25. L'attente 3/3 (réécrit)

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Lorsque Garrett avait parlé à Viola, elle avait ouvert des yeux ronds. Elle finit par dire :

– Nous devons absolument savoir ce que monsieur Madison prévoit pour Luiset. Il ne peut s'agir de coïncidence, le temps presse ! 

– Essayez de vous renseigner sur tous les moines, de voir si l'un d'eux parle du meurtre de leur frère.

– Et vous ?

– Je vais suivre frère Maynard. Je réfléchis à une solution. Nous n'avons qu'une journée. Luiset va continuer à se comporter comme d'habitude. Je ne lui ai pas dit que vous étiez là sur ordre de son père.

Dans la salle de réception de l'abbaye, moines, domestiques et cuisiniers s'activaient pour préparer l'anniversaire de Luiset Madison. Des grandes nappes aux motifs d'or recouvraient les tables en bois vernis. Des chandeliers magnifiques remplaçaient les bougeoirs. La vaisselle fine et l'argenterie avaient été lavées et polies. De grandes gerbes de fleurs ornaient la table.

– Tout ça pour moi... avait dit la jeune femme.

– Seize ans, c'est un tournant ! avait répondu Garrett.

– On dirait que le roi lui-même va venir, ajouta Viola.

Frère Maynard s'approcha d'eux discrètement :

– Cela vous plaît ?

– C'est grandiose, répondit mademoiselle Madison.

Il sourit avec une satisfaction évidente.

– Mais... commença-t-elle... je me disais que...

Elle regarda Garrett pour avoir une idée.

– Mademoiselle Madison hésite pour le tapis.

– Le tapis ?

– Oui, le tapis, surenchérit-elle.

– Il ne vous plaît pas, c'est une pièce unique, nous le sortons pour les grands événements. Ça devait bien faire deux ans que nous ne l'avions pas sorti.

– J'aimerais qu'il soit... plus propre.

– Mais, il a été nettoyé, je vous assure.

– Nettoyez-le encore, s'il vous plaît.

Elle regarda l'expression de frère Maynard, espérant déceler le moindre indice qui laisserait supposer qu'il jouait un double-jeu, ou qu'il n'était pas complètement dévoué aux ordres de son père, comme il l'avait prétendu. Mais il fut toujours aussi aimable et répondit :

– Ce sera fait, mademoiselle. Vous avez raison, cette soirée doit être parfaite.

Le soir, après le repas en compagnie des moines, Garrett retrouva Viola dans sa chambre, en s'assurant qu'il n'avait pas été vu. Ils étaient tous les deux revenus bredouilles de cette journée d'enquête.

– Et si l'on se trompait ? demanda-t-il en fumant. Le traumatisme, le choc...

– Vous croyez que cet arbre est tombé par hasard ? Et notre agression ?

– La malchance... Cela arrive, d'être au mauvais endroit, répondit Garrett. Pourquoi pas le torrent d'eau dans ce cas ?

– Qui sait ?

– Viola, dites-moi ce que vous savez sur votre mission. Monsieur Madison ne vous a vraiment rien dit ?

– Je dois seulement surveiller Luiset. Je n'ai jamais vu son père, il a envoyé quelqu'un d'autre pour m'engager. Mon activité était une bonne couverture. Je vous aurais déjà tout dit si je savais autre chose, mais là, nous marchons à l'aveugle...

– Vous n'êtes pas garde du corps, vous êtes vraiment vendeuse de fleurs ?

– Oui.

Quelques secondes s'écoulèrent.

– Avez-vous un remontant ? demanda-t-il.

– Derrière vous... Non ! L'autre côté de l'armoire !

– Ah voilà.

Il remplit deux verres et referma la bouteille de whisky.

– Peut-être qu'Anna Grimsey avait un rôle à jouer, reprit-il.

– C'est probable.

– Que faisons-nous ?

– Attendons. Demain, c'est le grand jour. Il apportera les réponses que nous attendons. J'espère juste que nos craintes seront fausses, que demain Luiset retrouvera son père et fêtera son anniversaire, et pas que...

La voix de la jeune femme s'étrangla.

– Madame Spralt ?

Elle se recomposa.

– Excusez-moi, monsieur Jame, je me sens si seule...

Elle s'approcha de lui, il pouvait sentir la chaleur de son corps. Elle ferma les paupières et se pencha pour l'embrasser.

– Madame Spralt ! dit-il en rougissant avec un mouvement de recul.

Elle cacha son visage dans ses mains tremblantes.

– Excusez-moi, monsieur Jame, excusez-moi, vraiment. J'ai perdu la tête. Toutes ces choses...

Lorsqu'elle releva la tête, il put voir ses larmes couler jusque sur ses lèvres. Il la trouva belle. Après tout, il aurait très bien pu succomber à ce baiser, mais son désir n'était pas suffisamment fort. Il brûlait pour quelqu'un d'autre. Viola tamponna ses yeux avec un grand mouchoir de tissu.

– C'est juste cet horrible pressentiment...

– Lequel ?

– J'ai... J'ai l'impression que demain sera le dernier jour de Luiset Madison.

Garrett se retourna, vida son verre et quitta la chambre sans un mot.

Luiset Madison (Trilogie)Where stories live. Discover now