besoin de ma présence. Zayn, pour ne plus mettre nos vies en danger avait proposé que nous amenions d'autres personnes. Comme un bouclier, quelque chose qui nous protège. J'ai honte de l'écrire, mais j'ai hoché la tête sans réfléchir plus. Celui qui arrivait à garder tout ses "pions" jusqu'à la fin était considéré comme celui qui avait le droit de récupérer l'argent. Ces personnes que nous choisissions sans connaître parmi la foule nous importaient peu, on souhaitait juste qu'elles restent dans le jeu. Nous manipulions ces personnes comme les pions d'un échiquier, dans le seul but de gagner la partie. Nous avons d'abord inventé quelques règles, car il était inconcevable d'avouer la vérité à des inconnus, et nous avons fixé une période de 3 mois de jeu. Nous leur promettions tout ce qu'ils voulaient s'ils restaient jusqu'au bout. C'était clairement devenu n'importe quoi. En 2013 nous avons amené nos premiers pions. Les miens étaient Ernest Meyer et Joachim Crowford. Ceux de Zayn s'appelaient Jeff Scott et Thomas Lain. Je me souviens encore de mes pions comme s'ils étaient toujours en contact avec nous. Je me souviens de tout dans les moindres détails, mais je ne les écrirais pas, je n'en ai pas le courage, ni la force. Alors je serais bref, parce que les souvenirs que j'essaie d'enfouir depuis ce fameux soir ne veulent pas s'estomper. J'ai pensé, sans grande conviction, qu'écrire me permettrais peut-être d'oublier. On a tellement poussé nos pions à bout, je ne me serais jamais cru capable d'une telle chose. Mais on l'a fait, par toutes sortes de défis qu'ils acceptaient en pensant recevoir une récompense lorsqu'ils les auraient tous accomplis. Pendant un instant je les ai tous trouvé pathétiques de mettre leurs vies en danger pour obtenir quelque chose qu'ils souhaitaient en retour, comme un chien à qui l'on promet une friandise s'il nous rapporte son jouet. Mais nous les avions bien choisi, il faut croire. Ernest était un putain de drogué, tout comme Jeff, Thomas semblait dépressif, et Joachim venait de perdre tout ce qu'il avait. On les a mit à bout, tellement à bout qu'un soir où l'on jouait comme plusieurs semaines auparavant, Ernest a eut le défi de s'enfiler une bouteille de vodka cul sec alors qu'il avait déjà un bon coup dans le nez, sans compter la drogue qu'il avait ingurgité. Il nous a fait un malaise, et il est mort dans la nuit d'une overdose. On a tout arrêté, et Zayn a déclaré "match nul", parce que mon pion n'aurait pas dû me quitter en mourant mais de son plein gré. Je lui en ai voulu d'avoir dit ça. Une personne venait de mourir de notre faute et ce qu'il avait trouvé à dire c'était ça. Juste ça. J'ai culpabilisé pendant des jours entiers, revoyant l'image de ce gars drogué jusqu'au sang mourir presque dans mes bras. Et quelques jours après, Thomas s'est suicidé. De quoi accroître ma culpabilité.
Le même cirque s'est représenté une année plus tard. On a, bien évidemment, fait attention à ne plus reproduire les mêmes erreurs, mais un pion de Zayn, Luca Hemstock a sauté du London Bridge, sous nos yeux. Il a disjoncté. Il a sauté. Et je me suis juré de ne plus jamais jouer avec la vie de quelqu'un. Malheureusement je me retrouve à scruter les gens dans le but de me trouver un nouveau pion, parce que Zayn m'a promis que ce serait la dernière fois que nous jouerions, et que si cela n'aboutirait à rien, on trouverait un autre moyen d'arriver à notre vengeance.

The Infinity  Game ∞ | Larry StylinsonWhere stories live. Discover now