22. Le déluge 2/4 (réécrit)

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– Nous avançons très lentement, dit Luiset à l'intérieur.

De fait, leur progression donnait l'impression qu'ils seraient aussi rapides en marchant. La pluie avait miraculeusement cessé mais ils entendaient l'eau s'écouler. Telle un serpent, elle se faufilait de manière vive sur la terre, laissant les traces de son passage dans un camaïeu marron. 

– Heureusement qu'ils ont pensé à creuser des sillons sur les côtés. Nous aurions été bloqués par l'eau au fond de cette baignoire, dit Anna. 

Luiset regardait les sillons devenus rivières. Un sentiment d'angoisse commençait à lui comprimer la poitrine.

– Nous pouvons nous remettre dans le sens de la marche, observa Tiam qui voyait la diligence aborder la montée.

La jeune Madison fut soulagée de quitter le fond.

– Oh, ce vent ! dit Garrett en jetant un œil derrière lui.

– Quel vent ?

– Là-bas ! dit-il en pointant son index sur la gauche.

Les arbres étaient ballotés par une violente bourrasque qu'ils ne sentaient pas encore. Un bruit sourd se rapprochait d'eux, de plus en plus fort. Garrett et Lieu comprirent que ce n'était pas le vent et furent saisis d'effroi.

– HUE !!! cria le postillon aux chevaux qui tentèrent une accélération malgré le poids de la diligence et leur fatigue.

– Accrochez-vous !!! cria Garrett à l'adresse des passagers.

Luiset était tombée. Anna s'était retenue d'une main au dossier de la  banquette et tendait l'autre pour que sa nièce s'y accroche, comme une bouée. Viola et Tiam s'étaient rattrapés au dormant de la fenêtre. Ils s'étaient levés pour comprendre ce qui avait causé le brusque changement de cadence et la panique des conducteurs.

– Mon Dieu...

La rivière était sortie de son lit. Une vague d'eau et de terre, indifférente à tout ce qui se trouvait sur son passage, fonçait droit sur eux, prête à avaler la diligence désespérée. Viola Spralt prit les bulbes dans son panier et referma le sac pour l'attacher à sa ceinture.

– C'est bien le moment de protéger vos bulbes ! Nous allons tous mourir ! gémit Anna.

– Commande royale ! Je n'ai pas prévu de mourir ! Et vous ? demanda-t-elle, animée d'une rage de vivre qui les galvanisa tous.

La téméraire vendeuse de fleurs, luttant contre le ballottement de la voiture, retroussa ses jupons et sortit par la fenêtre.

– Il faut monter sur le toit !

– Quoi ? Vous êtes folle ? dit Luiset, entre désarroi et admiration.

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now