23. Le Mont 3/3 (réécrit)

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Le soleil, indifférent aux terribles événements de la veille, se levait dans la baie, dispersant la brume qui entourait le Mont. Sur les remparts de pierre, Luiset et Garrett observaient les mouettes qui tournoyaient en riant. Ils ne parlaient que très peu mais la jeune femme constatait :

– Garrett, votre voyage qui devait vous faire quitter l'apprentissage... Que va-t-il se passer ?

– Je ne sais pas... J'ai tout raconté à monsieur Totter. Sans diligence, je vais devoir attendre quelques jours avant de rentrer. Mais je devrais bien lui faire face un jour.

– Vous n'y êtes pour rien !

– On me paye pour amener à bon port les passagers et la voiture...

Le jeune homme ne put retenir un sanglot. Ils n'avaient pas entendu Frère Maynard qui s'était arrêté derrière eux :

– Mademoiselle Madison, vous avez reçu une lettre ce matin.

– Mon père ?!

– Je ne sais pas.

Elle lui arracha l'enveloppe des mains et déchira le papier pour saisir la lettre.

– C'est ma mère !

« Ma douce Luiset,

J'espère que cette lettre vous trouvera au Mont.

Je ne voulais pas vous inquiétez mais celle que vous auriez dû recevoir à Génoive a été perdue dans le convoi postal, d'où mon silence.

Je suis enchantée de vous savoir en bons termes avec Na et espère que ce voyage deviendra un souvenir que vous partagerez longtemps.

Votre père ne m'a toujours pas envoyé de lettre. Je devrais être habituée mais, vous me connaissez, je ne pourrai m'empêcher de lui faire remarquer.

Je vous aime tant.

Mes affectueux baisers

Votre mère, Catherine »

– Elle n'a pas de nouvelle de mon père non plus... Frère Maynard, il sera là demain, n'est-ce pas ?

– C'est ce qui est prévu, mademoiselle Madison.

Elle voulut mentionner le mystère qui suintait des lignes de la lettre de son père, mais Viola vint à la rencontre de ses amis. Elle avait trouvé du maquillage et du parfum. Un chignon retenait sa chevelure de feu. Belle à se damner, pensa Luiset, même avec quelques coupures qu'elle n'avait pu entièrement dissimuler. 

– De bonnes nouvelles ? demanda-t-elle à Luiset qui n'avait pas encore rangé la lettre.

– Oui, de ma mère. Excusez-moi, je vais lui répondre. Il faut que je la prévienne.

Elle s'éloigna pour rejoindre sa chambre, plus haut vers l'abbaye. Frère Maynard prit un ton plus solennel :

– Monsieur Jame, madame Spralt, ceci doit rester entre nous. La petite ne doit pas être ennuyée pour l'instant. J'ai un très mauvais pressentiment. Nous n'avons plus de nouvelles d'Arsène Madison depuis des mois. Il devait arriver avant sa fille, et personne n'a pu me renseigner.

Viola Spralt couvrit sa bouche :

– Mais c'est affreux. La jeune Luiset a déjà perdu sa tante !

– Nous prions, et évitons de penser au pire. Mais il m'avait confié que son entreprise serait périlleuse.

– Pourquoi nous le dire ?

– Prenez soin de Luiset, il faut qu'elle récupère et l'idée de revoir son père devrait l'aider. J'ai reçu des indications de la part de monsieur Madison au cas où il ne pourrait arriver jusqu'ici.

– Mais de quoi retourne-t-il ?

– Je ne peux rien vous dire.

– Elle n'est pas en danger au moins ?

– Je ne peux vraiment rien vous dire, mais nos prières accompagnent la jeune Luiset depuis des mois. Et nous prierons davantage.

Il s'excusa et quitta les deux jeunes gens. Garrett méditait sur ces dernières paroles et demanda à Viola :

– On doit la surveiller !

– Monsieur Jame, vous êtes inquiet ?

– Oui. Je me méfie de frère Maynard, pas vous ?

– Je ne sais pas... Je ne sais plus... à qui faire confiance ? Les hommes sont parfois si cruels... Et ce secret autour de son père... Mais ces religieux nous ont tendus la main. Que craigniez-vous ?

– Arsène Madison ne peut qu'être en danger. Maynard a menti, j'en suis sûr. Réfléchissez bien. Il demande à sa fille de la rejoindre, prend soin de ne pas rentrer chez lui, de la laisser venir de son côté. Très peu de contact ces derniers mois. Un silence étrange et des secrets. L'organisation du voyage. Ici, ils ne nous disent rien...

– Oui...

– Quelque chose ne va pas ! Je suis certain que quelque chose de grave est en train de se passer. Luiset court un grand danger. On doit la protéger !

Ils se serrèrent la main pour sceller ce pacte silencieux avant de se séparer. Mais la vendeuse de fleurs rattrapa l'apprenti :

– Monsieur Jame, je dois vous dire quelque chose.

– Oui ?

– En fait, monsieur Madison m'a chargée de veiller sur sa fille.

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now