20. Apora pleure et se relève 1/4 (réécrit)

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– Elle était si gentille, pleurait Luiset.

Avec sa tante et Tiam, elle portait avec précaution le corps de l'infirmière.

– Oui, c'est vrai...

Le pied du médecin dérapa dans la boue, manquant de tomber avec sa charge mais il parvint à retrouver son équilibre.

– Voilà, ici c'est bien, dit Anna.

Ils posèrent la dépouille en silence, indifférent aux gouttes qui s'écrasaient lourdement sur leurs visages attristés.

– Oh, Na, juste avant, elle est venue m'aider parce que je m'étais piqué le doigt.

– Je sais, c'était une belle personne.

Meadow et Malty reposaient maintenant sur le côté de la route. Au pied d'un arbre, ils étaient recouverts d'un rideau pour linceul. Un rideau, arraché à la diligence, que la pluie avait imbibé en quelques secondes.

Garrett et Lieu achevaient de réparer la roue à la lueur des lanternes, et pour se réchauffer, comme un hommage silencieux, Tiam, Anna et Viola s'étaient passés la fiole de whisky du défunt.

Luiset, drapée d'une couverture, restait près de la diligence, inconsolable. Viola posa une main affectueuse sur son épaule. La jeune Madison lui rendit son geste par un sourire et se joignit au triste groupe qui était revenu s'abriter dans la diligence. Elle prit la fiole des mains d'Anna et but la dernière gorgée. Sa tante ne répliqua pas.

– Nous partons tout de suite ! dit Garrett.

– Nous sommes à dix mille toises d'Apora, nous arriverons au petit matin, essayez de dormir un peu, dit Lieu d'un ton assuré.

– Je vais monter sur le siège du cocher.

Les autres passagers ne trouvèrent pas le sommeil. À l'intérieur, les tiroirs, trappes et bagages étaient encore ouverts.  

– Imagine la tête de monsieur Totter, dit Luiset.

Anna rit nerveusement. Les trois femmes prirent place sur la même banquette et ne bougèrent pas. Tiam se tenait la tête entre les mains.

– Docteur Nuegill, vous ne pouviez rien faire, répéta Anna d'une voix douce.

Elle vint poser sa main sur la sienne.

– Mademoiselle Grimsey, j'aurais dû mieux vous protéger. J'aurais dû prendre le pistolet de Malty, j'aurais...

– Vous n'auriez rien pu faire, ils nous tenaient.

– Au contraire, vous avez fait de votre mieux, ajouta Viola, donner ce que nous avions était la meilleure solution.

– Monsieur Jame aurait sûrement touché ce monstre... Et Meadow...

– Les bourreaux, ce sont eux ! s'insurgea Anna. Eux, vous m'entendez !

Tiam essuya ses yeux d'un revers de manche. Son regard redevint solide.

– Merci, mademoiselle Grimsey, lui dit-il.

– Oh, enlacez-moi docteur Nuegill ! dit-elle en le serrant fort dans ses bras.

Il fut d'abord étonné mais posa maladroitement ses larges mains sur sa robe humide. Viola et Luiset s'autorisèrent un sourire timide. Anna se redressa, et vint se rasseoir sur la banquette avec les filles. Tiam avait piqué un fard mais fit mine de ne pas perdre contenance.

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now