11. Au bord de la rivière 4/5 (réécrit)

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L'hôtel s'avéra absolument grandiose. Une armée d'employés et de clients s'agitait dans le grand hall. On entendait les bruits de la grande salle du casino qui se trouvait au niveau inférieur. La diligence avait pu s'arrêter devant l'entrée principale et les voyageurs avaient été accueillis par plusieurs grooms. En entrant, Luiset remarqua le restaurant qui se trouvait sur une large mezzanine, derrière une verrière. Il surplombait le rez-de-chaussée. Avec sa tante, elle monta dans leur chambre luxueuse pour se rafraîchir.

– Oh, que ça fait du bien ! dit Anna en caressant les rideaux précieux.

Elle parcourut aussi du bout des doigts les draps doux du lit imposant.

– J'aurais aimé manger au restaurant, Na. Tu as vu comme c'est original, de manger en hauteur, comme ça ?

– Allons mademoiselle Luiset, mettez votre belle robe, mon cousin nous attend.

– Ma robe bleue, oui !

Un fiacre les mena jusqu'au domaine d'Auguste Grimsey. Le perron était éclairé par des torchères impressionnantes qui représentaient des déesses antiques.

– Chère Anna ! Ma chère Anna !

Auguste se tenait au sommet de l'escalier de pierre. Il était plus jeune que sa cousine et semblait sincèrement ravi de la revoir. Bien que déjà dégarni, Luiset le trouva bel homme. Même si, malgré son sourire, son expression avait quelque chose de sévère : un trait physique commun avec sa tante.

– Et mademoiselle Madison, comme vous avez grandi ! Venez à l'intérieur, il fait frais. Carson, débarrassez ces demoiselles de leurs capes, je vous prie.

– Bien, monsieur Grimsey.

Le repas fut servi dans le salon des invités. Auguste était riche et se plaisait à collectionner des meubles. C'était la troisième fois que Luiset venait chez lui, et le salon était encore complètement différent. D'autres convives étaient là : des oncles, tantes, cousins encore plus éloignés, qu'elle n'avait jamais vus et qui félicitaient leur hôte pour ses nouvelles acquisitions baroques.

– Votre voyage se déroule comme vous le souhaitiez ? leur avait-il demandé.

– Oui. Il nous a fallu quatre jours pour arriver ici...

– Seulement quatre jours ! Une merveille ces diligences. D'ailleurs, je recommande La Forge à chaque fois.

Anna raconta, bien sûr, l'incident en montagne, ce qui entraîna une succession d'anecdotes de voyages parmi les invités : 

– Avec mon frère, nous avions voulu monter une falaise pour admirer la vue d'en haut. Le seul moyen c'était avec une chaise. La chaleur était écrasante. Le porteur a fait un malaise et la chaise a terminé dans le ruisseau. Heureusement, mon frère a sauté à temps... raconta Félicia Bedham en riant sans retenue.

Étonnamment, Luiset, qui avait attendu avec impatience cette soirée, s'ennuyait. Même lorsqu'elle s'était apprêtée, elle n'avait pas senti d'enthousiasme. Les mondanités ne lui manquaient pas, un comble pour cette dernière qui ne jurait que par les soirées, les nouvelles tenues et les racontars. Elle ne fut donc pas gênée le moins du monde lorsque sa tante s'excusa auprès de son cousin, expliquant que la diligence repartait tôt le lendemain matin.

À seulement quelques pas de l'hôtel, Luiset fit une deuxième tentative :

– Na, s'il te plaît, allons faire un tour au Casino ! Juste pour voir.

– Bon, soit, mais pas trop longtemps, mademoiselle Luiset.

– Merci, Na ! On sait bien que lorsque tu commences à jouer, tu ne t'arrêtes plus !

Une succession de tables où siégeaient des joueurs de cartes leur faisaient face dès qu'elles passèrent l'entrée. Il y avait foule dans la grande salle, et la fumée des cigares qui emplissait la pièce rendait les clients anonymes. Anna et Luiset entendirent leurs noms prononcés par une voix familière par-delà les nombreuses conversations :

– Mademoiselle Grimsey ! Mademoiselle Madison !

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now