1.9. JANVIER : "Le début de la fin de la politique et des guerres" (rapport V°1)

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1.9.

Je vous rapporte simplement les propos de l'équipe des "DOUZE".

Le protocole nous a fourni un grand nombre d'informations. Au départ, celles-ci étaient essentiellement centrées sur notre présence ici, les limitations et les attentes. Mais cela a été accompagné d'un ensemble de documents, de méta-analyses, de données à traiter et à interpréter, de vidéos de réactions, ainsi que de spécimens « touchés » accessibles au sein de la salle collective du 7e étage.

Excusez-moi, il est vrai que le protocole m'oblige à tout expliquer. Les « touchés » sont les infectés.

Nous avons pu prendre connaissance de toutes ces informations de manière collective, en parler, y réfléchir chacun de notre côté, puis à nouveau nous concerter. Nous nous rendons compte que nous ne sommes pas encore complètement organisés, selon les remarques de Juillet, et surtout de Décembre qui a un esprit martial. Il faudra certainement remédier à cela.

De manière unanime, deux dossiers nous ont particulièrement heurté. Comme dit Juin et son profil d'anthropologue, en remplaçant ses lunettes et en serrant sa queue de cheval, la donnée qualitative des discours rapportés est riche d'informations pour comprendre la sensibilité des personnes, leur ressenti et la problématique à échelle humaine.

A ce titre, un des fichiers vidéos nous a bouleversé, choqué, glacé le sang...

Il s'agit de la pièce V.3.01-23.1207/3012.

Au sein de cette vidéo... mince, ma main tremble encore et ma respiration se coupe. Ces images sont tellement difficiles, car forcément j'y projette ma propre famille.

Dans la vidéo, nous voyons une personne âgée entourée de ses proches et des forces de l'ordre. Elle est accroupie, craintive, se tient les oreilles ensanglantées et ne comprend pas ce qui se passe. Sur ses jambes fines aux veines volumineuses, le chien de la famille est à l'agonie, la gorge ouverte par la lame du couteau de cuisine encore enfoncé.

La femme ne reconnaît pas les personnes qui l'entourent, ou bien s'en méfie. Elle a des comportements étranges non maîtrisés et... surtout... est soumise à des variations importantes de l'humeur. La peur laisse place à la colère en un millième de seconde, puis un repli de honte, une profonde tristesse et de nouveau de l'agressivité effroyable explose.

L'entourage semble abasourdi et impuissant, les enfants comme les petits-enfants sont sidérés. Même les autorités restent quelques instants stupéfaits avant que la grand-mère, soumise à une montée d'adrénaline et de cortisol, se jettent sur eux.

Son regard n'est pas fou, car la folie est humaine.

Ses yeux sont au contraire empruntés de l'absence de tout. Même un animal à sang-froid en pleine prédation paraît moins terrifiant.

Au sein des dossiers, il y a de nombreuses informations de ce type et de vidéos... Mais voir l'impact en direct au sein d'un foyer a quelque chose d'effroyable, de l'ordre de l'épouvante. Nous avons ici toutes et tous des parents, grands-parents, un animal de compagnie... ces images paraissent si... réalistes, à la différence des rapports écrits ou des chiffres.

En parlant de chiffres, le second dossier est celui des métadonnées, d'un tout autre ordre donc. Il nous fut tout de même précieux. Comme le répètent Février, ingénieur en robotique, et Aout, physicien, "rien ne vaut les statistiques sur de larges échantillons". Vous imaginez l'ambiance avec Juin...

Nous avons été alertés par l'ampleur du problème en voyant la multiplication des cas depuis notre arrivée.

Si nous comprenons bien, il y a aujourd'hui environ un milliard d'êtres humains sur terre "touchés" par le virus.

C'est-à-dire un sur sept... c'est surréaliste, même si certaines régions du globe sont plus concernées que d'autres.

A nos yeux, les deux informations ensemble sont choquantes. Si une pathologie grave mais rare est tolérable, tout autant qu'une pandémie de faible gravité, savoir que nous faisons face à une pandémie de pathologie aussi grave nous effraie.

Personnellement, je crains pour ma famille dehors qui, comme moi il y a encore quelques semaines, n'est sûrement pas au courant de toutes ces données. Je sais que mon raisonnement est absurde, mais me dire que je perds aujourd'hui une personne sur sept que j'ai pu connaître m'insupporte d'injustice.

Je le concède aussi, j'ai peur pour moi. Même si je n'ai jamais eu l'impression de vivre, je ne veux pas mourir.

Je m'égards, voici la synthèse demandée.

Selon Avril essentiellement, il faut le reconnaître, puisqu'elle est biologiste et épidémiologiste, il semblerait que cette première forme de virus soit particulièrement virulente avec un haut seuil de contamination. Il y aurait bien une origine humaine au virus, une modification de process connus, peut-être en réaction à des symptômes particuliers comme les encéphalites qui se sont développées depuis la mise sur le marché des nouvelles technologies de diffusion des particules électriques.

Selon l'avis conjoint de Novembre, psychologue, et Décembre, médecin, les données recueillies dans la recherche et les observations ici indiquent que le virus provoque des détériorations dans le lobe temporal de chaque hémisphère. Il s'attaque ainsi aux aires cérébrales impliquées dans l'audition, le cortex auditif, pour en provoquer la surdité.

De plus, un effet secondaire est remarqué au sein d'autres régions cérébrales, comme l'amygdale, conduisant le sujet "touché" à des dysrégulations émotionnelles. Enfin, une autre conséquence a aussi pu être notée, l'affectation de la mémoire de travail. Ceci certainement du fait d'un dysfonctionnement du cortex préfrontal.

Le porteur réagit avec un excès hormonal et des émotions intenses de type tristesse, peur et dans une moindre mesure dégoût et colère. Nous comprenons ainsi les fortes réactions des groupes sociaux et des États entre eux, à l'égard de ceux qu'ils estiment responsables, et contre eux-mêmes au sein des foyers et des entreprises.

Je comprends mieux le besoin de présenter nos réponses concrètes (--> 1.10.), sauf si celles-ci vous sont évidemment déjà connues. Dans ce cas, je conclus volontiers cette séquence (--> 1.12.). Je vous laisse me guider.

V.12, de la FIN le DEBUT [Livre interactif - terminé]Where stories live. Discover now