Tome 3 : Protège-moi

8 Amélia

Je frappe à sa porte en entrant sans attendre de réponse de sa part et j'avance dans sa chambre. Comme d'habitude, il est toujours à la même place, dans son fauteuil roulant, à regarder par la fenêtre. Je pose mon sac sur le lit en allant face à lui.

- Bonjour grand-père.

Je dépose un baiser sur sa joue avant de m'agenouiller face à lui. J'essaye de venir le voir souvent, mais avec mes études je n'avais pas tellement le temps. C'est le père de ma mère, il a 85 ans et malheureusement il doit vivre ici, en maison de retraite. Il détourne les yeux du paysage pour me regarder.

- Ashley

Je prends ses mains dans la mienne en secouant la tête.

- Non c'est Amy. Tu te souviens de moi ?

Je vois un petit éclair de lucidité passer dans ses yeux bleus, il me fait un sourire en serrant mes mains.

- Évidemment, tu es ma fille.

J'essaye de garder mon sourire, ça fait mal de le voir comme ça. À chaque fois que je viens il me prend pour ma mère. C'est tellement triste d'oublier sa vie, tout ce qu'il a vécu disparaît un peu plus chaque jour.

- Oui c'est moi Ashley. Comment tu vas ?

Il a l'air très fatigué, sans parler de sa posture avachi et je vois qu'il a perdu beaucoup de poids. Je passe ma main sur les bleus de ses bras, causés par les prises de sang.

- Je sais pas. Ta mère va arriver ?

- Oui, elle va arriver.

Il parle de sa femme mais elle est morte il y a cinq ans. Ça ne vaut pas la peine qu'il se souvienne de ça, de toute façon il va oublier ce que je viens de dire. Alors quand il me le demande, je réponds qu'elle arrive. Je sais que je l'ai perdu quand ses yeux redeviennent vide et qu'il tourne la tête vers la fenêtre. Je ne reste jamais longtemps, et même si il ne sait pas que je suis venue, je le fais pour moi. Et je souhaite ne jamais finir comme ça, j'espère qu'il retrouvera sa femme au plus vite. C'est pas une vie de vivre comme ça. Parfois la mort est plus intéressante que la vie.

- Je reviendrais te voir.

J'embrasse ses mains avant de me relever. J'avais espéré tenir une conversation de plus de cinq minutes mais ça sera peut-être pour la prochaine fois. Je récupère mon sac en refermant la porte derrière moi. Je sors mon téléphone qui vibre en avançant dans les couloirs.

[ Froger : Parce que l'espoir te garde en vie. ]

Enfin il se décide à répondre. Je ne sais pas si il me répond sérieusement mais je me demande bien ce qu'il garde au fond de lui pour espérer que l'espoir le sauve de la mort, il m'a dit que ça faisait partie de lui. Les deux tatouages ont le même lien à mon avis.

[ Amelia : C'est triste. ]

- Amy !

Je m'arrête quand j'entends mon prénom, je fais marche arrière en souriant quand je vois le numéro sur la porte. Je range mon téléphone en entrant dans sa chambre.

- Freddy ! T'es pas encore mort.

- C'est pour bientôt, allez viens me dire bonjour.

- À condition que tu ne me touches pas les seins, gros pervers.

J'avance vers ce vieux porc en l'examinant, lui aussi a une sale gueule. Il a dans les 70 ans, et je l'ai rencontré quand je venais voir mon grand-père. Il est ici parce qu'il est malade, il a un cancer et il n'arrive pas à s'occuper de lui-même. Je me penche vers lui pour l'embrasser sur la joue, il en profite pour poser une main sur un sein, je tape dans son bras en me redressant.