31. L'énigme 2/4 (réécrit)

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Luiset marmonnait le conte pour elle-même puis énonça plus haut, triomphante :

« Par ce chemin mon jeune petit, dans trois jours entiers tu seras arrivé. Suis bien le sentier des arbres, trois maisons te permettront de te reposer les trois nuits. Marche vite pour ne pas rester dehors avant le coucher du soleil ». Ces dessins là, ce sont les arbres. La ligne, le sentier. Ce carré, sûrement la première maison. Il faut suivre la ligne !

Ils déplacèrent tout ce qui recouvrait chaque indice, de manière plus ou moins délicate, pour dégager le chemin qu'ils suivaient. Ils se retrouvèrent tout au fond de la pièce, face au mur. Luiset leva la torche.

– Qu'est-ce qu'il y a derrière ? demanda Viola.

– Les caves à vin, répondit le frère.

– Il faut fouiller !

Luiset inspecta autour d'elle, parmi d'autres objets, puis elle tapa sa paume contre le mur, espérant provoquer un effet.

– Quelle est la suite de ce conte débile ?

Viola se sentait à nouveau gagnée par l'impatience.

– Oui, le conte, je reprends le conte.

Convaincue d'être sur la bonne voie, elle reprit le fil de l'histoire. C'était la meilleure chose à faire.

– Par contre, l'histoire devient macabre. Gare à vous s'il y a un piège derrière ce mur, dit-elle en menaçant le religieux.

– Qu'importe l'histoire. Il n'y a rien de vrai. Le fond n'a aucune importance. C'était juste pour que mon père puisse me laisser les indices !

– Très bien, arrêtez de piailler et accélérez la cadence !

Luiset ravala sa salive et se maîtrisa. Tant que le religieux avait une chance de s'en sortir vivant, elle céderait. Puis elle voulait découvrir ce pourquoi son père avait été assassiné.

– Bon, donc, il y a trois maisons. Trois maisons pour... Je dirais trois maisons pour trois indices.

– Ça peut être n'importe quoi ?

Luiset s'adossa au mur et répéta plusieurs fois les venues de Thom chez les trois logeuses. Elle fronçait les sourcils, concentrée. 

– Ça n'a aucun sens...

– Dites-nous !

– Je ne vois que trois choses. La première : soupe.

– Soupe... répéta frère Maynard.

– C'est une plaisanterie ? N'essayez pas de gagner du temps, mademoiselle Madison, personne ne viendra vous sauver !

– J'ai l'air de plaisanter ? Honnêtement, j'ai l'air de plaisanter ?

Les yeux de Viola se rétrécirent comme un prédateur prêt à bondir sur sa proie. Luiset ne lui laissa pas le temps de répondre et s'expliqua : 

–  « « Votre chambre est prête » lui dit-elle. « Mais avant, venez manger cette soupe, elle vous aidera à reprendre des forces ». Effectivement, la soupe était très épaisse et combla sa faim dès qu'il eut terminé son bol en bois. S'il n'avait reconnu aucun goût, il la trouva bonne et fut reconnaissant envers l'hôtesse. »

– Mais pourquoi « soupe » ? demanda-t-elle.

– Parce que mon père utilisait toujours le mot « soupe » au début, puis « potage » dans les deux autres maisons. Il n'oubliait jamais de faire la distinction.

– Bon... Le deuxième indice ?

– Je pense que c'est « ire ». « Bonsoir Thom, vous êtes à l'heure, par l'ire de mes ancêtres ». Le jeune homme trouvait que les nouvelles arrivaient bien vite. Quelle personne ou quelle chose pouvait être si rapide pour que celles qu'il rencontrait le connaissent déjà ? « Buvez votre potage, et dormez vite, par l'ire de mes ancêtres » ordonna-t-elle. »

– Bien.

– Et enfin, « ail » : « La logeuse lui tournait le dos, occupée à remuer le potage. Elle ne lui répondit pas mais ajouta quelques herbes. Elle lui tendit un bol fumant qu'elle lui arracha des mains. La soupe se renversa. « Trop d'ail, trop d'ail » cria-t-elle avant de se reprendre. « Allez dormir Thom. »

Ils se taisaient. Viola réfléchissait et frère Maynard s'adressa à Luiset :

– Comprenez-vous quelque chose à ce charabia ?

– Non... répondit-elle, déçue.

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now