30. Révélation 2/2 (réécrit)

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– Si vous ne vous débarrassez pas de moi, je jure de vous tuer, siffla-t-elle en essuyant son visage.

– Des menaces, encore... Je vais vous égorger bien avant !

Les yeux de Luiset étaient encore mouillés.

– Allez-y. Je suis seule maintenant... toute seule... dit-elle dans un murmure.

– Je suis là, assura le religieux. Vous n'êtes pas seule. D'autres personnes vous ont suivie. Vous aviez déjà des protecteurs...

– Garrett et Na ?

– Non, ils ne savaient rien. C'était le médecin et l'infirmière. Ils ont été engagés par monsieur Madison. Ils pouvaient soigner les blessures des hommes ou des chevaux et savaient se servir des armes.

– Presque tous n'étaient là que pour me sauver.

– Et bien, ce ne fut pas de trop. Malgré l'arbre pour ne pas être suivis, les bandits étaient mieux préparés. Je crois même qu'ils ont tué mes sbires car ils devaient me rejoindre au Mont en même temps que nous.

– Vous n'y êtes pour rien dans la mort de Malty et Meadow ?

– Vous ne m'avez pas écoutée. Bien sûr que non ! Vous deviez arriver saine et sauve. J'aurais sûrement éliminé certains d'entre vous, mais au dernier moment. Par contre, j'ai dû supporter tout : votre horrible tante, Meadow la bonne âme et ce Malty répugnant qui voulait forniquer avec moi.

– Ne parlez pas d'eux comme ça ! C'est vous l'horreur !

– Je suis bien heureuse qu'il ait reçu cette lame dans le cou ! Attaqués par des bandits, c'était bien ma veine ! Et l'inondation sur les Grands Chemins !

Luiset revivait tout son voyage sous un jour nouveau. Les souvenirs de Meadow Lance servant le thé, Tiam Nuegill, calme mais l'œil vif, Lieu et Malty, Viola conversant fort avec Anna, Chiévée et Antoine lisant ensemble. C'était un rêve lointain devenu cauchemar. Luiset n'en revenait pas.

– Et tout ça pour rien. Des morts, et moi, ici, qui ne sais pas comprendre mon père.

– Je vous conseille de trouver.

Elle explosa :

– Tuez-moi ! Je m'en fous ! Ils sont morts, mon père est mort. Anna est morte. Malty, Lieu, Meadow, Tiam... Je ne connaissais pas mon père, il voyageait tout le temps. Pour ces expéditions stupides, qui nous ont menées là. Je ne me rappelle que des histoires à dormir debout...

Elle ne pleurait plus et se laissa consumer par sa colère.

– Il a sûrement, lui aussi, du sang sur les mains... Qui est-il pour avoir pareil ennemi ? Sûrement un criminel, un voleur de trésors qui rentrait pour me farcir la tête de contes stupides !

Elle s'agitait de plus en plus. Le religieux eut un mouvement de recul.

– Arrêtez tout de suite, prévint Viola en levant son disque avec calme.

– Des histoires à dormir debout ! Parfaitement ! Mon père n'était bon qu'à ça ! Me raconter des contes ! Anna avait raison...

Elle commença à jeter les objets qui lui tombaient sous sa main. Des éclats volaient à mesure qu'elle fracassait des miroirs, des tableaux ou des pots de verre.

– Arrêtez !

– Voilà ce que je fais de ces trucs inutiles. Voilà ! Et maintenant ? Il ne se passe rien ! Vous voyez ?

– Je vous dis d'arrêter ! hurla Viola.

Un sifflement fendit l'air.

– Ah !

Luiset s'arrêta dans son élan. Un disque avait coupé sa paume. Frère Maynard sortit un mouchoir de sa bure pour envelopper sa main. Elle lui lança un regard assassin.

– Ce n'est qu'une cave ! cracha-t-elle en regardant la pièce.

– Si vous ne l'inspectez pas pour résoudre l'énigme, cria-t-elle en tendant la feuille de hêtre, je saigne frère Maynard comme un porc et vous ferai boire son sang. Et ce sera long et douloureux, croyez-moi ! On commence par les yeux ?

La peur l'emporta sur la colère. Elle se releva, tremblante.

– Dépêchez-vous !

Luiset serra fort son mouchoir et prit la torchère pour diriger le faisceau des flammes plus loin. Leurs trois ombres s'étiraient jusqu'au plafond. Soudain, son visage s'éclaira.

– Attendez... dit-elle en fixant le fond de la pièce comme si elle le voyait pour la première fois.

– Quoi ?! demanda-telle.

– La bassine.

Elle avança de quelques pas.

– Eh bien ?

Viola marcha avec elle pour observer de plus près.

– Les trois logeuses... murmura-t-elle.

– Hein ?

– Le conte des trois logeuses.

– Vous vous foutez de moi ?

– Pas du tout.

Luiset déplaça plus loin la lumière et se retourna vers eux pour dire, osant à peine le croire et pourtant certaine :

– Ce n'est pas qu'un conte, c'est la solution !

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now