7. Faute de parcours 3/4 (réécrit)

547 98 42
                                    




– Que...

– Lieu pensait que je m'en étais chargé, et moi que c'était lui ! Quand on s'en est aperçu, on a décidé de ne rien dire. On pensait bien arriver le soir... Foutu sapin !

Sa voix devint plus aiguë et ses joues prenaient des couleurs. L'apprenti sembla percevoir dans l'air une odeur familière :

– Malty ? Vous avez bu ?

– Euh... C'est qu'on se les gèle, nous, dehors, Garrett !

– Oh trop, c'est trop ! s'emporta Anna Grimsey, je vais envoyer un mot à monsieur Totter quand nous serons à Villejoie, si les loups ne nous dévorent pas !

Le visage de Garrett Jame était décomposé. Son collègue voulut reprendre en main la situation :

– Vous ne craigniez rien, c'est Lieu qui dirigeait les chevaux, madame, et j'aurai largement dessaoulé d'ici là.

Mais, de colère et de honte, il ajouta :

– J'aimerais vous y voir là-dessus par ce froid !

– Ouh ! éructa Anna telle une poule.

– Émile Malty ! ordonna Garrett.

– Na, calmons-nous !

– Bon, coupa Viola, nous n'avons pas le choix, il faut avancer ! Plus tôt on s'y met, plus vite nous pourrons repartir.

– Oui, appuya l'apprenti, avec un peu de chance, nous pourrons dégager un passage suffisant sans perdre trop de temps !

– Je vous aide, ajouta le médecin. Mesdemoiselles, mesdames, entrez au chaud.

Luiset, Anna, l'infirmière et la vendeuse de fleurs s'emmitouflèrent sur la banquette près du poêle qu'elles n'alimenteraient plus jusqu'au départ de la voiture.

– Oh, que ne donnerais-je pas pour un bon thé ! déclara Meadow.

– Ce sera notre récompense ce soir, dit Luiset, pleine d'espoir.

– La Forge... première compagnie, mon pied, oui ! Des ivrognes ! Si les Grimsey nous voyaient !

– Allez, Na, ils vont tout arranger !

– Je l'espère, nous n'allons pas camper là, affamées, à la merci des... Hors de question de passer la nuit dehors !

– Madame Grimsey, détendez-vous. Venez plus près, avec nous, lui dit Viola en posant sa main sur son épaule avec affection.

Meadow se plaça à côté d'elle et lui ajusta sa cape et, dans un élan solidaire, la réconforta :

– Nous avons tous eu peur. Mais l'essentiel, c'est que rien de grave ne soit arrivé. Nous arriverons juste un peu plus tard que prévu.

– Si vous le dites, soupira Anna, adoucie par les attentions des deux dames.

– Votre nièce est toute mignonne.

– Oh, Luiset... Oui. Quand elle m'écoute !

– Je me comporte bien depuis notre départ, Na !

– Le départ... J'ai l'impression que nous sommes parties depuis longtemps, déclara sa tante d'un air songeur.

– Madame Spralt, pardonnez mon audace, mais êtes-vous partenaire de la Forge ? demanda Meadow. Je veux dire, par rapport à votre activité ?

Viola ne fut sûrement pas vexée de la question. Le coût du voyage était élevé même pour un commerçant qui gagnait bien sa vie et l'infirmière avait donc vu juste.

– Oui, je figure parmi les fleuristes agréés par décret royal.

– Vous êtes de la capitale ? Votre maquillage est... audacieux, expliqua Anna.

– Oui, le rose est à la mode à la Cour.

– Il me semblait bien... Ah !

La tante de Luiset se leva et cria de la fenêtre :

– Monsieur Malty !

– Mad'moiselle ? demanda-t-il, essoufflé par la besogne.

– Votre flasque, s'il vous plaît !

Ne sachant trop comment réagir, le cocher hésita avant de sortir la petite fiole de son manteau. Elle essuya l'ouverture avec son mouchoir et but une gorgée.

– Ah... ça brûle, brouuu ! Oh, allez, encore une. Merci mon brave !

Elle rendit le flacon argenté à Malty qui poursuivit le déblayage de la route.

– Alors, Na ? demanda Luiset, espiègle.

Sa tante lui répondit par un clin d'œil puis les quatre femmes s'occupèrent à parler pendant que les hommes aidés d'une seule hache dégageaient le chemin.

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now